Homélie : « Aussitôt il en sortit de l’eau et du sang »
Dimanche dernier, nous avons célébré le corps, le corps eucharistique, la fête du Saint Sacrement. Aujourd’hui, nous célébrons le cœur, le Sacré-Cœur de Jésus. Non pas un organe matériel, mais le foyer de l’amour qu’il nous porte et nous partage.
En 1995, le pape saint Jean-Paul II a décidé que la fête du Sacré-Cœur serait un jour de prière pour la sanctification des prêtres. En effet, quand Jésus demande que soit instituée une fête du Sacré-Cœur, lors de la troisième grande apparition à sainte Marguerite Marie, Il demande de réparer les ingratitudes que son cœur a reçues, « les mépris, les froideurs, les sacrilèges… » et il précise : « en particulier de la part de ceux qui me sont consacrés », c’est-à-dire notamment les prêtres.
Jésus parle des ingratitudes liées à l’eucharistie. Or, le prêtre se souvient que le jour de l’ordination, son évêque, en lui remettant la patène et la coupe, lui a redit cette exhortation : « Ayez conscience de ce que vous ferez, imitez dans votre vie ce que vous accomplirez par ces rites et conformez-vous au mystère de la croix du Seigneur. » L’appel à fêter le Cœur de Jésus et à réparer les ingratitudes qu’il reçoit est donc bien d’actualité aujourd’hui.
En exhortant et en aidant les fidèles à trouver le chemin de la conversion et de la miséricorde du Christ, aujourd’hui, le Seigneur lui-même nous exhorte, nous ses ministres, à réaliser à notre tour cette démarche, à nous reconnaître devant lui dans notre péché, dans notre péché personnel et dans le péché de notre corps tout entier.
Un homme qui vit sans pardon est un homme qui s’enferme sur sa culpabilité et risque de plonger dans le désespoir. Une société qui vit sans pardon est une société qui s’étouffe dans sa culpabilité et la transforme en agressivité envers les autres pour trouver les coupables que nous ne voulons pas reconnaître en nous-mêmes. Une humanité sans pardon est une humanité vouée à la délation, à la barbarie et à la sauvagerie.
La fête du Sacré-Cœur appelle à ce regard de compréhension, de douceur, les uns sur les autres ; à toujours chercher à comprendre qu’un choix, une attitude, n’est pas une lubie, une étroitesse, mais exprime une intention droite et respectable. Parler du Cœur de Dieu, contempler le Cœur du Christ, c’est saisir ce qui le qualifie, c’est-à-dire les qualités qui sont les siennes ; nous les savons par l’Ecriture : il est doux et humble.
C’est vrai, la douceur n’est pas également partagée. La violence, la colère, la rancœur peuvent habiter des vies ; pour des raisons qui souvent l’expliquent. Les inquiétudes du temps, les réseaux sociaux, la difficulté à se mettre à distance de soi-même, de ses émotions, accentuent toutes ces expressions de violence. Nous en sommes témoin, parfois, et je l’espère le moins souvent, auteurs également.
Par le don de sa vie, par son Cœur brûlant d’amour, le Christ nous offre un baume précieux, un remède pour nous guérir des blessures du péché, un viatique pour la route. Et nous comprenons alors que la fête du Sacré Cœur est profondément liée à la fête du Saint Sacrement comme le révèle notre Seigneur à sainte Marguerite Marie : “J’ai soif, mais d’une soif si ardente d’être aimé des hommes au Saint-Sacrement, que cette soif me consume, et je ne trouve presque personne qui s’efforce, selon mon désir, de me désaltérer, en rendant quelque retour à mon Amour.”
La fête du Sacré Cœur s’adresse à tous les fidèles appelés à célébrer, honorer, aimer le cœur de Jésus en réparation pour tous ceux qui ne l’aiment pas, ne le célèbrent pas, ne l’honorent pas pourrions-nous dire.
Que le Sang et l’Eau sortis du Côté du Christ nous lavent et nous fortifient, nous sauvent et nous purifient afin que nous puissions trouver refuge en lui, qui s’est ouvert pour tous les hommes. Amen.
Père Dieudonné
Prieur du Bec