Évangile : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur »
En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre – ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David. Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »Homélie :
« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière et sur les habitants du pays de l’ombre une lumière à resplendi. » Ces paroles du prophète Isaïe donne le ton à cette nuit de Noël. C’est l’annonce d’une délivrance, d’une grande joie avec la venue d’un Messie, d’un roi pacifique.
Ce peuple quel est-il ? C’est le peuple d’Israël, surtout cette partie du peuple qui habitent les régions du Nord, aux confins des nations païennes, la Galilée. Ce pays de Zabulon et de Nephtali vit sans cesse sous la menace de son puissant voisin assyrien. Il est à la merci de l’invasion et de l’oppression. Et c’est une situation fréquente dans l’histoire d’Israël en fonction des rivalités qui oppose ses voisins.
Ces ténèbres oppressantes sont le lot de bien des peuples au cours de l’histoire. Elles sont le fait des guerres, de la misère, des épidémies, des catastrophes. Elle génère angoisse morosité. Pourtant les prophètes sont là pour ranimer l’espérance d’un peuple abattu. Une lumière d’en haut vient déchirer les ténèbres. Aucune situation fermée ne reste sans la perspective d’un monde meilleur.
Dieu a promis d’être avec son peuple. Il ne l’abandonnera pas. Il lui enverra un sauveur. C’est cet enfant annoncé par Isaïe : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné. » Cet enfant exercera la royauté dans la paix et la justice. Il aura les qualités des chefs du peuple qui l’ont précédé : Moïse, Josué, David, Salomon. Sans doute faudra-t-il encore attendre quelques siècles après Isaïe pour que ce Messie annoncé réunisse en sa personne toutes ces qualités.
Ce sera Jésus, le Messie promis, qui viendra à la plénitude des temps. Le chant d’entrée de la messe du jour énuméra les titres de cet enfant : « Conseiller merveilleux, Dieu fort, Père à jamais, Prince de la Paix. »
En cette nuit, la lumière du ciel vient éclairer notre terre. Jésus est le Messie attendu par Israël, annoncé par les prophètes. Il est l’héritier de cette longue lignée qui se déroule au début de l’Évangile selon saint Matthieu. En même temps, il est le fils du Père éternel comme nous venons de le chanter dans l’Introït et l’Alléluia : « Tu es mon Fils, aujourd’hui, je t’ai engendré. »
Comme chez le prophète Isaïe, l’évangile de Luc nous montre le jaillissement de la lumière au milieu de la nuit et nous propose un signe, le signe d’un petit enfant. La naissance de cet enfant aurait pu passer inaperçue, tant elle est humble et cachée. Elle a lieu à l’écart, loin du tumulte d’une hôtellerie saturée et grouillante de voyageurs bruyants.
Cependant l’évangéliste Luc prend soin de la situer dans l’histoire universelle. Nous sommes sous le règne de l’empereur Auguste, qui a ordonné de recenser toute la terre, lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. C’est un moment historique. Et pourtant ce ne sont pas les grands de ce monde, les riches et les puissants qui auront connaissance de la naissance de Jésus. Dieu vient visiter la terre dans ce petit enfant. Il ne se manifeste pas dans l’éclat ni avec la puissance des rois de la terre. Les grands sont trop pleins d’eux-mêmes pour le reconnaître.
C’est aux petits et aux humbles qu’il se révèle, à ceux qui attendent de lui le salut et la consolation. Leur cœur reste ouvert et attentif aux signes donnés par Dieu. Dans la campagne de Bethléem, la ville du berger David, c’est à des bergers que ce signe est donné. Le ciel s’ouvre et les anges leur annoncent la joyeuse nouvelle. Leur attente les a préparés à se mettre en marche pour aller à la rencontre de Dieu qui vient à eux en ce frêle enfant. Dieu se fait humble et se révèle ainsi aux humbles.
C’est ainsi que Jésus vient rejoindre nos petitesses, nos fragilités, nos misères. Il vient au monde manifester sa tendresse et son amour. Il nous tend la main car il nous aime. Il vient à nous sans attendre que nous soyons impeccables. Il nous accueille avec nos limites et notre péché. Il vient sauver ce qui était perdu. Il en donnera la preuve tout au long de sa vie terrestre au point de s’offrir pour nous sauver.
La contemplation de Jésus petit enfant nous appelle à le reconnaître dans tous les petits : les enfants bien sûr, mais aussi en toute personne fragile, pauvre, souffrante, dépendante, démunie, exilée, victime de toute violence. Nous pouvons le reconnaître en toute personne humaine puisque chacune a été créée à l’image de Dieu. Ainsi l’amour du Père manifesté dans le don de son Fils, appelle en réponse notre amour pour tout homme, accueilli tel qu’il est. Le témoignage de l’amour peut gagner les autres à l’amour.
Si les bergers sont les premiers témoins de la venue du Sauveur parmi nous, les récits de sa naissance annoncent qu’il est venu pour tous les hommes, y compris les grands, les riches, les savants, pourvu qu’ils aient le cœur humble pour chercher Dieu et s’ouvrir à lui. En effet, comme nous le dit l’apôtre Paul dans son épître à Tite « la grâce de Dieu s’est manifesté pour le salut de tous les hommes. »
Laissons Jésus renouveler nos cœurs et nos vies, Lui qui vient nous sauver du péché et nous remplir de son amour.
Père Claude
Prieur du Bec