Fête de la sainte Trinité 2024 – Matthieu (28, 16-20)

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Catégorie : Homélies

Évangile : « Baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit »

En ce temps-là, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »

 

Retable sur bois dedié à Marie Madeleine - Botticelli entre 1490 et 1494
La Sainte Trinité est le sommet, la perfection de l’amour, elle en est la source. Or, nous le savons, plus ou moins, l’amour est communion, partage, empathie, don de soi à l’autre. C’est ce don premier et absolument parfait du Père, du Fils et du Saint-Esprit qui nous fait vivre.

Homélie :

Comme tous les mystères de la foi chrétienne. Celui de la Sainte Trinité ne peut se comprendre qu’en le vivant. Il ne s’agit pas d’aborder la Sainte Trinité avec un regard extérieur, mais de la vivre dans le présent jusqu’à ce qu’elle devienne notre vie intime. Dans la spiritualité hindoue. Il est dit : « Regardons la vie des oiseaux et des poissons ». Le poisson ne se lasse pas de l’eau. Mais n’étant pas poisson, nous ne pourrons jamais savoir ce qu’éprouve le poisson. Jamais l’oiseau ne se lasse de la forêt, mais jamais nous ne comprendrons ses sentiments. Il en va de même pour la foi chrétienne, pour la foi de l’Évangile. Si nous ne vivons pas, tant soit peu l’Évangile, nous n’y comprendrons jamais rien, les paroles de Jésus resteront lettre morte.

La Sainte Trinité est le sommet, la perfection de l’amour, elle en est la source. Or, nous le savons, plus ou moins, l’amour est communion, partage, empathie, don de soi à l’autre. C’est ce don premier et absolument parfait du Père, du Fils et du Saint-Esprit qui nous fait vivre.

Mais il y a un long chemin de détachement et de perte à parcourir avant d’aborder ou de connaître cette union de l’homme avec Dieu. La mort viendra nous libérer des vieilles attaches terrestres qui resteront collées à notre esprit. La Sainte Trinité est aux antipodes de ce que la légende de Narcisse nous décrit : l’ histoire de ce beau jeune homme passant sa vie à admirer sa propre beauté ; se regardant dans l’eau, il finit par se noyer dans sa propre image. Narcisse est seul, de la pire des solitudes, celle de l’égoïste qui ne pense qu’à lui, ne vit que pour son propre bonheur, qui, en fait, est le plus grand des malheurs. C’est pourquoi nous devons être attentifs à toute forme de possession égoïste ; Saint-Benoît à les paroles les plus dures dans sa Règle sur ce thème.

« Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance » dit Dieu dans le livre de la Genèse (1,28). Il ne dit pas : Je vais faire l’homme à mon image, mais à « notre image ». Les Pères des premiers siècles ont vu dans ces paroles une référence à la Sainte Trinité. Jésus, nous enseignant sa prière, nous dit la même chose : « Quand vous priez, dites : « Notre Père ». Lui seul pouvait dire « mon Père » !

« Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance ! » En regard de ces premières paroles de la Genèse répondent les dernières paroles de l’Évangile : « Et moi je suis avec vous jusqu’à la fin du monde. » !

Peut-il exister des paroles plus pleines de vie et d’amour que celles-ci ? Si nous le désirons, nous ne ferons qu’un dans ce concert d’amour, nous vivrons dans la même harmonie. Mais une écoute attentive est indispensable pour accéder à cette harmonie. À son fils, le Père se donne totalement : « Tout ce qui est à Moi est à Toi, et tout ce qui est à Toi est à Moi » dit Jésus. Sa vie tout entière est donnée à son Père. Son but est de répandre cette union dans la vie de tous ceux et celles qui ont foi en Lui. Comment ne pas penser à ces paroles de Jésus à la Samaritaine ?  « Si tu savais le don de Dieu » (Jn 4,10). Ces paroles sont pour chacun de nous aujourd’hui.

Malheureusement, la plupart du temps, nous ne pressentons même pas ce qu’est le don de Dieu. Oui, nous sommes des gens encombrés d’eux-mêmes. Vaniteux, susceptible, jaloux. Qui parmi nous peut dire qu’il a sauvé totalement du naufrage son regard d’enfant ? N’accusons pas les années, les épreuves de toutes sortes, ni les scléroses inévitables du corps, ni les échecs. Il est urgent de purifier notre mémoire en invoquant l’esprit Saint. Et en sachant qu’il n’est jamais « trop tard » pour Dieu !

Sa présence est enracinée en chacun de nous. Il suffit d’un regard, d’une supplication, d’un cri tourné vers le Père pour que, immédiatement, nous devenions une « icône trinitaire ». « Revenez au Seigneur votre Dieu, Il vous rendra la vie » chantons nous pendant le Carême. Dieu ne voit le mal qui est en nous que pour nous en libérer. « Tes pêchés te sont pardonnés » dit Jésus. Au nom de ce père infiniment bon. Plein de tendresse et d’amour. Oui, il suffit d’un regard de notre part pour que l’unité entre Dieu et nous soit immédiatement rétabli. Dieu est toujours là, jusque dans nos nuits les plus noires. Il ne nous quitte jamais, c’est nous qui nous éloignons de Lui parce que nous avons une idée fausse de ce qu’Il est.

Vivre dans le rayonnement de l’amour trinitaire est une source d’émerveillement et de joie. En voici un exemple concret et vrai. Dans une église rurale de la Manche, un dimanche matin de mai ensoleillé, une fenêtre est ouverte au sud. À l’instant même où le prêtre veut commencer son homélie, un rossignol se pose sur le bord de la fenêtre et il chante, chante, chante de tout son cœur. Toutes les têtes se tournent vers cet oiseau chanteur. Et puis, avec la rapidité qui caractérise le vol des oiseaux, il disparaît dans la brume de chaleur de ce matin de mai. Silence dans l’église. Le prêtre, s’adressant à ses fidèles leur dit : « C’est tout ce que j’avais à vous dire ».

Amen.

Frère Michel
Moine du Bec