CHAPITRE 7 : DE L’HUMILITÉ (suite).
Dimanche 6 juin :
« C’est le huitième degré d’humilité si le frère ne fait rien d’autre que ce qui est recommandé par la règle commune et l’exemple des anciens ».
Quand nous entrons au monastère, nous nous inscrivons dans une tradition. Nous n’arrivons pas pour tout changer parce que nous estimons dépassé ce que nous trouvons.
Il y aura sans doute, avec le temps, des choses à changer, à corriger. Mais il y a aussi une tradition de sagesse devant laquelle nous pouvons rester modestes et qui peut nous aider à nous corriger. Car, avant de vouloir changer les choses, c’est en soi-même qu’il y a des choses à corriger. N’oublions pas que nous avons fait vœux de conversion !
Et puis, s’il y a des choses à changer dans le monastère, cela doit se faire dans le dialogue, l’écoute, la concertation, et non dans l’euphorie ou la précipitation ; mais en tout cas, après une longue probation. Le temps permet de comprendre bien des choses qui, au début, pouvaient paraître singulières.
Lundi 7 juin :
Plus on monte les degrés d’humilité, plus on s’aperçoit que l’humilité n’est pas une vertu isolée. Elle est toujours associée à d’autres vertus. Mais c’est elle qui leur donne leur qualité. Que serait l’obéissance sans l’humilité ? S’il n’y a pas l’humilité dans l’obéissance, le cœur n’y est pas. On obéit alors de mauvais gré, ou en murmurant.
Ainsi, on voit l’humilité associée à l’obéissance, à la transparence du cœur, à la conversion, à l’abandon de sa volonté propre.
Dans ce neuvième degré, on la voit associée au silence ou à la retenue dans la parole. L’excès de parole peut entraîner en effet une dispersion qui nuit à l’attention pour la Parole de Dieu et à l’intériorité ; mais aussi à un désir de paraître, de briller, d’où un certain orgueil. Le bavardage nous guette toujours. Il peut y avoir des conversations utiles, nécessaires pour le bien des personnes, mais combien d’autres qui sont vaines ou peuvent provoquer une fuite du silence. Rappelons-nous l’expression : « parler pour ne rien dire ». Il nous faut toujours veiller à favoriser le silence pour ne pas nous éparpiller et demeurer dans une écoute de la volonté de Dieu.
Mardi 8 juin :
Quand saint Benoît se montre très réservé à propos de rire, c’est qu’il y voit une façon de fuir le recueillement, de rester à la surface des évènements, des choses, de ne pas entrer vraiment en relation avec Dieu, avec les autres.
Il n’interdit pas le rire qui est même nécessaire et parfois inévitable. La joie fait partie de l’être chrétien comme de celle du moine. Mais elle doit émaner d’une vie intérieure profonde, alors que le rire facile et trop fréquent reflète un manque de réserve et d’intériorité. C’est cette vie profonde qui peut aider le chrétien, donc le moine, à être le sel de la terre et la lumière du monde (Mt.5, 13-16).
Mercredi 9 juin :
Ce onzième degré d’humilité rejoint les deux précédents, en ce qui concerne le silence, la parole et le rire. Il y a toujours un lien très fort entre l’humilité d’une part, le silence et la parole d’autre part.
L’humilité appelle une réserve, une discrétion, une retenue dans le langage. Il doit toujours être nourri par la réflexion, sinon la parole risque de devenir un bavardage qui empêchera le silence si nécessaire à la vie intérieure, à la prière, à la méditation de la Parole de Dieu. Saint Benoît recommande de parler avec humilité et gravité. Le contraire serait de se mettre en avant, de chercher à attirer l’attention sur soi, ce qui est une tentation.
La parole humble et posée laisse aussi la place à l’écoute. L’humilité permet cette ouverture, cette attention à celui qui est devant nous. Sinon, au lieu d’un échange réciproque, il n’y a plus qu’une juxtaposition de deux individus.
Jeudi 10 juin :
Le douzième degré qui conclut ce chapitre sur l’humilité montre que c’est toute la vie du moine, tout son être, qui doit exprimer l’humilité. Il ne peut pas y avoir d’humilité vraie si toute la personne n’est pas concernée. L’humilité du cœur doit pénétrer jusqu’à la manière d’être, de se comporter, d’être en relation, et cela à tout moment, et en tout lieu. L’être sera profondément unifié par l’humilité.
Ce passage rappelle ce que doit vivre le fidèle qui pratique la Parole de Dieu comme on peut le lire dans Deutéronome 11, 19-20 : « Tu garderas en mémoire les paroles que le Seigneur t’a données ; tu le répéteras debout ou couché, assis dans ta maison ou en chemin… » Celui qui pratique la Parole de Dieu et qui la garde, connaît l’amour divin. De même, le moine véritablement humble, parvient à la charité qui chasse la crainte, car l’amour du Christ devient le plus fort. C’est le résultat de l’action de l’Esprit Saint. C’est souvent l’œuvre de toute une vie, ou en tout cas d’une longue expérience. Mais c’est aussi un cheminement jamais achevé, qui peut connaître des avancées, mais aussi des reculs. C’est un travail de chaque jour qui nous fera grandir jour après jour dans l’amour. Il nous dilatera le cœur et tout notre être.
CHAPITRE 8 : DES OFFICES DIVINS LA NUIT.
Vendredi 11 juin :
Toute cette section consacrée aux offices liturgiques qui scandent la vie du moine, nous rappelle que le temps n’est pas une banale succession d’événements insignifiants. C’est tout l’univers qui donne au temps sa régularité. La création est l’œuvre de Dieu et le temps, avec ses différents cycles, nous ramène toujours à la pensée de Dieu. Le temps lui appartient.
La liturgie suit les différents cycles : jours, semaines, années ; chacun ayant son rythme et formant une unité. Cette ordonnance n’est pas une invention monastique ; elle adopte la tradition de l’Eglise qui, elle-même, a repris le cadre de la liturgie juive, mais en en faisant la célébration du Christ et de son mystère pascal qui est central.
Dans la journée, chaque office a son caractère propre, comme c’est le cas pour les vigiles nocturnes qui sont ici traitées en premier. Cet office bénéficie du silence de la nuit, et se prolonge par l’étude des psaumes et des textes sacrés.
CHAPITRE 9 : COMBIEN DE PSAUMES IL FAUT DIRE LA NUIT.
Samedi 12 juin :
Si l’office des vigiles nocturnes n’est plus exactement le même aujourd’hui qu’au temps de saint Benoît, notamment quant au nombre de psaumes et de lectures, et quant à une plus grande souplesse dans le choix des textes (psaumes ou lectures), il en conserve néanmoins deux principes :
D’abord cet office se réfère à la nuit pascale, la plus sainte de toutes les nuits. C’est une des plus anciennes traditions de l’Eglise. Saint Augustin l’appelait : « la mère de toutes les saintes nuits, nuit où le monde entier veille ». Cet office fait donc référence à la résurrection du Christ, ce qui justifie son développement.
Ensuite, cet office garde toujours une même structure. Après l’introduction (invitation et hymne), il y a une alternance de psaumes et de lectures avec répons. Les psaumes sont chantés par l’ensemble des frères, les lectures sont écoutées, reçues avec une complémentarité entre les lectures bibliques (Ancien et Nouveau Testament) et les commentaires « qu’en ont faits les Pères catholiques reçus et de doctrine sûre ». L’office s’achève avec la litanie.
Saint Benoît entrera ensuite dans le détail. Mais, même si, et surtout aujourd’hui, il existe une plus grande liberté, il reste des constantes qui ont toujours valeur universelle.
Père Claude
Prieur du Bec