2ème dimanche de carême – La Transfiguration – Luc (9, 28b-36)

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Catégorie : Homélies

Évangile : « Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre »

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante.

Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait.

Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent. Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul.

Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.

 

La Transfiguration - Pierre Paul Rubens 1604 - Musée des Beaux Arts de Nancy
Notre marche de Carême est un exode, une mort à nous-même et à notre volonté propre, un renoncement au péché qui nous entrave, un chemin de conversion, un retour à notre Créateur.

Homélie :

En cet événement de la Transfiguration, il nous est donné de contempler avec les disciples Pierre, Jean et Jacques, la gloire de Dieu illuminant l’humanité du Fils. L’Église nous invite à suivre Jésus et à gravir avec lui le Thabor, pour une halte sur la route du Carême. La Transfiguration prépare Jésus à affronter cette étape décisive vers la réalisation de l’Alliance nouvelle.

Les deux hommes qui s’entretiennent avec lui, Moïse et Élie- et l’évangéliste Luc nous apprend ce qu’ils disent – parle de son départ, littéralement de son  » exode « , qui allait se réaliser à Jérusalem. Il s’agit là de sa marche vers la souffrance et vers la mort. Huit jours plus tôt déjà, Jésus a annoncé à ses disciples sa Passion, sa mort et sa résurrection. Et quand ils seront redescendus de la montagne, il leur renouvellera l’annonce de ses souffrances. Cet exode de Jésus est donc son chemin pascal.

Qui, mieux que Moïse et Élie, peux parler avec Jésus de ce sujet ? Moïse a fait sortir Israël d’Égypte à travers la Mer Rouge et l’a conduit pendant quarante ans dans le désert vers la Terre promise. Élie a marché 40 jours vers l’Horeb et a rappelé au peuple les exigences du vrai Dieu. Jésus, nouveau Moïse et nouvel Élie, conduit l’humanité entière vers le royaume.

Abraham, lui aussi, accomplit son exode, puisqu’à l’appel de Dieu, il sort de son pays. Il marche dans l’obéissance vers l’inconnu et découvre progressivement le dessein de Dieu qui lui promet une descendance nombreuse et une terre fertile.

L’alliance entre Dieu et l’homme, tel est le but de cet exode. C’est Dieu lui-même viens la contracter avec Abraham en lui demandant d’offrir des animaux en sacrifice, et le feu qui passe au milieu des victimes est le signe qu’il scelle cette alliance. Les ténèbres et le feu accompagnent habituellement les manifestations divines. La torpeur mystérieuse qui tombe sur Abraham signifie que l’action de Dieu n’est jamais pleinement perçue par l’homme.

Il en va de même pour les disciples accablés de sommeil. Ils sont témoins de cette alliance qui se réalise en Jésus mais n’en découvrent pas encore toute la portée. Car c’est bien d’alliance qu’il s’agit à la Transfiguration, comme l’indique la présence des deux grands prophètes de l’alliance entre Dieu et Israël. Sur la haute montagne, Jésus est entouré par Moïse, l’homme du Sinaï, Elie, l’homme de l’Horeb. La nuée qui enveloppe les disciples rappellent celle qui guidait le peuple dans sa marche. La blancheur de ses vêtements et l’éclat de son visage atteste la présence de Dieu en lui.

Mais, comme celle que Dieu contracte avec Abraham, cette alliance va s’accomplir avec un sacrifice. Au lieu d’animaux, le fils lui-même va offert sur la croix. L’alliance nouvelle se réalisera dans son sang.

Moïse et Élie sont aussi les deux grands priants qui ont parlé avec Dieu. Présents avec Jésus qui prie son Père et s’entretenant avec Lui, ils attestent qu’Il est vraiment Dieu. La voix du Père le désigne comme le Fils bien-aimé et l’Esprit, dans la nuée, le couvre de son ombre, signe qu’habite en lui la plénitude de la divinité. Mais s’il est donné aux disciples d’entrevoir la gloire future de Jésus, c’est seulement après sa résurrection qu’ils mesureront toute la signification de cet événement. C’est pourquoi ils ne disent rien de ce qu’ils ont vu à ce moment-là.

Cet épisode éclaire notre marche de Carême grâce au témoignage des apôtres et à la lumière de l’Esprit Saint. C’est lui qui nous donne de comprendre notre vocation en nous rendant attentif à la voix du Père : » Celui-ci est mon fils bien-aimé, mon élu, écoutez-le ! » En ce temps de Carême comme en toute notre vie, nous sommes invités à l’écouter. Pour cela, nous faut gravir avec lui la montagne où il se tient en prière, entrer dans l’intimité du Père venu habiter en nous lors de notre baptême en faisant de nous ses enfants.

Écouter le fils, c’est aussi nous pénétrer de sa Parole, transmise dans les Saintes Écritures la lire et la méditer pour la mettre en pratique. Elle est le pain que Dieu nous donne pour nous fortifier sur la route, comme nous le rappelait Jésus lors de la tentation au désert.

Avec Pierre, nous désirons demeurer sur la montagne avec Jésus. La tente est le symbole de la présence permanente de Dieu au milieu des siens, comme l’exprime Saint Jean dans le Prologue de son évangile. Abraham était nommé « l’ami de Dieu ». Moïse parlait avec Dieu comme un ami parle avec son ami. Élie était rempli d’un zèle jaloux pour le vrai Dieu qui lui parle dans la brise légère. Jésus appelle ses disciples ses amis. Comme eux, il veut nous faire entrer dans son intimité.

Mais, il nous invite à redescendre de la montagne. Fortifiés par sa Parole et sa présence en nous, il nous faut reprendre la route, retrouver la vie quotidienne avec ses soucis et ses combats, la solitude et les échecs, la souffrance et la maladie, les épreuves et la mort. Tout cela nous touche à différents moments de nos vies. Nous marchons alors dans la foi et même dans la nuit, mais avec, au cœur, la lumière de la présence du Christ qui chemine avec nous. Tel est notre chemin Pascal.

La résurrection de Jésus est à l’horizon de la route et c’est elle qui nous donne la clé des Ecritures, la Loi et les Prophètes, représentés ici par Moïse et Élie. « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît pour entrer dans sa gloire ? » dit-il aux disciples d’Emmaüs, après leur avoir expliqué dans les Écritures ce qui le concernait. Notre vie, avec ses joies et ses peines, et la mort qui en est le terme, s’éclaire dans la mort et la résurrection du Christ.

Notre marche de Carême est un exode, une mort à nous-même et à notre volonté propre, un renoncement au péché qui nous entrave, un chemin de conversion, un retour à notre Créateur. Comme nous y exhorte l’apôtre Paul dans sa lettre aux Philippiens, nous devons tendre vers le Christ, vers la patrie du ciel où il demeure, ne pas nous laisser emprisonner dans la chair et dans ce qui est terrestre, quitter nos fausses sécurités en prenant sa croix. Si nous nous laissons purifier et défigurer avec lui à Gethsemani et au Calvaire, il nous transformera à l’image de son Corps de gloire.

Par notre baptême et dans l’Eucharistie que nous célébrons, nous unissons l’offrande de notre vie à la sienne et participons déjà à sa mort et à sa résurrection.

 

Fr. Claude
Moine du Bec