Triduum Pascal (I) – Jean (18, 1 – 19, 42)

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Catégorie : Homélies

Jeudi saint : Homélie

Chers frères et sœurs,

Nous sommes réunis ce soir pour célébrer solennellement le mémorial de la Pâque. Car c’est au cours de cette Pâque que le Seigneur Jésus, de manière mystérieuse mais bien réelle, renouvelle pour nous le don total de lui-même. Il nous communique le don de sa Vie et nous rend participants de sa Résurrection.

C’est bien ce que veut nous dire saint Jean dans son évangile aujourd’hui : « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde les aima jusqu’au bout. » c’est-à-dire jusqu’à la fin : il les accueille dans le royaume de son Père au prix de sa passion … Il avait prié ainsi : « Père, ceux que tu m’as donné, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi … »

C’est au cours de cette célébration, en particulier, qu’il dépose ses vêtements, qu’il revêt la tenue de serviteur, qu’il s’agenouille à nos pieds et se met à les laver. Ce n’est pas simplement une bonne action ni même une démonstration d’humilité. L’apôtre Paul voit à travers ces gestes un mystère bien plus grand et une réalité sublime. Le Verbe éternel, en se dépouillant de sa Gloire, manifeste le revêtement de la faiblesse de notre pauvre humanité et son assomption vers les hauteurs de la vie divine : « Il ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti…devenant semblable aux hommes…il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (Ph 2,6.7.8).

Il n’est pas nécessaire d’avoir un cœur particulièrement sensible ou une grande capacité d’imagination pour être, encore aujourd’hui, touché et même scandalisé par tant d’amour qui se donne sans hésitation et jusqu’au bout.

Dans cette célébration, avec vous tous, je voudrais vous inviter à nous asseoir à coté de Pierre et de demander à Jésus : « Seigneur, toi, me laver les pieds ? » (Jn 13,6). Il ne s’agit pas d’une fiction sentimentale ou d’une dévotion superficielle. Si nous sommes vraiment honnêtes avec nous-mêmes, nous devons reconnaître que l’incompréhension première et spontanée de Pierre, qui ira jusqu’au refus, est également la nôtre.

« Ce que je fais tu ne le sais pas à présent » (Jn 13,7). Cet « à présent » continue pour nous. Nous vivons des temps où la peur de l’autre, le refus de la fraternité, le retour à une conception individualiste de la vie et aussi de la foi, caractérisent notre vie quotidienne. Avec Pierre nous vivons dans l’illusion que pour vivre ou survivre, il s’agit de faire de la place pour nous-mêmes, plus que pour l’autre. Nous pensons que l’affirmation de notre identité l’emporte sur la relation avec celui qui se trouve à coté de nous. Et aussi pour nous prêtres, religieux religieuses, parents, fidèles laïcs, le ministère se trouve parfois compris comme l’exercice du pouvoir, jusqu’à l’abus, alors qu’il devrait être et rester un service pour la vie des gens. Ceci, nous l’avons malheureusement trop vu ces derniers temps. Au lieu de servir l’Évangile, il peut nous arriver de nous servir de l’Évangile pour nous-mêmes et pour nos intérêts. Or il nous a été demandé de perdre la vie pour le Christ. Or parfois, nous préférons perdre le Christ pour conserver notre vie.

« Si je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi » (Jn 13,8). Être avec le Christ et trouver la vraie vie passe à travers la grâce et le défi de la fraternité et même de l’amitié. Lors de la dernière soirée de sa vie, c’est-à-dire aujourd’hui, le Seigneur Jésus ne nous donne pas seulement le bon exemple, mais il nous révèle la logique de la vraie vie. Vivre signifie s’ouvrir, s’incliner et se donner à l’autre. Si nous voulons sauver notre monde, alors il nous faut passer de la peur à la confiance, de l’idéologie des frontières, du refus de l’autre, de l’ennemi, à la culture de la relation. Il s’agit de s’incliner vers l’autre en vue de l’élever, dans une perspective d’amour et d’amitié. Et le Maître nous le rappelle encore aujourd’hui. En Lui nous sommes fils d’un unique Père et c’est pourquoi nous voulons construire nos relations comme des frères et sœurs : entre personnes de différentes nations, de différentes cultures et de différentes religions.

On ne devient pas frères si l’on ne reconnaît pas une paternité commune, si l’on n’accepte pas la famille à laquelle nous appartenons. Être chrétien, être prêtre, être homme et femme de la Pâques, cela signifie partager avec le Christ l’art de se donner, de s’ouvrir, de s’incliner devant l’autre, sans l’utiliser pour nos intérêts. L’amour chrétien n’est pas un sentiment passager, mais le commandement divin à sortir de nous-mêmes pour aller vers l’autre, à travers un voyage sans retour sur soi. Notre véritable exode pascal est ainsi : sortir de nos prisons individualistes, de l’esclavage de nos peurs, des fermetures de notre égoïsme, pour aller vers l’authentique terre de la rencontre, de l’hospitalité et du don. L’autre, celui qui est différent, n’est pas une menace, mais une invitation à l’amour, une occasion de service, un espace de témoignage.

Nous devons tous prier plus et avec Pierre, nous laisser convaincre par le Seigneur de laver les pieds comme Lui l’a fait. Nous devons tous célébrer mieux, avec foi et dévotion, les mystères que cette liturgie, à travers le signe du Saint Chrême et des huiles saintes, remet entre nos mains. Il nous faut donc nous laisser accueillir par Lui, accepter d’être servi par Lui. C’est seulement « après » cela que nous serons capables de nous incliner devant les autres. Car L’amour qui vient d’en haut nous met au service de nos frères et sœurs dans les gestes les plus banals d’un quotidien souvent sans éclats. Qu’animés de l’intérieur par la force de ton amour donné, Seigneur, nos gestes deviennent, jour après jour, un véritable culte rendu à Dieu et une lumière pour nos frères et sœurs. Amen.

 

Père Dieudonné
Prieur du Bec

 

 

 

Vendredi Saint

Passion de notre Seigneur Jésus Christ, selon saint jean

L. En ce temps-là, après le repas, Jésus sortit avec ses disciples et traversa le torrent du Cédron ; il y avait là un jardin, dans lequel il entra avec ses disciples. Judas, qui le livrait, connaissait l’endroit, lui aussi, car Jésus et ses disciples s’y étaient souvent réunis. Judas, avec un détachement de soldats ainsi que des gardes envoyés par les grands prêtres et les pharisiens, arrive à cet endroit. Ils avaient des lanternes, des torches et des armes. Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : ✠ « Qui cherchez-vous ? » L. Ils lui répondirent : F. « Jésus le Nazaréen. » L. Il leur dit : ✠ « C’est moi, je le suis. » L. Judas, qui le livrait, se tenait avec eux. Quand Jésus leur répondit : « C’est moi, je le suis », ils reculèrent, et ils tombèrent à terre. Il leur demanda de nouveau : ✠ « Qui cherchez-vous ? » L. Ils dirent : F. « Jésus le Nazaréen. » L. Jésus répondit : ✠ « Je vous l’ai dit : c’est moi, je le suis. Si c’est bien moi que vous cherchez, ceux-là, laissez-les partir. » L. Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés. » Or Simon-Pierre avait une épée ; il la tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus. Jésus dit à Pierre : ✠ « Remets ton épée au fourreau. La coupe que m’a donnée le Père, vais-je refuser de la boire ? » L. Alors la troupe, le commandant et les gardes juifs se saisirent de Jésus et le ligotèrent. Ils l’emmenèrent d’abord chez Hanne, beau-père de Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là. Caïphe était celui qui avait donné aux Juifs ce conseil : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple. »
Or Simon-Pierre, ainsi qu’un autre disciple, suivait Jésus. Comme ce disciple était connu du grand prêtre, il entra avec Jésus dans le palais du grand prêtre. Pierre se tenait près de la porte, dehors. Alors l’autre disciple – celui qui était connu du grand prêtre – sortit, dit un mot à la servante qui gardait la porte, et fit entrer Pierre. Cette jeune servante dit alors à Pierre : A. « N’es-tu pas, toi aussi, l’un des disciples de cet homme ? » L. Il répondit : D. « Non, je ne le suis pas ! » L. Les serviteurs et les gardes se tenaient là ; comme il faisait froid, ils avaient fait un feu de braise pour se réchauffer. Pierre était avec eux, en train de se chauffer. Le grand prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur son enseignement. Jésus lui répondit : ✠ « Moi, j’ai parlé au monde ouvertement. J’ai toujours enseigné à la synagogue et dans le Temple, là où tous les Juifs se réunissent, et je n’ai jamais parlé en cachette. Pourquoi m’interroges-tu ? Ce que je leur ai dit, demande-le à ceux qui m’ont entendu. Eux savent ce que j’ai dit. » L. À ces mots, un des gardes, qui était à côté de Jésus, lui donna une gifle en disant : A. « C’est ainsi que tu réponds au grand prêtre ! » L. Jésus lui répliqua :  ✠ « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal. Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » L. Hanne l’envoya, toujours ligoté, au grand prêtre Caïphe.
Simon-Pierre était donc en train de se chauffer. On lui dit : A. « N’es-tu pas, toi aussi, l’un de ses disciples ? » L. Pierre le nia et dit : D. « Non, je ne le suis pas ! » L. Un des serviteurs du grand prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, insista : A. « Est-ce que moi, je ne t’ai pas vu dans le jardin avec lui ? » L. Encore une fois, Pierre le nia. Et aussitôt un coq chanta.
Alors on emmène Jésus de chez Caïphe au Prétoire. C’était le matin. Ceux qui l’avaient amené n’entrèrent pas dans le Prétoire, pour éviter une souillure et pouvoir manger l’agneau pascal. Pilate sortit donc à leur rencontre et demanda : A. « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? » L. Ils lui répondirent : F. « S’il n’était pas un malfaiteur, nous ne t’aurions pas livré cet homme. » L. Pilate leur dit : A. « Prenez-le vous-mêmes et jugez-le suivant votre loi. » L. Les Juifs lui dirent : F. « Nous n’avons pas le droit de mettre quelqu’un à mort. » L. Ainsi s’accomplissait la parole que Jésus avait dite pour signifier de quel genre de mort il allait mourir. Alors Pilate rentra dans le Prétoire ; il appela Jésus et lui dit : A. « Es-tu le roi des Juifs ? » L. Jésus lui demanda : ✠ « Dis-tu cela de toi-même, Ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » L. Pilate répondit : A. « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? » L. Jésus déclara : ✠ « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » L. Pilate lui dit : A. « Alors, tu es roi ? » L. Jésus répondit : ✠ « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » L. Pilate lui dit : A. « Qu’est-ce que la vérité ? » L. Ayant dit cela, il sortit de nouveau à la rencontre des Juifs, et il leur déclara : A. « Moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Mais, chez vous, c’est la coutume que je vous relâche quelqu’un pour la Pâque : voulez-vous donc que je vous relâche le roi des Juifs ? » L. Alors ils répliquèrent en criant : F. « Pas lui ! Mais Barabbas ! » L. Or ce Barabbas était un bandit.
Alors Pilate fit saisir Jésus pour qu’il soit flagellé. Les soldats tressèrent avec des épines une couronne qu’ils lui posèrent sur la tête ; puis ils le revêtirent d’un manteau pourpre. Ils s’avançaient vers lui et ils disaient : F. « Salut à toi, roi des Juifs ! » L. Et ils le giflaient.
Pilate, de nouveau, sortit dehors et leur dit : A. « Voyez, je vous l’amène dehors pour que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » L. Jésus donc sortit dehors, portant la couronne d’épines et le manteau pourpre. Et Pilate leur déclara : A. « Voici l’homme. » L. Quand ils le virent, les grands prêtres et les gardes se mirent à crier : F. « Crucifie-le ! Crucifie-le ! » L. Pilate leur dit : A. « Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le ; moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » L. Ils lui répondirent : F. « Nous avons une Loi, et suivant la Loi il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu. » L. Quand Pilate entendit ces paroles, il redoubla de crainte. Il rentra dans le Prétoire, et dit à Jésus : A. « D’où es-tu ? » L. Jésus ne lui fit aucune réponse. Pilate lui dit alors : A. « Tu refuses de me parler, à moi ? Ne sais-tu pas que j’ai pouvoir de te relâcher, et pouvoir de te crucifier ? » L. Jésus répondit : ✠ « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais reçu d’en haut ; c’est pourquoi celui qui m’a livré à toi porte un péché plus grand. » L. Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher ; mais des Juifs se mirent à crier : F. « Si tu le relâches, tu n’es pas un ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. » L. En entendant ces paroles, Pilate amena Jésus au-dehors ; il le fit asseoir sur une estrade au lieu dit le Dallage – en hébreu : Gabbatha. C’était le jour de la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure, environ midi. Pilate dit aux Juifs : A. « Voici votre roi. » L. Alors ils crièrent : F. « À mort ! À mort ! Crucifie-le ! » L. Pilate leur dit : A. « Vais-je crucifier votre roi ? » L. Les grands prêtres répondirent : F. « Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur. » L. Alors, il leur livra Jésus pour qu’il soit crucifié.
Ils se saisirent de Jésus. Et lui-même, portant sa croix, sortit en direction du lieu dit Le Crâne (ou Calvaire), qui se dit en hébreu Golgotha. C’est là qu’ils le crucifièrent, et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. Pilate avait rédigé un écriteau qu’il fit placer sur la croix ; il était écrit : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. » Beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, parce que l’endroit où l’on avait crucifié Jésus était proche de la ville, et que c’était écrit en hébreu, en latin et en grec. Alors les grands prêtres des Juifs dirent à Pilate : F. « N’écris pas : “Roi des Juifs” ; mais : “Cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs.” » L. Pilate répondit : A. « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. »
L. Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas. Alors ils se dirent entre eux : A. « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura. » L. Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement. C’est bien ce que firent les soldats.
Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : ✠ « Femme, voici ton fils. » L. Puis il dit au disciple : ✠ « Voici ta mère. » L. Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : ✠ « J’ai soif. » L. Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : ✠ « Tout est accompli. » L. Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit.
(Ici on fléchit le genou, et on s’arrête un instant.)
Comme c’était le jour de la Préparation (c’est-à-dire le vendredi), il ne fallait pas laisser les corps en croix durant le sabbat, d’autant plus que ce sabbat était le grand jour de la Pâque. Aussi les Juifs demandèrent à Pilate qu’on enlève les corps après leur avoir brisé les jambes. Les soldats allèrent donc briser les jambes du premier, puis de l’autre homme crucifié avec Jésus. Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. Cela, en effet, arriva pour que s’accomplisse l’Écriture : Aucun de ses os ne sera brisé. Un autre passage de l’Écriture dit encore : Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé.
Après cela, Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Joseph vint donc enlever le corps de Jésus. Nicodème – celui qui, au début, était venu trouver Jésus pendant la nuit – vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates selon la coutume juive d’ensevelir les morts. À l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et, dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore déposé personne. À cause de la Préparation de la Pâque juive, et comme ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus.

Maintenant le vide…Comment peuvent-ils se douter que ce vide est la matrice de la création nouvelle. Qu’en ce jour de non-travail, le monde est, en quelque sorte, entré dans un travail d’enfantement, d’une nouvelle création !

Homélie du samedi saint

Shabbat…Samedi matin, nous sommes dans le silence de ce jour de repos. Un repos, qui tient à un double commandement :

  • Dieu s’est reposé, l’homme se repose
  • Dieu a libéré le peuple hébreu de la servitude

Et voici donc qu’en ce shabbat, selon la Tradition, le Christ descend aux enfers pour en briser les chaînes et les portes : acte de libération de toute l’humanité depuis ses origines, libération dela servitude du péché et de la mort.

Alors que la mort semblait avoir triomphé par Jésus sur la Croix, aujourd’hui sa défaite est engagée aux plus profonds des enfers.  Dans sa victoire même, sa défaite était inscrite.  Mais c’est au matin de Pâques qu’éclatera cette victoire dans le combat définitif qui se livre aux enfers.

Alors même que Jésus est entré la veille dans ce qui parait son repos éternel, mort et enseveli, Il est descendu aux enfers. Si les enfers sont chamboulés par cette venue, combien l’esprit des apôtres ne l’est-il pas ? Et celui des femmes également, elles qui ont été à la Croix.

Quel charivari dans leurs têtes et dans leurs cœurs ; tout a été si vite…Un enchainement qui leur a totalement échappé, une précipitation propre à ces situations pas très claires où l’on veut faire vite, où l’on veut mener l’affaire rondement car on n’est pas sûr de son fait et des retournements possibles.

Que d’émotion pour tous les témoins proches ou lointains.  Et Lui demeurait là, suivant son chemin, se laissant faire.

Depuis son dernier repas aux accents inattendus et quelque peu incompréhensibles, jusqu’à l’ensevelissement à la hâte, même pas une journée complète ! Et nous voici au matin après une nuit mauvaise et brouillée aux multiples pensées qui se sont bousculées dans le cœur de chacun.

Un temps d’incompréhension sans doute : déjà, face à la mort d’un proche, ou d’un ami, c’est toujours la même réaction : « Ce n’est pas possible » « Ce n’est pas vrai ». Alors, à plus forte raison : comment Lui le juste, l’homme de bien, à la parole riche, à l’action puissante…comment cela a-t-il pu arriver ?

Maintenant le vide…Comment peuvent-ils se douter que ce vide est la matrice de la création nouvelle. Qu’en ce jour de non-travail, le monde est, en quelque sorte, entré dans un travail d’enfantement, d’une nouvelle création !

Secret espoir, peut-être, secrète espérance que cela ne va pas s’arrêter … mais combien cette paix du Shabbat qui a succédé aux tumultes de la journée précédente est remplie de la tempête dans l’esprit et le cœur.  Car la pierre scellée du tombeau a aussi scellé la perte de leurs espérances !

Que va-t-il advenir ? Moment de latence déconcerté…mais nous avons une certitude de foi : pendant ce temps, si l’on peut parler de temps, Il est descendu aux enfers.

« La descente aux enfers » : que d’imagination pour l’esprit de l’homme…  Tout comme Jésus a vaincu Satan dans son combat au désert, aujourd’hui Il descend aux enfers pour le vaincre, cette fois définitivement, et pas seulement pour Lui, dans le combat pour son choix de vie mais pour toute l’humanité : Et il faudra attendre la Résurrection pour entendre la parole : « Que votre cœur ne se trouble pas… »

D’ici là, Jésus combat aux enfers.  Et les disciples demeurent dans le désarroi dans leurs cœurs.

 

Père Louis Marie
Prieur d’Abu Gosh