Homélie :
Frères et sœurs, se mettre en chemin n’est pas facile. L’Évangile nous le montre à travers divers personnages. Nous fêtons aujourd’hui la solennité de l’Épiphanie du Seigneur.
La tradition dit que les 3 mages venus d’Orient s’appelaient Melchior, Gaspard et Balthazar, tous de couleurs différentes pour symboliser l’universalité du Christ, Sauveur de toute l’humanité. Ils n’ont pas hésité à se mettre en route en suivant l’étoile qui les a conduits à Jérusalem. Il a fallu l’intervention des Écritures, transmises par le peuple Juif pour que l’étoile les conduise à Jésus. Aussi ils ont reconnu Jésus comme Roi de toutes les nations, guide et lumière de tous les peuples en lui offrant l’or pour honorer un roi ; l’encens pour honorer un dieu et la myrrhe pour honorer celui qui connaîtra la mort, mais en sera vainqueur.
Le peuple juif ne s’est pas mis en route, il était indifférent et hostile envers son Sauveur. Après avoir interrogé les mages, le roi Hérode est jaloux et troublé par la peur que la naissance d’un roi menace son pouvoir.
Il organise alors des rencontres et envoie les autres recueillir des informations ; mais lui ne bouge pas, il reste enfermé dans son palais. « Tout Jérusalem » aussi a peur : peur de la nouveauté de Dieu. Elle préfère que tout reste comme avant – “ on a toujours fait ainsi ”- et personne n’a le courage d’aller. Aussi pour manifester cela, il ordonne de massacrer tous les enfants innocents de Bethléem âgés de 0 à 2 ans !
Il y a toujours des gens qui sont jaloux du pouvoir, qui n’acceptent pas de concurrence, qui sont intolérants, il y en a toujours dans le monde politique et même hélas au sein de l’Église et de nos communautés chrétiennes. Les interminables guerres à travers le monde ne sont-elles pas toutes attribuables à cet appétit du pouvoir sans partage ? Et dans nos communautés, acceptons-nous de gaîté de cœur qu’un autre prenne notre place, exerce les fonctions que nous exerçons depuis des années ? Certes, on ne va pas jusqu’à l’éliminer physiquement comme font les « Hérode » d’aujourd’hui, mais nous trouvons d’autre façon pour bloquer ou pour faire du mal à ceux que nous considérons comme des « intrus » : indifférence, dénigrement, paroles blessantes etc… Attention un « Hérode » loge quelque part au plus profond de nous ! En cette nouvelle année de grâce qui s’ouvre à nous, délogeons « Hérode » de nos cœurs !
Plus subtile est la tentation des prêtres et des scribes. Ils connaissent le lieu exact et l’indiquent à Hérode, en citant l’ancienne prophétie. Ils savent mais ne font pas un pas vers Bethléem… Ce peut être la tentation de celui qui est croyant depuis longtemps : il disserte sur la foi, comme d’une chose qu’il sait déjà mais il ne se met pas en jeu personnellement pour le Seigneur. On parle mais on ne prie pas ; on se lamente mais on ne fait pas de bien.
Les Mages, en revanche, parlent peu et marchent beaucoup. Bien qu’ignorants des vérités de foi, ils ont le désir et ils sont en chemin, comme le montrent les verbes de l’Évangile : « venus pour se prosterner », « ils partirent ; entrés ils se prosternèrent ; ils regagnèrent leurs pays » : toujours en mouvement. « Donne-nous Seigneur la grâce d’avancer sur le chemin que nous montre les mages… » Comme eux, nous allons apprendre à nous mettre en route, à chercher Dieu de tout notre cœur ; nous nous efforcerons de scruter les Ecritures et de vivre leurs enseignements au quotidien ; d’adorer le Seul et Unique Seigneur Dieu. Si nous perdons le sens de l’adoration, nous perdons le sens de la marche de la vie chrétienne, qui est un cheminement vers le Seigneur, non pas vers nous. C’est le risque contre lequel l’Évangile nous met en garde, en présentant, à côté des Mages, des personnages qui n’arrivent pas à adorer.
Arrivés à Jésus, après un long voyage, les Mages font comme Lui : ils donnent. Jésus est là pour offrir sa vie, eux offrent leurs biens précieux : or, encens et myrrhe. Oui, L’Evangile se réalise quand le chemin de la vie parvient au don. Donner gratuitement, pour le Seigneur, sans s’attendre à quelque chose en retour : voilà le signe certain d’avoir trouvé Jésus qui dit : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8). Faire le bien sans calcul, même si l’on n’y gagne rien, même si cela ne nous fait pas plaisir. Dieu désire cela… Lui, se faisant petit pour nous, nous demande d’offrir quelque chose pour ses frères et sœurs les plus petits. Qui sont-ils ? Ils sont justement ceux qui n’ont rien à rendre, comme celui qui se trouve dans le besoin, l’affamé, l’étranger, le prisonnier, le pauvre.
Offrir un don gratuit à Jésus : … c’est soigner un malade, donner du temps à une personne difficile, aider quelqu’un qui ne présente pas d’intérêt, offrir le pardon à qui nous a offensé. Ce sont des dons gratuits, ils ne peuvent pas manquer dans la vie chrétienne. Autrement, nous rappelle Jésus, si nous aimons ceux qui nous aiment, nous faisons comme les païens. Frères et sœurs, regardons nos mains, souvent vides d’amour, et essayons aujourd’hui de penser à un don gratuit, sans contrepartie, que nous pouvons offrir. Il sera apprécié du Seigneur. Et demandons-lui : “Seigneur, fais-moi redécouvrir la joie de donner”. Oui, faisons comme les Mages : levons la tête, marchons et offrons des dons gratuits.
Père Dieudonné
Prieur du Bec