Paroles de la salle du Chapitre – S45

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Catégorie : Vie monastique

Dimanche 7 novembre :

     Avec le chapitre 31 concernant le cellérier, commence cette partie de la Règle qui traite de l’organisation de la vie pratique et matérielle de la communauté. Il est demandé beaucoup de qualités au cellérier. Il n’est pas un simple gestionnaire des biens du monastère comme il en existe dans toute entreprise humaine ayant pour but la recherche de l’efficacité et de la productivité. Serviteur de Dieu et de ses frères, il ne décide pas par lui-même, mais toujours en accord avec son abbé. Il lui est demandé d’être comme un père pour la communauté, attentif aux personnes et aux besoins de chacun, mais avec des limites, sachant qu’il ne peut pas forcément satisfaire immédiatement les demandes de chacun.

Il nous faut bien comprendre cela, apprendre à mettre une distance entre nos désirs et leur réalisation qui ne sera pas toujours possible. Nous ne pouvons pas être comme des enfants qui se mettent en colère s’ils n’ont pas immédiatement ce qu’ils veulent.

Le cellérier doit donc veiller sur les personnes, surtout les plus vulnérables insiste saint Benoît : les faibles, les malades, les pauvres et les hôtes du monastère. Ce que nous avons à demander ne doit pas être revendiqué, exigé comme un dû, mais demandé avec respect et humilité. Nous devons vivre en harmonie les uns avec les autres.

Le cellérier veille aussi sur les biens du monastère qui sont au service de la communauté. Et nous-mêmes devons apprendre à les utiliser avec soin et ménagement. Ces recommandations faites au cellérier s’adressent donc aussi à chacun de nous, pour garder des rapports mutuels paisibles et dans le meilleur usage possible des biens communs.Lundi 8 novembre :

La suite du chapitre sur le cellérier, le concerne d’abord lui-même, mais aussi les frères. Le cellérier doit être au service des frères, dans l’obéissance à l’abbé, ce qui implique l’humilité. « Avant tout, qu’il ait l’humilité » demande saint Benoît. Il doit répondre aux demandes des frères dans la mesure où il le peut ; si non, il leur répondra avec délicatesse : « Quand il ne peut donner ce qu’on lui demande, qu’il réponde par un mot de bonté ainsi qu’il est écrit : « Une bonne parole est au-dessus du meilleur don (Si. 18,17) ».

Quant aux frères, il leur est recommandé de ne pas demander n’importe quand mais que ce soit aux heures convenables. Un temps d’attente peut être l’occasion de prendre un certain recul par rapport à son propre désir ; nous ne sommes plus des enfants qui voulons tout, tout de suite ! C’est aussi l’occasion de vérifier si tout est bien nécessaire. Il faut de la modération en toute chose et ceci est vrai pour chacun de nous. Par rapport à nos besoins, nous devons nous décentrer de nous-mêmes et élargir notre regard au monde qui nous entoure ; nous demander  s’il est juste que nous partagions son appétit de consommation et nous rappeler la présence de plus pauvres que nous qui peuvent être à nos portes.

 

Mardi 9 novembre :

Le monastère possède des biens qui sont évoqués par saint Benoît dans ce chapitre 32 sur le matériel du monastère, et dont il est impossible de donner une liste. Tous ces biens et objets divers sont destinés à faciliter la vie des frères. Ils ne nous appartiennent pas en particulier, mais sont mis à la disposition de chacun des frères dans la mesure de leurs besoins.

Ainsi, nous en sommes tous responsables et devons en user avec soin puisqu’ils sont au service de tous. Et il en va des objets comme des ressources ; nous devons les partager avec un souci communautaire. Ils ne sont pas un but en soi – nous n’avons donc pas à les accaparer – ils sont uniquement des moyens au service de la vie commune, de la charité. Car notre but premier, en venant au monastère, est bien la recherche du Royaume de Dieu.

 

Mercredi 10 novembre :

Ce chapitre 33 sur l’appropriation/désappropriation peut être difficile à entendre aujourd’hui, car, pour s’épanouir, la personne a besoin de s’affirmer, et cela passe souvent par une certaine indépendance que l’on obtient au moyen de ce que l’on possède. La pauvreté, la pauvreté évangélique s’entend, procède du même principe que l’obéissance, car renoncer à sa volonté, comme renoncer à ses biens propres, c’est obéir.

Ce chapitre prolonge le précédent sur les biens du monastère mis à la disposition de chacun. Tout doit être commun à tous, même si évidemment, certaines choses ne sont pas interchangeables. Mais nous ne devons pas nous y attacher au point d’en faire des idoles. Notre chapitre rejoint aussi celui de l’humilité comme celui de l’obéissance, car le renoncement à sa volonté propre est une manifestation de l’humilité.

C’est ce chemin qu’a suivi le Christ, jusqu’à « se dépouiller du rang qui l’égalait à Dieu ». Il a remis au Père sa volonté et a offert sa vie par obéissance filiale. C’est le chemin que nous devons prendre nous aussi comme disciple marchant à sa suite. C’est un chemin de pauvreté, de renoncement et d’obéissance, chemin pascal, offrande totale de nous-mêmes qui se fera vraiment au moment du grand passage.

 

Jeudi 11 novembre, fête de saint Martin :

« On partageait entre tous, selon les besoins de chacun (Ac. 4,35) ». Cette citation des Actes des Apôtres qui ouvre ce chapitre 34, vient à point en cette fête de saint Martin. On pense bien sûr à Martin catéchumène partageant son manteau avec le pauvre d’Amiens, ce pauvre en qui il reconnaîtra le Christ.

Ce rapprochement nous éclaire en nous rappelant que le Christ est présent en chacun de nos frères. Chacun a ses pauvretés, ses limites et doit être considéré avec bienveillance et miséricorde. Et cette miséricorde appelle l’humilité chez celui qui en est bénéficiaire. Il en résulte alors la paix dans la communauté, paix qui est sœur de la charité. Son principal ennemi est le murmure qui est, avec la jalousie, un véritable poison, une source de division. L’unité repose sur la paix et l’amour. Saint Martin nous en donne aujourd’hui le témoignage.

 

Vendredi 12 novembre :

Deux points peuvent être soulignés dans ce chapitre 35 sur les semainiers de la cuisine. C’est d’abord le service mutuel : le repas demande une préparation qui revient en priorité au cuisinier ; mais tous, nous devons aussi assurer les différents services en lien avec le repas. Et cette attention à porter aux autres concerne aussi d’autres domaines de notre vie communautaire.

L’autre point à signaler est le lavement des pieds. Ce geste, associé au service mutuel, nous ramène au Jeudi Saint. Saint Benoît voit donc dans chaqu’un de nos repas un acte important, presque sacramentel, car il se situe, nous l’avons déjà dit, dans le prolongement de la liturgie. C’est un des moments où peut s’exercer, de manière très concrète, la charité qui nous ramène à la dernière Cène avec le rappel du commandement de l’amour mutuel.

 

Samedi 13 novembre :

Dans la seconde partie de ce chapitre 35, il est question des frères qui servent à table pour toute la semaine. La sortie de charge et l’entrée en fonction donnent lieu à un rituel : action de grâce pour celui qui termine sa semaine : « béni sois-tu Seigneur Dieu, qui m’a aidé et consolé (Ps. 86, 17)» ; supplication pour ceux qui entrent en service : « Mon Dieu, regarde vers moi ! Seigneur, hâte-toi de me secourir (Ps. 70, 2) ». La triple répétition du verset par la communauté, indique bien que c’est l’ensemble des frères qui s’associe à celui qui va servir et qui le soutient dans sa charge. Car ce service est accompli au nom de toute la communauté.

Ici au Bec, nous avons un peu simplifié cette entrée en fonction qui se fait au Chapitre le dimanche matin. Mais nous nous confions au Seigneur qui nous soutient. Sa présence et son secours font que le service n’est pas considéré comme une corvée, mais bien comme un service, le service des frères, et donc du Seigneur à travers eux.

Il y a toujours un caractère presque liturgique dans le repas ; nous commençons par la prière avant le repas, lorsque la cloche arrête de sonner, et c’est à ce moment que le supérieur entre au réfectoire. On évite alors les agitations et les bavardages avant et pendant le repas pour préserver cet aspect de silence intérieur et d’attention les uns aux autres, et pour écouter la lecture.

 

Père Claude
Prieur du Bec

Moine cellérier goutant son vin - Enluminure extraite du Traité d'hygiène d'Aldebrandin de Sienne (1256)