Entre l’épreuve des quarante jours dans le désert (1er dimanche du Carême), la Transfiguration (2ème dimanche), et la parabole du Père miséricordieux – « l’enfant prodigue » (4ème dimanche) – l’évangile du troisième dimanche est il une diversion dans notre marche vers Pâques : son message ne paraît pas avoir la portée forte des trois autres ; a-t-il même un lien avec eux ?
La première partie de cet évangile aborde la question du mal et, plus précisément, de son origine : qui en est responsable ? la deuxième partie, la parabole du figuier stérile, reprend le thème de la conversion évoqué à partir de l’affaire des Galiléens massacrés par Pilate et des dix-huit personnes écrasés par l’effondrement de la tour de Siloé : Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez de la même manière, déclare Jésus ; mais il équilibre aussitôt cet avertissement sévère, en soulignant la patience du vigneron, sa propre figure de Messie, de Sauveur.Oui, devant le mal persistant autour de nous, et en ces semaines particulièrement où notre Église est vivement mise en cause, nous pouvons nous situer en arbitre et brandir la justice humaine.
Jésus nous invite à dépasser ces considérations pourtant nécessaires, pour nous impliquer dans le combat de la lumière contre les ténèbres, l’enjeu, précisément, de ce temps du carême. Si le mal se déchaîne, ne serions-nous pas responsables nous-mêmes, solidairement, d’un climat ambiant où il peut effectivement se répandre ? En d’autres termes, nous pouvons toujours, en nous convertissant, participer à la correction des dérives qui favorisent l’explosion du mal.
Car il est bien beau d’accuser les uns ou les autres de tous les maux de la terre, mais moi ? La paille que je vois dans l’œil de l’autre est un subtil alibi pour éviter de reconnaître la poutre dans le mien.
Jésus se montre très sévère envers nous qui avons tendance à regarder le mal de l’extérieur, à juger les personnes directement et immédiatement impliquées, sans voir que nous favorisons ce mal par toutes sortes de compromissions, de négligences, d’intransigeances…
Pourtant, il le dit lui-même, il n’est pas venu juger le monde, mais le sauver. La parabole du figuier qui, depuis trois ans, ne donne pas de fruit illustre bien le mystère de sa mission de Sauveur : Seigneur, dit le vigneron, laisse encore ton figuier cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.
La patience du Christ est le signe premier de son amour pour nous : il veut notre bien, notre bonheur, la Vie pleine et éternelle que nous promet et nous réserve le Père.
Nous restons donc tout à fait sur la route de Pâques et progressons même à grands pas, en reconnaissant le chemin de conversion qu’il nous reste et nous restera toujours à parcourir. Entendons pour nous la parole de Dieu à Moïse : Et maintenant, va !
Fr. Paul Emmanuel
Abbé du Bec