Écouter une parole du Bec en 2022 – S50

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Catégorie : Vie monastique

LVIII. DU RITE DE LA RÉCEPTION DES FRÈRES.

Dimanche 11 décembre :

D’après un commentaire de Dom Guillaume : « S’il y a bien une chose que saint Benoît refuse, c’est la facilité. On dirait même qu’il cherche à décourager les candidats, à les faire fuir ! En fait, saint Benoît veut nous rendre sensibles à une réalité absolument essentielle pour nous, c’est qu’une communauté monastique, comme toute cellule d’Église, est bâtie sur le Christ, par le Christ, et non sur des illusions. Or, rien de tel pour chasser les illusions que de nous acculer à notre propre vérité.

Ce n’est pas en rendant la vie monastique facile qu’on peut aider quelqu’un à faire un discernement. Bien au contraire, en lui évitant les difficultés, on l’empêche, en fait, de s’affronter à la véritable question, la seule qui vaille la peine d’être posée : « Pourquoi suis-je venu ici ? »

Mais force est de constater qu’en fait, on ne reste jamais pour les raisons pour lesquelles on est entré. Car, au fil des années, avec les illusions, toutes les fausses images de soi s’écroulent. C’est dur parfois, même très douloureux, mais c’est le seul moyen pour pouvoir enfin entendre la petite voix intérieure qui nous avait guidée sans que souvent nous nous en étions rendu compte ».

Et Père Abbé Mark-Ephrem a commenté ce matin : « La plupart d’entre nous, en entrant au Bec, a demandé la Miséricorde de Dieu et la prière des frères car Jésus n’a jamais dit que ce serait facile de le suivre. Au contraire, Il nous invite à prendre notre croix pour marcher à sa suite et, certains jours, cette croix est particulièrement lourde à porter. Mais si, dans la prière, nous l’appelons à l’aide, Il viendra pour nous aider à porter ce joug si lourd.

Chaque matin doit être un recommencement ; chaque matin se demander pourquoi on est entré au monastère, refaire ce choix chaque jour en redemandant sans cesse la Miséricorde de Dieu et en priant les uns pour les autres. »Lundi 12 décembre :

Commentaire de Dom Guillaume : « Saint Benoît a prévu un long chemin d’intégration dans la communauté, qui va du postulat à la profession solennelle. Ce chemin d’intégration est aussi un chemin de détachement, de désappropriation. C’est au fil des jours, dans la mesure où nous durons dans la vie monastique, que nous prenons conscience de nos attachements et de nos liens. Pour saint Benoît, c’est un véritable chemin d’humanisation où nous découvrons ce que nous sommes vraiment. »

Père Abbé Mark-Ephrem commente ce matin : « Il s’agit pour nous, chaque jour, de refaire l’offrande de notre vie. Tout à l’heure encore, à la messe, en apportant les oblats sur l’autel, offrons-nous au Seigneur en même temps, vivons la désappropriation la plus totale de tout nous-même, non seulement les objets, mais surtout tout notre être : corps, cœur, esprit, pensées… Cette dépossession deviendra alors source de richesse, car dépendant totalement de Dieu, Il pourra nous enrichir de sa grâce.

Et s’il est si important de demander à Dieu ses grâces, n’oublions pas de les demander aussi pour nos frères en nous portant les uns les autres dans la prière. »

 

LIV. DES FILS DE NOBLES OU DE PAUVRES QUI SONT OFFERTS.

Mardi 13 décembre :

Quelques réflexions de Dom Guillaume sur les ‘’oblats’’ : « Les oblats de la liturgie eucharistique sont bien peu de chose : un peu de pain, un peu de vin ; et pourtant, si nous n’offrions pas cela, il n’y aurait pas de sacrement, pas de Présence réelle du Seigneur. Cela doit nous faire réfléchir sur notre propre vie, la vocation de chacun d’entre nous.

Il est vrai que nous ne sommes pas grand-chose, que nous ne faisons pas grand-chose ! C’est vrai, mille fois vrai, et c’est tant mieux, car de ces riens, de ces petits riens, Dieu veut faire le sacrement de sa Présence en ce monde. Si nous étions des héros, nous pourrions penser que c’est de nous que vient le rayonnement du monastère, que des hommes y sont touchés par la grâce et se convertissent. Mais nous n’y sommes pour rien.

Ou plutôt si, nous sommes ces petits riens dont Dieu a besoin pour toucher le cœur des hommes. Dieu a besoin de notre pauvre prière pour renverser des montagnes ; Dieu a besoin de notre veille, souvent bien ensommeillée, pour allumer un feu sur la terre. Si nous savions comme ce peu de chose a du prix pour Dieu, nous ne nous laisserions jamais décourager par notre pauvreté !

Le commentaire de Père Abbé Mark-Ephrem : « Saint Benoît nous dit ce matin que c’est l’expérience qui lui a appris les choses. Il nous faut donc, nous aussi, nous laisser éduquer par cette expérience, par les évènements, comme par les difficultés, sans se laisser décourager dans les épreuves qui ne peuvent qu’arriver. Se laisser éduquer par tout ce qui peut nous arriver d’heureux ou de contraignant, personnellement et communautairement, donne à Dieu de nous faire passer par d’autres modes de connaissance qui nous font réaliser combien nous sommes faibles, pauvres, des ‘’petits riens’’ qui ont besoin des grâces du Seigneur. »

 

  1. DES PRÊTRES QUI VOUDRAIENT HABITER DANS LE MONASTÈRE.

Mercredi 14 décembre :

Père Claude reprend ce matin ses commentaires : Ce qui ressort de ce chapitre, c’est l’appel à l’humilité. Dans le cas présent, cet appel est adressé à des prêtres qui voudraient se fixer dans le monastère. Mais on peut, bien sûr, étendre cette demande à chacun de nous, puisque, quelle que soit la situation où nous nous trouvions avant notre entrée au monastère, nous avons tous entendu l’appel du Seigneur à nous engager sous l’unique Règle. Garder l’humilité, nous dit saint Benoît, c’est ne prétendre à rien de plus, c’est garder la place qui nous a été attribuée, et c’est le meilleur moyen de demeurer dans la paix.

En nous appelant, le Seigneur nous considère comme ses amis. Rappelons-nous sa parole : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, [..] mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître (Jn. 15, 14-15) ». En nous disant cela, il nous donne l’assurance de sa présence, de son soutien, de son amour. Gardons cette confiance et écoutons sa Parole.

Saint Jean-de-la-Croix que nous fêtons aujourd’hui a suivi le Seigneur dans l’humilité jusqu’à subir l’emprisonnement et la persécution comme lui. La Parole de Dieu, le témoignage des saints sont des encouragements à demeurer fidèles et persévérants.

 

LXI. DES MOINES ÉTRANGERS, COMMENT LES RECEVOIR.

Jeudi 15 décembre :

Dans ce chapitre, on peut noter deux attitudes : d’une part, il y a l’attitude de celui qui est reçu, moine de passage pour un séjour plus ou moins long, et où il doit montrer discrétion et humilité, car il n’arrive pas pour mettre la révolution, mais se plier aux usages du lieu. Saint Benoît envisage alors le cas d’un changement de stabilité.

D’autre part, il y a la communauté qui reçoit et qui doit accueillir celui qui se présente selon les règles de l’hospitalité comme on fait pour tous les hôtes qui se présentent, avec le précepte évangélique en arrière fond. Mais, en même temps, ce ne doit pas être une charité aveugle ; il faut montrer une certaine prudence, de la réflexion et du discernement avant d’engager un processus de changement de stabilité. Comme pour tous et chacun, la vie doit correspondre aux paroles, et le comportement du moine de passage doit authentifier sa demande de transfert. Il ne pourra être reçu que s’il est ‘’édifiant’’ selon la recommandation de saint Benoît.

Saint Paul, dans son épitre aux Éphésiens écrit : « Vous n’êtes plus des étrangers, ni des hôtes de passage ; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la Maison de Dieu ». La communauté est cette Maison de Dieu. C’est l’appel reçu qui nous permet de la construire, de l’édifier, si nous répondons à cet appel par toute notre vie.

Vendredi 16 décembre :

Notre marche vers Noël se poursuit ; on pourrait même dire que, plus on s’approche de la fête, plus elle s’intensifie et que l’attente se fait plus ardente.

Cette semaine est dominée par la figure de Jean-Baptiste. Plusieurs textes des évangiles nous rappellent son ministère et le témoignage que donne Jésus à son sujet. Il y a deux jours était rapportée sa traversée de la nuit : de sa prison, où il était alors enfermé, il s’interrogeait sur le Messie, car lui aussi a connu doute et angoisse, mais Jésus lui a donné le témoignage par les Écritures et les signes qu’il accomplissait à ce moment, qu’il était bien le Messie attendu. En cela, saint Jean-Baptiste est proche de nous, comme de beaucoup de chrétiens qui s’interrogent, qui traversent des épreuves. Mais Jésus nous rappelle toujours que le Royaume des cieux ne se reconnaît pas par de grandes manifestations, mais plutôt dans la discrétion, l’humilité, la patience, avec l’aide de l’Esprit-Saint qui agit dans les cœurs. Et c’est souvent, après coup, que nous pouvons comprendre et réaliser sa présence et son action.

LXII. DES PRÊTRES DU MONASTÈRE.

Samedi 17 décembre :

C’est aujourd’hui que nous chantons la première des Grandes Antiennes ‘’O’’ : ‘’O Sapientia’’. O Sagesse est le premier des titres donnés au Messie, au Christ Sauveur qui va naître à Noël. Tous ces titres viennent de la tradition biblique et ce sont autant de facettes qui expriment l’identité du Messie attendu par Israël et par les Nations. Car cette attente est bien celle d’Israël, mais elle s’ouvre aussi aux Nations. De nombreux textes bibliques, notamment chez les prophètes, expriment bien cette idée que le Sauveur veut donner vie et bonheur à tous les hommes. L’alliance qui a été scellée avec le Peuple élu va s’étendre aussi aux Nations ; ce sera le message de salut donné par Jésus, puis par l’Église.

Et cette première antienne ‘’O Sapientia’’ nous reporte aussi aux origines de la création ; elle est la Sagesse du Dieu Créateur de l’Univers, elle est issue de la bouche du Très-Haut, elle est la Parole créatrice de Dieu qui dit : « Faisons… »

De la Genèse, nous sommes renvoyés au Prologue de l’Évangile de Jean que nous entendrons à Noël : « Le Verbe était Dieu, Il était au commencement avec Dieu. Tout fut par Lui, et sans Lui rien ne fut. » C’est la Sagesse divine qui nous conduit à la vérité : « Enseigne-nous le chemin de la vérité », dit l’antienne, et Jésus est ce chemin et cette vérité : « Ego sum Via, Veritas et Vita ». C’est en le suivant que nous obtiendrons la vraie Vie. C’est aussi ce que saint Benoît nous propose : sa Règle est le chemin de la Sagesse qui nous permet de pouvoir progresser de plus en plus en Dieu.