CHAPITRE 40 : DE LA MESURE DU BOIRE.
Dimanche 19 mars :
Dans ce chapitre, nous retrouvons le même principe que dans le précédent sur la nourriture : sobriété et mesure. La sagesse de saint Benoît qui connaît la nature humaine nous met en garde, comme dans le chapitre précédent, sur les risques liés à l’excès. En ce qui concerne le vin, « ne jamais aller jusqu’à la satiété ou l’ivresse », nous rappelle-t-il, car l’excès peut avoir des conséquences fâcheuses… Donc de la mesure en toute chose.
Et pourtant, saint Benoît, connaissant les faiblesses de chacun, montre une certaine souplesse, à condition de toujours respecter la mesure.
Et puis il ajoute une mise en garde importante et fréquente chez lui : le danger du murmure. Si l’on n’a pas le nécessaire souhaité, on ne doit pas s’en attrister, mais bénir Dieu. C’est aussi l’occasion d’ouvrir son cœur à tous ceux qui nous entourent, qui souffrent de la pauvreté parce qu’ils n’ont pas même l’indispensable.CHAPITRE 41 : À QUELLE HEURE SE PRENNENT LES REPAS.
Lundi 20 mars :
L’organisation de l’horaire des repas prévue par saint Benoît correspond aux nécessités de son époque ; elle ne serait pas applicable telle quelle aujourd’hui. Cependant, on peut retenir le lien que saint Benoît établit entre la vie quotidienne, dont font partie les repas, et l’année liturgique. Pâques, en effet, commande toute l’année. Le mystère pascal est ainsi présent même dans les actes les plus ordinaires de la vie, et cela tout au long de l’année.
A travers toutes ces indications, on remarque l’humanité de saint Benoît qui veille à ce que les repas soient suffisants pour que chacun puisse refaire ses forces. Car c’est à travers les actes quotidiens les plus ordinaires que se réalise le salut des âmes ; nous avons toujours en vue la Vie éternelle.
Mais surtout, et encore une fois, qu’il n’y ait aucun motif de murmure demande saint Benoît. Cela suppose un cœur vigilant et une maîtrise de nos émotions car, nous le savons bien, la moindre cause de mécontentement ou de contradiction peut dégénérer en murmure.
Ainsi les repas et la façon de les prendre ne sont pas de simples actes quotidiens et matériels, mais ils engagent aussi notre esprit et notre cœur, toute notre vie avec Dieu ; ils ont une dimension spirituelle. Nous pouvons ainsi, par tous les actes de notre vie, y compris les repas, sauver nos âmes.
CHAPITRE 42 : QUE PERSONNE NE PARLE APRÈS COMPLIES.
Mardi 21 mars :
Ce chapitre est d’une grande richesse par les différents thèmes qu’il contient. D’abord, saint Benoît rappelle la valeur du silence, faisant ainsi écho au chapitre 6 sur le même sujet. Les activités de la journée étant achevées, on entre dans le silence nocturne, temps où l’on quitte les bruits du jour, les travaux, les rencontres, pour entrer dans le repos, dans la rencontre et le cœur à cœur avec le Seigneur.
C’est aussi un temps d’écoute de la Parole de Dieu, d’où la lecture entendue en commun, lecture édifiante pour les auditeurs nous dit saint Benoît. Aujourd’hui, elle peut prendre plus simplement la forme d’une Lectio personnelle en cellule. Si à son époque saint Benoît recommandait d’éviter la lecture de certains livres bibliques à cause « des intelligences faibles », ces textes montrent malgré tout l’homme tel qu’il est, avec son péché et sa violence, car nous sommes cette humanité que Dieu vient sauver, racheter, et qu’Il aime malgré toutes nos misères.
Et puis vient l’heure de Complies, le dernier office de la journée où nous nous remettons entre les mains du Seigneur. Le mot ‘’Complies’’ a la même racine que le verbe ‘’accomplir’’ avec le sens de plénitude, d’achèvement. Et nous entendons la dernière parole de Jésus en croix, celle que nous entendrons le Vendredi Saint : « Tout est accompli », ainsi que le psaume prononcé aussi par Jésus avant de mourir : « En tes mains Seigneur, je remets mon Esprit ».
CHAPITRE 43 : DE CEUX QUI ARRIVENT EN RETARD À L’ŒUVRE DE DIEU OU À TABLE.
Mercredi 22 mars :
Dans ce chapitre sur les retards, il nous est rappelé que le temps ne nous appartient pas ; il est un don de Dieu. Nous ne vivons pas seuls, mais ensemble, et cela est particulièrement vrai pour les offices comme pour les repas, pour le travail, mais aussi pour tous les rassemblements communautaires. Ce temps donné et reçu est un facteur d’unité entre nous.
Mais la priorité doit naturellement être donnée à l’office divin auquel rien ne peut être préféré ; et nous le célébrons ensemble ! C’est pourquoi nous sommes présents dès le début et jusqu’à la fin, par respect pour Dieu et pour nos frères.
Tout retard est donc une atteinte à l’unité de la communauté et il demande réparation surtout s’il est dû à la négligence. C’est l’occasion d’un chemin de conversion et la réparation a aussi pour but de restaurer notre relation à Dieu et aux autres. Respecter le temps de l’œuvre de Dieu, comme celui de l’ensemble des actes communautaires, nous appelle à vivre dans le présent au lieu de fuir, et suppose un renoncement à nous-mêmes, une invitation à nous donner le plus totalement possible.
Jeudi 23 mars :
De même que les offices nous rassemblent pour célébrer la louange de Dieu, de même les repas nous rassemblent pour recevoir ensemble ses dons. Et on rejoint ici ce que saint Benoît dit des repas dans les chapitres précédents. Le repas a une valeur d’acte cultuel, il est précédé d’une bénédiction et il est suivi d’une action de grâce pour lesquelles nous devons tous être présents. Et comme pour les offices, nous devons réparer les négligences et nos retards.
Saint Benoît ajoute en final une remarque sur l’accueil de ce qui nous est offert : recevoir un don doit nous placer en attitude d’humilité. Et si on ne l’accueil pas au moment où il nous est offert, on n’a pas à le demander ensuite. Plus largement, on ne doit pas prendre ce que l’on désire, quand on veut et où l’on veut ! Ce que nous recevons est un don pour lequel nous rendons grâce. Il y a des moments pour recevoir un don qui doit nous mettre en attitude filiale, que ce soit dans la prière ou en tout autre activité.
CHAPITRE 44 : DE CEUX QUI SONT EXCOMMUNIÉS, COMMENT ILS DOIVENT SATISFAIRE.
Vendredi 24 mars :
Ce chapitre prolonge ceux qui sont consacrés à l’excommunication pour les fautes. Ce qui est envisagé ici c’est la réparation lorsqu’il y a eu une faute grave. Aussi, le frère coupable de faute grave se trouve excommunié au sens où l’entend saint Benoît, c’est-à-dire qu’il est séparé pour un temps de la communauté, mais sans être mis en dehors. Une faute, si elle est reconnue et regrettée, n’entraine pas une séparation définitive avec la communauté. Au contraire, la réintégration est possible et se fait progressivement. Suspendu de toutes fonctions, particulièrement à l’office, le frère excommunié est toujours présent, mais dans l’attitude de pénitent, prosterné à terre à l’entrée de l’oratoire, afin que tous les frères puissent le voir.
Le but de cette pénitence est double :
- Dans le silence et la suspension de toute fonction, il doit prendre conscience de sa faute et opérer une conversion du cœur, un retour intérieur vers Dieu et vers la communauté.
- La vue de ce frère pénitent doit aussi provoquer chez les frères le désir de sa conversion jusqu’à sa réintégration dans la communauté. Et c’est bien ce qui se fait par étapes : Tandis que les frères prient pour lui, l’abbé apprécie les progrès de sa conversion jusqu’à ce qu’il estime le bon moment pour l’accueillir de nouveau.
On se rend compte qu’une faute grave commise par l’un ou l’autre des frères affecte l’ensemble du corps, et cette blessure fait d’autant plus désirer sa conversion et sa réintégration, mais non son exclusion totale qui est la solution pour les cas extrêmes d’endurcissement et de rébellions.
Autrefois, dans l’Église primitive, la réadmission des pêcheurs publics dans la communauté ecclésiale se faisait par étapes, pour s’achever au cours de la Semaine Sainte. Le pêcheur pardonné pouvait alors célébrer la Résurrection du Seigneur à Pâques, avec toute sa communauté.
Ici, on voit la manifestation de la miséricorde de Dieu. Rappelons-nous les paraboles de la miséricorde, et en particulier celle du fils prodigue ; l’amour du Père nous attend toujours. Rappelons-nous aussi les premiers mots du Prologue de la Règle avec l’invitation du Père qui nous aime et nous redit : « Reviens par le labeur de l’obéissance à Celui dont t’avait éloigné la lâcheté de la désobéissance ». Les portes du pardon – pour employer une expression de la liturgie orientale – nous sont toujours ouvertes.
CHAPITRE 45 : DE CEUX QUI SE TROMPENT À L’ORATOIRE.
Samedi 25 mars, solennité de l’Annonciation du Seigneur :
Après avoir traité des fautes graves, saint Benoît envisage ici les négligences qui peuvent arriver au cours des offices. La demande de saint Benoît de faire satisfaction nous rappelle que Dieu est présent lorsque nous sommes rassemblés pour le célébrer et il nous invite, en montrant ce qu’il faut éviter, à être, nous aussi, présent, non seulement physiquement, mais de cœur et d’esprit, à Dieu que nous célébrons. Bien des psaumes nous invitent à chanter avec sagesse comme si nous étions en présence des anges. Il ne nous est pas demandé de rechercher la perfection technique pour elle-même, mais de prier avec tout notre cœur, un cœur humble et doux. Saint Benoît dit bien que « notre cœur doit être en harmonie avec ce que chantent nos lèvres. »
Dans la fête de l’Annonciation que nous célébrons aujourd’hui, nous pouvons croire que Marie était totalement attentive à la Présence de Dieu, pénétrée de sa Parole et que son ‘’oui’’ était préparé par ses dispositions de cœur et d’esprit, même si l’on peut imaginer la surprise qui était la sienne pour avoir été choisie par Dieu en vue de cette mission incroyable : ‘’Être la Mère du Fils de Dieu’’.
Frère Claude
Prieur du Bec