Écouter une parole du Bec en 2023 – S04

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Catégorie : Vie monastique

CHAPITRE 5 : DE L’OBÉISSANCE.

Dimanche 22 janvier, dimanche de la Parole de Dieu :

L’obéissance est d’abord : ’’écoute’’, mot que l’on retrouve dès le début du Prologue : « Écoute, ô mon fils, l’invitation du maître, et incline l’oreille de ton cœur ». Le but de cette écoute est de « revenir par le labeur de l’obéissance à Celui dont t’avait éloigné la lâcheté de la désobéissance ».

Le fondement de l’obéissance pour le moine, c’est l’amour, et d’abord, l’amour du Christ. « L’obéissance, dit saint Benoît, se trouve chez ceux-là qui sont décidés à n’avoir rien de plus cher que le Christ ». Et l’amour change tout. Il fait que l’obéissance ne soit pas servile, qu’elle ne soit pas perçue comme une obligation, comme une corvée dont on souhaite se débarrasser au plus vite, comme un ordre qu’on exécuterai à contrecœur.L’obéissance est choisie par le frère lors de sa profession ; c’est l’un des trois vœux qu’il émet. Elle place le moine en relation avec le Christ que nous avons promis de suivre et d’imiter, car lui-même a vécu la parfaite obéissance filiale à son Père. Il est en communion d’amour avec Lui et par l’obéissance, c’est cette communion d’amour qu’il nous est proposé de vivre.

Il en résulte que l’obéissance est réponse à l’appel de Dieu ; nous en avons des exemples dans l’Évangile de saint Matthieu avec l’appel par Jésus des premiers disciples (Mt. 4, 18-22). On voit comment ils répondent aussitôt à Jésus et le suivent. Pour nous, les appels du Seigneur se renouvellent chaque jour : fidélité à la Règle et à nos engagements qui s’expriment dans les offices, les services, les exercices communautaires, les demandes.

Il y a aujourd’hui dans l’Église une institution qui n’est pas encore très bien perçue, car elle est encore trop récente. En effet, ce troisième dimanche du temps ordinaire a été appelé : Dimanche de la Parole de Dieu. C’est le 30 septembre 2019 que le pape François l’a institué par une exhortation apostolique intitulée : ‘’Aperuit illis’’.  Ces mots reprennent ceux de l’évangile de Luc dans le récit de l’apparition de Jésus aux apôtres au Cénacle : « Alors il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Écritures » (Luc 24, 45). Le choix de la date de cette exhortation n’est pas anodine : le 30 septembre est la fête de saint Jérôme, le grand traducteur de la Bible en latin qui disait : « Ignorer l’Écriture, c’est ignorer le Christ ».

Et voici ce que disait le pape au sujet de ce dimanche de la Parole de Dieu : « J’établis donc que le troisième dimanche du Temps ordinaire soit consacré à la célébration, à la réflexion et à la proclamation de la Parole de Dieu. Ce dimanche de la Parole de Dieu viendra ainsi se situer à un moment opportun de cette période de l’année où nous sommes invités à renforcer les liens avec la communauté juive et à prier pour l’unité des chrétiens. Il ne s’agit pas d’une simple coïncidence temporelle : célébrer le dimanche de la Parole de Dieu exprime une valeur œcuménique, parce que l’Écriture Sainte indique à ceux qui se mettent à son écoute, le chemin à suivre pour parvenir à une unité authentique ».

Ce que le pape montre bien ici, c’est que la Parole de Dieu est le trésor commun de TOUS les chrétiens. Même s’il reste beaucoup à faire pour parvenir à l’unité, déjà nous pouvons écouter et proclamer ensemble la Parole de Dieu et en vivre. C’est ce que nous faisons déjà cette semaine, à notre niveau.Lundi 23 janvier :

Par cette précision sur l’obéissance, saint Benoît rappelle qu’elle est d’abord donnée à Dieu ; c’est pour Lui que nous servons et une obéissance de mauvais grès ne peut pas être bien accueillie par Lui.

Dieu se sert de relais humains ; c’est pourquoi l’obéissance est due aux supérieurs et par eux va à Dieu. Et si elle est agréable à Dieu, elle est en conséquence, douce aux hommes. Une fois de plus, saint Benoît met en garde contre le murmure, même intérieur, car Dieu voit le cœur qui murmure. Et toujours, prenons comme modèle parfait d’obéissance, le Christ lui-même, qui a toujours fait la volonté de son Père.

CHAPITRE 6 : DU SILENCE.

Mardi 24 janvier :

     A propos de ce chapitre, on ne devrait rien dire. Quand on évoque le silence, nous voyons d’abord l’absence de paroles : se taire, ne pas parler, surtout à tout propos. Mais pour certaines personnes, l’absence de paroles peut devenir source d’angoisse, donner l’impression d’un vide alors que les paroles ne combleront jamais ce vide !

Mais il ne suffit pas toujours de se taire pour être silencieux, car on peut avoir le cœur et l’esprit envahis de bruits, pas seulement des bruits extérieurs, mais surtout intérieurs : les pensées et les sentiments de toutes sortes peuvent se bousculer en nous et nous tenir dans une agitation permanente.

Saint Benoît est très clair en ce qui concerne la parole et le silence ; lui-même s’est enfermé dans le silence des ermitages pendant les premières années de sa vie monastique et on voit comment, en communauté, il respecte le silence qui favorise la présence à Dieu et la prière.

Nous vivons dans un monde bruyant où nous risquons de nous laisser envahir par tous ces bruits, toutes ces images ; des sollicitations de toute sorte. Il nous est donc demandé une ascèse pour préserver notre climat de silence, éviter les conversations inutiles ou futiles pour pouvoir respecter les temps et les lieux où le silence est nécessaire.

Être en silence ne consiste pas seulement à mettre une garde à sa bouche, pour reprendre l’expression du psaume 140, mais surtout à veiller sur ses pensées, à les filtrer. C’est aussi garder son cœur vigilant pour qu’il soit tout entier écoutant. Le silence de paroles et de pensées favorise l’écoute de la Parole de Dieu et l’attention aux inspirations de l’Esprit-Saint. Les citations bibliques de ce chapitre parlent d’elles-mêmes et nous font entrevoir l’image de Jésus. S’il parlait, surtout pour annoncer le Royaume, Il avait aussi besoin de temps de silence qui sont signalés dans les Évangiles et qui sont les moments favorables où Il pouvait s’entretenir avec son Père.

 

CHAPITRE 7 : DE L’HUMILITÉ.

Mercredi 25 janvier, fête de la conversion de saint Paul :

Le premier mot de ce chapitre sur l’humilité est : ‘’La divine Écriture’’. Et le verbe qui suit la traduction est : ‘’crie’’. « La divine Écriture nous crie ». Autrement dit, elle nous interpelle avec force, car c’est la Parole de Dieu qui se fait pressante et lance un appel à l’humilité. C’est une façon pour saint Benoît de dire que, pour obéir à Dieu, faire sa volonté, il faut passer par l’humilité ; et c’est un passage obligé. Et aussitôt suivent deux citations de l’Écriture, une parole de Jésus dans l’Évangile de saint Luc : « Quiconque s’exalte sera humilié, et qui s’humilie sera exalté » (Luc 14,11). La seconde citation est le psaume 130, un des psaumes de Complies.

Autrement dit, dès la première Alliance, et jusqu’à la nouvelle, Dieu nous invite à l’humilité. Tout au long de l’histoire du salut, Il forme son peuple à l’humilité ; Il l’éduque en le mettant à l’épreuve. C’est dans l’humilité, dans la reconnaissance de sa faiblesse qu’il peut revenir à Dieu en faisant l’expérience de sa miséricorde. Il peut alors découvrir l’humilité même de Dieu, car son humilité va jusqu’à nous rejoindre dans notre humanité avec nos faiblesses, nos pauvretés, notre péché. C’est Jésus qui se fait l’un de nous pour venir à notre rencontre et relever les pêcheurs que nous sommes en nous donnant sa Vie. Nous avons donc sans cesse à nous replonger dans les Écritures pour laisser Dieu nous former à l’humilité.

Et l’Église nous offre aujourd’hui un bel exemple d’humilité avec l’apôtre Paul, lui qui farouche défenseur et excellent connaisseur du judaïsme, jusqu’à être un persécuteur acharné de la vie nouvelle, a été renversé, retourné par celui qu’il persécutait. Il a dû abandonner toutes ses assurances et sa superbe pour renaître par le baptême et mettre toute son ardeur au service de l’Évangile du Christ. L’humilité demande toujours une conversion.

Jeudi 26 janvier :

Au début du chapitre sur l’humilité, saint Benoît a cité cette phrase de l’évangile : « Quiconque s’exalte sera humilié, et qui s’humilie sera exalté ». Pour exprimer ce double mouvement, saint Benoît utilise l’image de l’échelle de Jacob où celui-ci voyait des anges monter et descendre. Mais saint Benoît change le sens de la vision : dans la Genèse, les anges établissent la relation entre Dieu et les hommes, entre la terre et le ciel, alors qu’ici, l’image de l’échelle met l’accent sur la montée par l’humilité et la descente par l’orgueil. Elle prend ainsi une signification nouvelle, morale.

Saint Benoît désire que nous parvenions à la vie en Dieu, en tendant vers le haut ; et le moyen d’y arriver, c’est donc l’humilité qui nous fait descendre, nous abaisser si l’on veut monter pour atteindre les sommets de la vie en Dieu. C’est ce que saint Benoît va développer dans tout ce chapitre avec cette image de l’échelle de Jacob, avec ce mouvement simultané de descente par l’humilité afin de pouvoir monter vers Dieu. Et s’il peut y avoir des chutes dues à l’orgueil ou au péché, ces chutes seront l’occasion de relèvements si nous les regrettons sincèrement.

Si saint Benoît propose des degrés d’humilité sur cette échelle, ils ne sont pas des échelons à gravir forcément dans l’ordre indiqué, mais plutôt des aspects différents d’humilité. Les montants qui représentent notre corps et notre âme sont notre être tout entier avec ses différentes dimensions et l’ensemble de notre vie, car jusqu’au bout nous serons en marche, ou plutôt en ascension vers la vie future. Et pour nous y aider, nous avons l’exemple du Christ, doux et humble, avec le secours de l’Esprit-Saint et le soutien des frères et de l’Église car l’humilité ne va pas sans la charité.

 

Vendredi 27 janvier :

Saint Benoît ne nous cache pas que, pour parvenir à l’humilité, il faut un long travail, et c’est celui de toute notre vie. Il emploie l’image de l’échelle de Jacob et décrit les degrés sur lesquels il nous faut monter pour arriver au sommet, c’est-à-dire à la paix intérieure donnée par Dieu. Même si ces degrés ne se pratiquent pas suivant un ordre chronologique, l’un après l’autre, mais présentent plutôt les différents aspects de l’humilité, le premier degré conditionne tous les autres : il consiste à croire et à vivre de la présence de Dieu et pour cela, à maîtriser ses pensées.

Fuir l’oubli de Dieu, c’est se remémorer son action dans les siècles passés et dans l’Église d’aujourd’hui. Pour cela, il faut relire et méditer sa Parole dans les Écritures, et voir son action aujourd’hui dans l’Église et dans la vie des hommes. Nous restons toujours l’objet de son Amour. Et en même temps, savoir que nous sommes en sa Présence, implique une vigilance sur nos pensées comme sur nos actes. Et pour illustrer son propos, saint Benoît donne ici un ensemble de citations bibliques et évangéliques.

Dans cette première étape, le moine accepte sa condition de créature. Mais se sentir regardé par Dieu ne doit pas nous effrayer, mais au contraire nous donner confiance, car son regard est toujours un regard d’amour pour nous.

Samedi 28 janvier :

Ce matin, c’est Père Abbé Mark Ephrem, de passage pour 24 h. au Bec, qui donne son commentaire de la Règle :

« L’Écriture nous détourne de faire notre volonté propre quand elle dit : ‘’Tourne le dos à tes volontés’’. Et dans la Prière, nous demandons à Dieu que ce soit sa volonté qui se fasse en nous ». Vivre dans l’humilité, c’est vivre dans une grande confiance en Dieu et c’est le chemin dans lequel nous sommes toujours conduit.

Dieu ne veut que notre bien ; Il veut nous donner sa Vie divine et que sa Volonté se fasse en nous. Demandons à Dieu, dans une très instante prière, ‘’d’épouser’’ sa Volonté, puisque notre Père ne veut que notre bien. Ce qui compte, c’est l’ouverture du cœur à Dieu, dans l’attitude de celle du publicain de la parabole, car « Dieu scrute les cœurs et le reins (Ps. 7, 10) » rappelle saint Benoît.

Il nous faut rester présent à Dieu, car Dieu, lui, nous est toujours présent. Et si nous lui sommes présent, nous serons aussi présent à tous nos frères pour leur communiquer justement cette présence par un geste, une parole, ou tout simplement ce que nous sommes, avec la paix et la joie données par l’Esprit-Saint.