XXIII. DE L’EXCOMMUNICATION POUR LES COULPES.
Dimanche 30 octobre :
Après l’ensemble des chapitres qui traitent de l’office divin, vient un autre ensemble qui aborde la ‘’discipline régulière’’. Une communauté forme un corps, comme on dit de l’Église qu’elle est un corps, le Corps du Christ. Ses membres sont solidaires entre eux, observent un certain nombre de lois, et le fait d’enfreindre ces lois porte atteinte au corps tout entier qu’est la communauté. On pourrait croire, vu de l’extérieur, qu’une communauté monastique ne peut qu’être parfaite, or nous sommes bien placés, et nous le constatons par nous-mêmes, que ce n’est pas le cas ! Nous commettons des fautes plus ou moins graves qui blessent l’ensemble de la communauté.
Dans ce chapitre, saint Benoît indique quatre fautes : rébellion, désobéissance, orgueil et murmure. Le murmure est souvent dû à une forme d’orgueil qui entraine la désobéissance et la rébellion. Et l’excommunication qui en résulte n’est pas tant une décision de l’abbé et de la communauté, que la conséquence de l’attitude du coupable. En fait, il s’excommunie davantage qu’il n’est excommunié, car, par sa critique de la communauté, il s’en sépare lui-même.
Si la communauté décide d’une mise à l’écart, temporaire bien sûr, c’est dans une perspective de guérison. Mais une telle mesure est toujours précédée de la correction fraternelle, comme l’Évangile le montre chez saint Matthieu (Mt. 18, 15 et ss.)XXIV. QUELLE DOIT ÊTRE LA MESURE DE L’EXCOMMUNICATION.
Lundi 31 octobre, solennité de la Dédicace de l’église abbatiale :
Il peut sembler étrange de parler de l’excommunication le jour où nous célébrons la Dédicace de notre église abbatiale. C’est un peu le signe à contrario que l’église du monastère est un symbole d’unité et le lieu où la communauté se rassemble pour célébrer, plusieurs fois par jour, la louange du Seigneur ; le lieu où elle célèbre le mystère de l’eucharistie, sacrement de l’unité par excellence.
Le Seigneur vient à notre rencontre comme les textes de la liturgie de ce jour le soulignent. Sa Présence fait de nous des pierres vivantes qui servent à construire un édifice spirituel. Il le réalise jour après jour malgré nos échecs et notre péché. C’est pourquoi, lorsque nous nous écartons du droit chemin, Il n’a de cesse de venir nous chercher pour nous faire reprendre notre participation à cette construction et notre place dans la communauté.
XXV. DES FAUTES PLUS GRAVES.
Mardi 1er novembre, solennité de la Toussaint :
Comme hier, la lecture d’un tel chapitre n’est pas très réjouissante pour un jour de fête solennelle, et surtout la fête de tous les saints ! Mais ce chapitre de la Règle nous fait ainsi mesurer que nous ne sommes pas encore parvenus à la sainteté, mais seulement en chemin de conversion. Nous sommes pêcheurs, mais nous avons la certitude que le Seigneur veut nous sauver ; c’est pourquoi Il propose au coupable que nous sommes tous, un chemin de pénitence et la perspective du retour en grâce.
Nous sommes ainsi en marche vers la sainteté et nous savons que le nombre de saints déborde largement le nombre de ceux qui sont canonisés. Le fait que certains saints canonisés soient proches de nous géographiquement ou par leur récent passé, nous montre que la sainteté est toujours actuelle, et que nous y sommes tous appelés nous aussi, car beaucoup de personnes mènent une vie sainte sans éclat, humblement, fidèlement, et leur rayonnement ne se découvre qu’ensuite. Ils sont des témoins de la fidélité de Dieu et de leur fidélité à Dieu, mettant en pratique l’amour vécu au quotidien.
XXVI. DE CEUX QUI, SANS ORDRES, SE JOIGNENT AUX EXCOMMUNIÉS.
Mercredi 2 novembre, commémoration des fidèles défunts :
Cet interdit de saint Benoît peut surprendre, car se joindre à un frère mis à l’écart pour lui parler, le réconforter, peut partir d’un bon sentiment que nous appellerions ‘’compassion’’. Mais saint Benoît, averti par l’expérience, voit dans cette bonne intention un piège, une illusion. Croyant bien faire, on peut empêcher le travail de conversion intérieur de se réaliser chez ce frère. Un peu comme si, pour s’assurer de la bonne cicatrisation d’une blessure, on retirait et on remettait sans cesse le pansement. Au contraire, ce serait gêner, si non empêcher, le processus de guérison.
Pour le frère coupable, il en est de même : le silence et la solitude sont nécessaires pendant un certain temps pour pouvoir approfondir le travail intérieur de prise de conscience de la miséricorde de Dieu à son égard. Et alors le retour en grâce pourra s’opérer, et il pourra revenir en communauté.
XXVII. COMMENT L’ABBÉ DOIT AVOIR SOUCI DES EXCOMMUNIÉS.
Jeudi 3 novembre :
De cet ensemble qui constitue dans la Règle le code pénal, ‘’la discipline régulière’’, ce chapitre en est sans doute le sommet. Autant les autres chapitres peuvent paraitre ‘’juridiques’’ (ils appliquent la loi), autant celui-ci est pastoral. Et en même temps, il complète les deux chapitres sur l’abbé (chap. 2 et 64).
Si un frère est coupable, s’il s’est séparé de la communauté, l’abbé, comme un bon berger, doit faire tout son possible pour obtenir son retour au bercail. Dans la société, la tendance, lorsque quelqu’un est accusé de fautes graves, serait de le condamner au lieu de laisser agir la justice. Au contraire, avec la communauté, l’abbé doit rechercher la guérison du fautif, lui offrir les moyens de revenir en fortifiant en lui la charité. L’attitude de l’abbé a pour modèle l’attitude du Christ lui-même venu sauver les pécheurs, ceux qui sont perdus. Reprenant les paroles de Jésus, le début du chapitre compare l’abbé à un médecin : « Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades ».
La seconde partie l’identifie au Bon Pasteur qui n’est pas comme les mauvais bergers que décrit le prophète Ezéchiel, mais comme celui de l’Évangile. L’amour du pasteur doit ranimer celui de la brebis perdue. On assiste ici à une véritable résurrection, à une nouvelle renaissance.
XXVIII. DE CEUX QUI NE VOUDRAIENT PAS S’AMENDER, BIEN QUE SOUVENT CORRIGÉS.
Vendredi 4 novembre :
Dans ce chapitre, saint Benoît envisage le cas où le coupable ne veut pas s’amender. L’abbé a toujours en vue le salut du frère et il déploie tous ses efforts pour essayer de le ramener sur le droit chemin. Mais il ne peut forcer sa liberté, et si le frère persiste dans son refus de s’amender, la solution extrême sera son renvoi.
Le but recherché ici est le bien de tous, et il ne faut pas que la communauté subisse une mauvaise influence. Bien sûr, une telle situation est rare ; c’est Dieu qui reste toujours juge de la situation et on voit que sa miséricorde est à l’œuvre jusqu’à la fin.
XXIX. SI LES FRÈRES SORTIS DU MONASTÈRE DOIVENT Y ÊTRE RECUS
À NOUVEAU.
Samedi 5 novembre :
Il y a peu de choses à dire sur ce nouveau chapitre, mais ce que l’on constate, c’est la patience de Dieu et celle de l’abbé. Si c’est par faute que le frère est sorti du monastère et qu’il désire y revenir, l’abbé et la communauté lui offriront une chance de recommencer ; c’est faire preuve de miséricorde. Mais si au bout de trois fois, l’essai n’est pas concluant, le frère devra se retirer définitivement.
Mais il peut arriver aussi qu’un candidat ne trouve pas immédiatement sa voie ; il arrive qu’il soit ainsi obligé de se retirer pour mûrir sa décision ; la seconde fois sera peut-être alors la bonne. Mais il faut aussi se rendre à l’évidence, après discernement, que la vie monastique n’est pas faite pour lui ; il devra alors s’orienter vers une autre voie. C’est une question d’orientation et de choix.