Écouter une parole du Bec en 2022 – S9

CHAPITRE 22 : COMMENT DORMENT LES MOINES.

Dimanche 27 février :

     Ce chapitre sur le sommeil rappelle le mystère de la nuit. C’est le temps du repos, mais ce n’est pas un moment complètement vide. Même si ce n’est pas pour chacun le temps de révélations extraordinaires, on peut se rappeler l’importance de certaines nuits dans la Bible : Création de l’homme, alliance avec Abraham, nuit de la Pâque, et bien sûr, nuit de Noël, nuits de prière pour Jésus, nuit de la Résurrection.

On peut aussi penser aux nuits de veille dans certaines professions : médecins de garde, soignants, pompiers prêts à intervenir en cas d’alerte… Pour la nuit du moine, on peut rapprocher ce chapitre de ceux qui concernent l’office de nuit.

En lisant ce chapitre, nous avons à l’esprit la parole du Cantique des Cantiques : « Je dors, mais mon cœur veille ». Le sommeil ici n’est pas un temps vide ; il reste habité par la Présence de Dieu. En témoigne ici la lampe qui brûle, symbole de la flamme intérieure, de la vigilance, comme dans la parabole des dix jeunes filles. En témoigne aussi la double mention de l’œuvre de Dieu pour laquelle on est déjà prêt. C’est en fait cette disposition qui maintient le cœur  ouvert et offert à Dieu, même en plein sommeil. Plusieurs psaumes nous le rappellent : le psaume 4 à Complies : « En paix, je me couche, aussitôt je m’endors ; toi seul tu m’établis en sureté ». Ou encore le psaume 62 : « Quand je songe à toi dans la nuit, au long des veilles, je médite sur toi ».

Ainsi la nuit n’est pas une rupture ; de nuit comme de jour nous sommes dans la main de Dieu comme nous le chantons à Complies.

Sommeil du moine

CHAPITRE 23 : DE L’EXCOMMUNICATION POUR LES COULPES.

Lundi 28 février :

Le titre de ce chapitre : « De l’excommunication pour les coulpes » peut impressionner. On pense aussitôt à ces sentences d’excommunication que les papes maniaient autrefois, avec facilité semble-t-il, pour exclure de l’Église un fauteur d’hérésie ou un prince rebelle, et même parfois, une nation toute entière. Une telle sanction, même provisoire ou individuelle, est plus rare aujourd’hui.

Saint Benoît cite les cas où cela peut se présenter dans une communauté. En fait, l’excommunication peut être aussi le résultat d’une attitude personnelle ; on peut s’excommunier soi-même en se mettant à l’écart de la communauté et cela peut traduire un certain orgueil ! Nous pouvons tous être concernés par une telle attitude lorsque nous tombons dans la critique, dans le jugement sans nuance envers tel frère ou même l’ensemble de la communauté, car on se croit meilleur que les autres. On retrouve ici la parabole de la paille et de la poutre entendue dans l’évangile d’hier (Luc 9, 41-42). C’est aussi le pharisien qui s’exclut lui-même en excluant le publicain dans une autre parabole.

L’attitude juste qui nous est demandée est celle de la compassion et de l’indulgence, de celui qui écoute et qui essaye de comprendre, et non du redresseur de torts. C’est ce que saint Benoît demande aux anciens pour avertir d’abord et secrètement le frère en dérive. La charité peut être plus constructive que la condamnation.

Et puis, nous sommes tous en chemin de conversion, et le Carême qui va commencer est là pour nous le rappeler.

 

CHAPITRE 24 : QU’ELLE DOIT ÊTRE LA MESURE DE L’EXCOMMUNICATION.

Mardi 1er mars :

Dans ce chapitre, saint Benoît n’insiste pas tant sur la faute, quelle qu’elle soit et qui a été avouée à l’abbé, que sur la réparation à mettre en pratique. Et pour cela, un temps est donné au coupable pour qu’il puisse revenir en lui-même. C’est un temps de silence, de retrait par rapport aux actes communautaires tels que le chant, la lecture à l’office, les repas, et qui permet de prendre conscience de la fraternité, du lien communautaire qui est vital pour nous.

En lisant ces chapitres, au moment où nous entrons en Carême, nous pouvons mieux prendre conscience de l’alliance que le Seigneur veut établir avec chacun de nous, personnellement et par la médiation de la communauté. Nous pouvons nous demander en quoi nous nous mettons parfois à l’écart de la communauté ; en quoi, par notre faute, le tissu communautaire peut se relâcher ou au pire, se déchirer.

Mettons donc à profit les temps de silence, comme demain en cette journée de désert, pour revenir à notre cœur, pour écouter Dieu dans sa parole, pour resserrer nos liens fraternels et faire la paix en nous, avec Dieu, entre nous et autour de nous.

 

CHAPITRE 25 : DES FAUTES PLUS GRAVES.

Mercredi 2 mars ; mercredi des cendres :

En ce début de Carême, nous pouvons relire le chapitre 49 de notre Règle, sur l’observance du Carême.

 

CHAPITRE 26 : DE CEUX QUI, SANS ORDRES, SE JOIGNENT AUX EXCOMMUNIÉS.

Jeudi 3 mars :

Cette remarque de saint Benoît sur des frères qui, sans ordres, se joindraient à d’autres frères excommuniés, peut paraître brutale et incompréhensible, car on pourrait penser qu’une telle démarche est d’abord inspirée par la compassion. Mais sans doute l’expérience a-t-elle montré à saint Benoît qu’elle peut, au contraire, empêcher la guérison du frère coupable en étant trop rapide. Certaines mises à l’écart ont besoin de temps pour produire un effet bénéfique ; il faut laisser Dieu agir dans le silence pour que le frère puisse comprendre sa faute et retrouver le chemin de son cœur.

On pense à la parabole du fils prodigue qui a dû toucher le fond de sa détresse pour pouvoir remonter de l’abîme où il allait se perdre. C’est alors qu’il a pu retourner vers son père et réaliser que la gravité de sa faute pouvait être engloutie dans un océan de miséricorde.

En ce début de Carême, où nous sommes appelés à revenir vers notre Père, ne pouvons nous pas, avec l’ensemble du peuple chrétien, interpréter ainsi ces chapitres sur les fautes et les fautifs ?

Dans un premier temps, cette distance pénitentielle nécessaire à notre conversion, n’empêchera pas la joie de la réconciliation arrivant dans un second temps ; au contraire ! Qu’on se souvienne par exemple, de la réintégration des pécheurs publics dans l’Église ancienne qui pouvait durer tout le temps d’un Carême, et qui se célébrait si joyeusement à Pâques.

 

CHAPITRE 27 : COMMENT L’ABBÉ DOIT AVOIR SOUCI DES EXCOMMUNIÉS.

Vendredi 4 mars :

    Un commentaire d’après la note ‘’a’’ de ce chapitre dans l’édition de La Pierre-qui-Vire :

 Chez celui qui est excommunié, la tristesse ne doit pas l’emporter sur la pensée de la miséricorde et de l’amour de Dieu. Il faut donc fortifier en lui l’amour. Bien qu’il soit pour le moment en dehors de la communauté, il doit ressentir cet amour fraternel et en apercevoir les signes. Il ne doit pas en venir à se dire : « Jamais on oubliera, jamais on ne pardonnera même entièrement ce que tu as fait. » Mais c’est en lui-même aussi que doit se fortifier l’amour pour la communauté : loin d’être affaibli au sortir de la pénitence, il doit avoir pris des forces. Le sens de toute la procédure spirituelle est qu’elle fasse réfléchir le coupable et l’oriente vers la perfection.

 

CHAPITRE 28 : DE CEUX QUI NE VOUDRAIENT PAS S’AMENDER, BIEN QUE SOUVENT CORRIGÉS.

Samedi 5 mars :

Dans ces chapitres sur les frères coupables, saint Benoît montre le rôle de l’abbé qui déploie tous ses efforts vis-à-vis d’eux en faisant tout son possible pour les ramener au bercail. Il s’inspire ainsi du Bon Pasteur qui fait miséricorde pour la brebis perdue en la ramenant au troupeau.

Et si le coupable persiste dans sa résistance, il multiplie ses efforts pour le ramener dans le droit chemin, mais avec fermeté en ne négligeant aucun moyen, même les plus rudes. Mais toujours, il s’en remet à Dieu par sa prière et celle des frères, car c’est toujours le bien du coupable qu’il recherche. Et dans le cas extrême où celui-ci refuserai de se convertir, « que l’abbé use alors du fer qui ampute et, comme le dit l’Apôtre : ‘’Chassez le mauvais du milieu de vous’’ afin qu’une brebis malade n’infecte pas tout le troupeau ». L’exclusion est prévue comme un bien pour l’ensemble de la communauté, car c’est toujours le salut des âmes qui est recherché.

En ce temps de Carême, nous sommes appelés à nous convertir, à écouter la voix du Christ, notre bon Pasteur qui nous presse de revenir dans son bercail. Il nous faut aussi faire preuve de miséricorde les uns envers les autres car nous avons tous nos propres faiblesses.