Homélie :
Chers frères et sœurs,
Nous fêtons aujourd’hui dans une seule et même fête, deux des colonnes, bien différentes, de l’Église du Christ, martyrisées à Rome.
Est-ce un pur hasard ? Non, Pierre et Paul y sont venus par des chemins différents mais c’est la Providence qui a conduit ces deux colonnes de l’Église naissante jusqu’au cœur de l’empire romain, à Rome pour y donner leur vie. Ils auraient eu beaucoup d’occasions pour mourir ailleurs mais Dieu – qui les a libérés de la captivité à diverses reprises (nous le voyons pour Pierre dans la première lecture) – ne l’a pas fait à Rome.
Et, de fait, c’est en ce lieu qu’ils ont donné leur vie pour Jésus.
Comment Paul et Pierre sont-ils venus à Rome ?
Paul avait le désir d’y venir depuis longtemps, comme il l’écrit dans l’épître aux Romains – sans doute la plus importante de ses lettres. Il pensait y faire étape en allant vers l’Espagne qui à l’époque était considérée comme l’extrémité de la terre. Pour lui, Rome est importante pour annoncer l’Évangile à tous les peuples, à toutes les nations, sans exception. C’est pour cela que Saint Paul n’a cessé de voyager pour annoncer le nom de Jésus.
Parce que l’Église est catholique – entendons « universelle » – Saint Paul sent la nécessité d’aller à Rome qui est en quelque sorte le centre du monde de l’époque.
Ainsi, en tant que citoyen romain, il avait fait appel à l’empereur pour y être jugé. Mais plus profondément, avant même d’y être conduit comme prisonnier, Paul a le désir de passer par Rome pour rendre la foi visible au monde entier car Jésus a offert sa vie pour tous les hommes; il veut que tous les hommes, sans exception, soient sauvés.
Sous la conduite de l’Esprit-Saint Pierre, lui, n’était pas citoyen romain et il est venu à Rome pour une raison un peu différente. Il aurait certainement préféré rester auprès de son lac pour la pêche. D’ailleurs, dans sa lettre aux Galates, Paul dit que Pierre a été envoyé vers les juifs et lui-même vers les païens. En fait, cette affirmation prend une autre tournure par la suite, car il est ensuite conduit vers Rome par l’Esprit-Saint (Ac 10, 47).
De façon providentielle, Pierre est invité chez un centurion romain et il constate que l’Esprit Saint leur est donné à eux comme à lui. Pierre comprend alors que Dieu lui demande de les baptiser. À partir de ce moment-là, Pierre va davantage se tourner vers les païens.
Dans la Lettre aux Galates, Paul dit que Dieu a donné à Pierre la force pour le ministère apostolique parmi les circoncis. Devant les développements de l’Église chez les païens, Pierre laisse la présidence de l’Église chrétienne juive à Jacques le mineur, pour se consacrer à sa véritable mission: le ministère pour l’unité de l’unique Église de Dieu formée par des juifs et des païens. Il se consacre alors à tous les chrétiens et pas seulement à ceux qui étaient d’origine juive.
C’est ce qui va l’amener à Rome.
À ce moment là, des dissensions vont apparaître entre ceux qui venaient du paganisme et ceux qui venaient du monde juif. Et c’est à la faveur de cela que Pierre va donner sa vie pour Jésus, puisque l’empereur profitera de cela pour accuser les Chrétiens comme étant responsables des tensions et pour les persécuter.
Et c’est ce désir de porter l’Évangile jusqu’au bout du monde qui va pousser Paul jusqu’à Rome: Jésus ayant offert Sa vie pour tous, il ne faut que personne ne soit exclu du Salut par nos fautes.
Pierre, lui, est garant de cette unité de l’Église; il est arrivé à Rome pour la préserver autour de la Foi, dont il est dépositaire, comme le dit l’Évangile de ce jour: il possède les clefs des Cieux, le pouvoir de lier et de délier… voici ce qu’est l’unité de l’Église.
Dans le credo, nous disons que nous croyons en l’Église « une, sainte, catholique et apostolique ». La fête des saints patron de Rome évoque la double aspiration typique de cette Eglise, vers l’unité et vers l’universalité.
Cette solennité des apôtres Pierre et Paul, bien plus que la fête de deux saints en particuliers, est la fête de la fraternité dans l’Église. Ils ont une relation personnelle avec Jésus. Et aujourd’hui, en les fêtant ensemble, la tradition chrétienne insiste sur le fait que Saint Pierre et Saint Paul sont inséparables. Leur unité a toujours triomphé, notam-ment par leur amour de Jésus. Ils se sont tous deux donnés totalement en Jésus, et ce, de manière différente. Ils ont accepté de payer de leur personne leur fidélité au Christ, dans chaque situation. Pierre et Paul, bien qu’humainement très différents l’un de l’autre, et malgré les conflits qui n’ont pas manqué dans leur rapport, ont réalisé une manière nouvelle d’être frères, vécue selon l’Évangile, une manière authentique rendue possible par la grâce de l’Évangile du Christ opérant en eux.
Chacun d’eux n’est qu’un serviteur d’une réalité plus grande. Pierre ne peut prétendre résumer à lui seul toute l’Église; Paul non plus. D’ailleurs nos derniers papes nous montrent des hommes très différents mais le sont chacun à sa manière, selon sa grâce.
Ce n’est sans doute pas un hasard que cette fête des saints Pierre et Paul est choisie fréquemment pour l’ordination des prêtres: les évêques se donnent des collaborateurs très différents entre eux mais complémentaires. Cette fête est pour chacun de nous un appel à travailler à l’unité et à la catholicité de l’Église. A la catholicité c’est-à-dire à l’universalité. Porter Jésus à tous les hommes, particulièrement à ceux qui ne Le connaissent pas encore.
Demandons cette grâce, par Marie qui était bien là à la Pentecôte pour veiller sur l’Église et qui est toujours présente: demandons-Lui de nous aider à travailler à l’unité et à l’universalité de l’Église, Amen !
Père Dieudonné
Prieur du Bec