Évangile : « Jésus fut tenté par Satan, et les anges le servaient »
En ce temps-là, Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.
Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »Homélie
Chaque année, le premier dimanche de Carême nous propose le récit des tentations de Jésus au désert. Nous sommes surtout habitués au récit de Saint Mathieu qui décrit trois tentations suggérées par Satan. Mais chaque fois, Jésus les repousse par une citation de l’écriture, la parole de Dieu. Saint Luc reprend les mêmes, dans un ordre différent.
Le récit de Saint Marc nous surprend par sa brièveté au point que nous nous demandons si nous l’avons bien entendu. La scène a lieu aussitôt après le baptême. Jésus est poussé au désert par l’Esprit et il reste pendant quarante jours. C’est cet Esprit qui est descendu sur lui lors du baptême dans le Jourdain quand, au même instant, la voix du Père proclamait : « Tu es mon Fils bien aimé, en moi j’ai mis tout ton amour ».
Pleinement investi de sa fonction messianique, Jésus va désormais proclamer la Bonne Nouvelle du Royaume et c’est fort de l’Esprit Saint qui est la puissance de Dieu qu’il va pouvoir remplir sa mission. Ce faisant, il répond parfaitement à la volonté de son Père. Mais cette mission dont Jésus est investi provoque les assauts de l’Adversaire, le diable, le diviseur. Par ces insinuations, il essaie d’en détourner Jésus. Mais celui-ci sort vainqueur du combat.
C’est au désert que se déroule l’affrontement. Le désert a ici une signification plus théologique que géographique, même si ce second aspect favorise le premier. Depuis les événements de l’exode, c’est le lieu de la rencontre avec Dieu mais aussi de la mise à l’épreuve. Au cours de sa longue marche avec Moïse, le peuple hébreu connaît des tentations, des récriminations, des défaillances. Au début, Jésus revit, d’une certaine manière, les tentations éprouvées par le peuple d’Israël que le Seigneur appelait son « fils premier-né ». Il assume en sa personne toute son histoire, mais là où l’Israël ancien a succombé, Jésus, le nouvel Israël, va triompher du Tentateur.
Les quarante jours rappellent les quarante ans de l’exode. Ce chiffre symbolique évoque un temps préparatoire en vue d’une mission. Ainsi, Moïse passe quarante jours et quarante nuits sur la montagne avant d’être envoyé annoncer la parole de Dieu à ses frères. Après sa résurrection, Jésus apparaîtra pendant quarante jours à ses disciples pour les préparer à leur apostolat.
Quant aux tentations subies par Jésus, elles peuvent se comprendre à la lumière de l’évangile de Marc. C’est la tentation d’un messianisme facile et humain. Jésus doit résister au désir des foules de vouloir faire de lui un roi terrestre qui les libérerait du pouvoir romain et rétablirait le royaume de David. « Mon royaume n’est pas de ce monde » dira-t-il devant Pilate. Même les disciples, et Pierre le premier, sont effrayés devant la perspective de la Croix, et c’est bien cela la suggestion satanique. Il voudrait éviter l’échec humain, beaucoup trop humiliant. Or Jésus sait que pour aller au terme de sa mission, il doit passer par la souffrance et la mort sur la Croix. Il ne s’appartient pas et à Gethsémani, il repousse la dernière tentation : « Père, non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux ! ».
Ainsi dès le début du Carême, nous avançons avec Jésus vers Jérusalem où il accomplira sa Pâque. En Eglise, nous nous mettons en marche avec les catéchumènes et c’est bien pour des catéchumènes et des nouveaux convertis que Marc écrit son Evangile. Le baptême est le commencement d’une nouvelle vie avec le Christ, mais sur le chemin qui peut être long, les néophytes seront affrontés aux tentations : nostalgie d’une vie facile, découragement, moqueries de l’entourage et parfois même persécution. Leur foi en Jésus sera mise à l’épreuve. L’Évangéliste les avertit que Jésus a été affronté lui aussi au tentateur mais qu’il l’a vaincu par sa confiance indéfectible en son Père.
Dans les premiers siècles de l’église, le Carême était le temps de l’ultime préparation au baptême qui était célébré dans la nuit de Pâques. Les catéchumènes étaient accompagnés des chrétiens de leur communauté. Tous, anciens et nouveaux, écoutaient les enseignements de l’Evêque et de son clergé. Tous étaient exhortés à changer de vie, à se convertir. C’est l’appel que Jésus nous adresse aujourd’hui dans l’Evangile : « les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche. » Convertissez-vous et croyez à l’Evangile.
Ainsi, en ce temps de Carême, nous sommes tous invités à revivre notre baptême qui nous sauve à travers l’eau. C’est ce que dit l’apôtre Pierre qui voit dans l’arche de Noé une figure du baptême. Ce sacrement nous engage par la résurrection de Jésus à le suivre avec une conscience droite.
Après le déluge, Dieu a renouvelé son alliance avec la terre. Il a détruit le mal qui corrompait l’humanité mais il veut sauver les hommes. Par sa mort et sa résurrection, Jésus scelle avec eux une alliance définitive. En ce temps favorable qu’est le Carême, préparons-nous aux célébrations pascales par une vraie conversion, une adhésion de tout notre être à la Bonne Nouvelle. Par la pratique des bonnes œuvres qui nous sont recommandées : la charité et le service fraternel, la prière dans ses différentes formes, liturgique et personnelle, le jeûne et la maîtrise de nos désirs, laissons le Christ nous habiter et transformer nos vies.
Père Claude
Prieur du Bec
