VI. DU SILENCE.
Dimanche 24 septembre :
Après l’obéissance et avant l’humilité, saint Benoît veut nous montrer l’importance du silence. Nous vivons dans un monde bruyant, agité, encombré de toutes sortes d’information données par une multitude de moyens. Et si nous n’y prenons pas garde, nous pouvons nous laisser entraîner dans ce tourbillon de bruits, de paroles, d’images… Aujourd’hui, nos concitoyens vivent dans ce bruit continu !
Saint Benoît nous met donc en garde contre cet excès de bruit, de paroles, en nous rappelant les conseils des sages et du psalmiste, allant jusqu’à nous mettre en garde contre l’excès de paroles même bonnes.
En fait, même sans beaucoup de paroles, nous pouvons vivre dans un bruit intérieur, dans le tumulte des pensées qui nous assaillent et nous empêchent d’être dans le recueillement et dans la paix. C’est le silence de paroles, même bonnes, et de pensées qui, seul, favorise l’écoute et particulièrement l’écoute de la Parole de Dieu. L’agitation intérieure, comme l’excès de paroles, peut-être une fuite, une peur de nous retrouver face à nous-mêmes et aussi face à Dieu, car le bruit intérieur aussi bien qu’extérieur nous divertit au sens propre et fort du mot ; il nous détourne de l’essentiel qui est Dieu. Au contraire, par un silence véritable, nous pouvons rejoindre notre cœur profond pour demeurer en présence de Dieu qui nous y attend.VII. DE L’HUMILITÉ.
Lundi 25 septembre :
Nous entrons dans ce long chapitre de la Règle : après l’obéissance et le silence, voici l’humilité, autre élément du combat spirituel, et qui sont, tous les trois, inséparables. Observée du simple point de vue humain, l’humilité peut être considérée comme une qualité morale que l’on confond souvent avec la modestie, nécessaire pour éviter les heurts entre les personnes et faciliter la vie en société. Mais les premiers mots de ce chapitre 7 nous situent sur un tout autre plan, car l’humilité s’enracine dans l’Écriture elle-même ; elle caractérise notre relation à Dieu, et saint Benoît cite d’emblée plusieurs textes de l’Écriture, comme la parole de Jésus à propos du pharisien et du publicain : « Quiconque s’exalte sera humilié, et qui s’humilie sera exalté (Luc 14, 11) », ainsi que le psaume 130 (131) qui commence par : « Seigneur, je n’ai pas le cœur fier, ni le regard hautain… »
Au fur et à mesure que nous entrons dans la lecture de ce chapitre, la figure du Christ Jésus nous apparaîtra comme le Fils du Père, doux et humble de cœur. Aussi, vivre l’humilité ne peut que nous rapprocher de Jésus.
L’humilité caractérise la relation du peuple d’Israël avec Dieu ; Dieu qui reste fidèle à sa promesse, mais c’est le peuple qui se laisse entraîner dans l’infidélité et parfois même la révolte. Alors il se repent de ses égarements et Dieu lui manifeste à nouveau son amour et son pardon. Jésus continuera de révéler l’amour et la miséricorde de son Père car il est lui-même doux et humble de cœur.
Ainsi, cette découverte d’un Dieu qui aime et qui pardonne est pour nous la source de l’humilité, dans la prise de conscience de notre péché et la confiance en cet amour divin. L’humilité donne un cœur qui s’émerveille devant l’immensité de Dieu ; il est rempli d’action de grâce et se reconnait incapable de faire le bien seul et sans le secours divin.
Mardi 26 septembre :
Pour illustrer la première citation du chapitre 7 : « Quiconque s’exalte sera humilié, et qui s’humilie sera exalté », saint Benoît utilise l’image de l’échelle de Jacob, cette échelle où le patriarche voyait monter et descendre les anges de Dieu. La comparaison s’arrête là, car le rôle des anges, qui sont les messagers de Dieu auprès de nous, est de faire le lien entre Dieu et les hommes ; ils portent auprès de Lui nos prières, nos louanges et nos demandes. Pour le moine, il s’agit de monter vers Dieu en s’abaissant aux yeux des hommes, et le moment qui nous est donné pour cela, c’est toute notre vie et tout notre être que nous engageons.
A partir de cette image, saint Benoît veut montrer que notre vie forme un tout, corps et âme, qu’elle est tendue vers Dieu et que nous sommes appelés à vivre avec Lui et pour Lui. Lorsque nous nous offrons à Dieu, c’est totalement que nous nous convertissons dans tous les domaines de notre vie et de notre être. Nous nous tournons vers Dieu, nous revenons à Lui en nous reconnaissant pécheur, humble et pauvre devant Lui et en nous efforçant de suivre le Christ qui a suivi, le premier, ce chemin d’humilité.
Dans le Prologue, saint Benoît reprenait la question du psalmiste : « Seigneur, qui habitera sous ta tente, qui demeurera sur ta montagne sainte ? » Et le Seigneur répond : « C’est celui qui est sans tache, qui fait la justice, dit la vérité dans son cœur… » Les différents degrés de cette échelle ne sont pas à prendre comme un ordre à suivre ; ils se présentent plutôt comme les aspects différents et complémentaires de l’humilité. Ils nous montrent comment renoncer à notre volonté propre et à nos désirs de dominer pour laisser toute la place à Dieu par les différentes médiations décrites par saint Benoît. L’humilité n’est pas une simple recherche de perfection, mais elle est la porte étroite par laquelle il faut passer. Elle est aussi et surtout le moyen sûr pour parvenir au but fixé qui est la vie éternelle.
Mercredi 27 septembre :
Lorsqu’on pense ‘’humilité’’, on s’imagine qu’il faut baisser la tête, regarder à terre et se faire petit ! Or, pour ce premier degré de l’échelle, saint Benoît nous invite au contraire à lever les yeux vers Dieu. Bien sûr, en sa Présence, nous éprouvons une crainte révérencielle, mais, en même temps, Il nous appelle à reconnaître sa présence, son action en notre faveur et sa bonté pour tous les hommes.
On pourrait dire que Dieu se fait humble lorsqu’Il se penche vers nous, lorsqu’Il abaisse son regard sur les pauvres que nous sommes, mais l’attention qu’il nous porte demande une réponse de notre part, et cette réponse, c’est de nous garder du péché, de veiller sur nos pensées, car Dieu connaît le fond de nos cœurs. Et pour éviter les pensées perverses, il faut se laisser habiter par la pensée de Dieu, par son dessein d’amour qui se révèle dans sa Parole. L’écoute et la méditation de la Parole de Dieu nous permettront de fuir l’oubli, de nous reconnaître humbles devant la grandeur et l’amour de notre Père et Créateur.
Jeudi 28 septembre :
Ce premier degré d’humilité nous invite à tourner notre regard vers Dieu et à Lui rendre grâce pour son amour et son action incessante en notre faveur. Nous verrons alors qu’Il nous regarde, qu’Il se penche vers nous d’un regard aimant car Il veut notre bonheur. Et comme Il le dit Lui-même dans l’Écriture, car c’est là où Il se révèle, demandons-Lui que ce soit sa volonté qui se fasse en nous, et non la nôtre, car sa volonté, c’est que nous vivions en plénitude de sa vie divine, de son amour. Mais si nous suivons nos propres désirs, nous risquons d’aller vers la mort spirituelle.
Pour demander à Dieu de faire en nous sa volonté, reprenons la prière du Fils : « Que ta volonté soit faite en nous », et le Fils, qui a toujours fait la volonté de son Père, la fera aussi avec nous. Il est notre meilleur guide pour nous aider à marcher dans cette voie.
Vendredi 29 septembre, solennité des saints archanges :
A la suite de ce qu’il disait précédemment, saint Benoît nous met en garde contre le piège de la facilité, le piège des mauvais désirs qui nous mènent vers la mort, « la mort qui est postée sur le seuil même du plaisir » nous rappelle-t-il. Dès le Prologue, saint Benoît nous avertissait du combat spirituel qu’il nous faut mener jusqu’au bout.
Suivre sa propre voie et non celle proposée par Dieu, c’est l’oublier, c’est dévier vers le mal. Pourtant Dieu veille constamment sur nous, et ses anges lui annoncent nos œuvres. Encore une fois, choisissons la vie, la vraie vie qui est aussi la voie de l’humilité et qui nous conduit sûrement, à la suite du Christ, vers sa Pâque.
Samedi 30 septembre :
Le second degré d’humilité nous fait avancer d’une nouvelle place sur cette échelle dressée vers le ciel. Il est plus exigeant et nous pousse à un engagement plus profond de nous-mêmes par le renoncement à notre volonté propre. Mais cet abandon de nos désirs n’est pas un simple anéantissement de nous-mêmes, ce n’est pas le vide pour lui-même, mais c’est pour laisser la place à Celui qui veut faire notre bonheur. C’est renoncer à sa propre volonté pour faire celle de Dieu en imitant le Christ qui n’est pas venu faire sa volonté, mais celle de Celui qui l’a envoyé. Ainsi nos facultés, nos désirs, notre être tout entier cessent d’être tournés vers nous-même pour s’ouvrir à la volonté de Celui qui est lui-même don total, amour parfait et qui nous rend capables de nous donner pour aimer comme Lui sait nous aimer.
Frère Claude
Prieur du Bec