Commentaires de la Règle de saint Benoit – S9

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Catégorie : Vie monastique

CHAPITRE 20 : DE LA REVERENCE DANS LA PRIÈRE.

Dimanche 27 juin :

A la fin du chapitre précédent (chap. 19), saint Benoît dit : « Soyons présents à la psalmodie de telle manière que notre homme intérieur s’accorde avec notre voix. » Ce nouveau chapitre 20 développe en quelque sorte cette injonction en l’appliquant à la prière personnelle qui prolonge la prière communautaire de l’office. L’attitude intérieure doit être la même dans l’une comme dans l’autre ; dans la prière communautaire comme pour la prière privée. C’est la même attitude de respect et d’humilité, la même certitude d’être en présence de Dieu qui nous voit et nous écoute. Il accueille notre louange comme il écoute notre supplication.

La prière humble et sincère est inspirée par l’Esprit Saint qui nous donne un cœur d’enfant, et qui nous fait crier « Abba ! Père » (Rm. 8, 15). La prière naît de la foi, de la confiance. Elle rejoint la prière filiale de Jésus lorsqu’elle est dégagée de tout intérêt égocentrique. L’évangile de ce dimanche (Marc 5, 21-43) nous donne un double exemple de foi, donc de prière confiante, avec la femme dont Jésus reconnait la foi, et avec Jaïr, le chef de la synagogue qui le supplie pour sa fille. Dans les deux cas, la foi est le terreau dans lequel Jésus peut agir et répondre à la supplication sincère de tous ses disciples.CHAPITRE 21 : DES DOYENS DU MONASTERE.

Lundi 28 juin :

Dans son commentaire sur la Règle(1), Dom Guillaume écrit pour ce chapitre : « Le rôle des doyens, des officiers du monastère, est de permettre à l’abbé de se reposer ! De se reposer en se reposant sur eux. La traduction rend une expression latine très riche : saint Benoît précise en effet que l’abbé doit se sentir en sécurité avec eux (« securus in quibus »), afin de pouvoir partager avec eux le poids de sa charge (« partiat onera sua »).

On pourrait étendre cette idée à chaque fonction, aussi humble soit-elle, dans le monastère. Dans la tradition bénédictine, l’abbé est responsable du spirituel comme du temporel. Saint Benoît lui demande de veiller à tout : l’infirmerie, les sonneries des cloches, la longueur des vêtements, la portion de nourriture. Mais comment un seul homme pourrait-il suffire ? Voilà pourquoi la Règle est en fait un vaste ensemble de délégations : chacun participe de la paternité de l’abbé, en portant une part de cette charge. D’une certaine manière, chacun porte un peu de la sollicitude pastorale et matérielle de l’abbé, à la place qu’il occupe .

Il est important de s’interroger sur la manière dont nous remplissons nos charges ! En effet, la subsidiarité suppose toujours deux éléments fondamentaux : le sens du service d’autrui qu’est la sollicitude et le fait de rendre compte à l’abbé.

Le rôle des officiers du monastère est d’alléger la tâche de l’abbé, et non de la rendre plus pesante en laissant aller les choses ou en créant des problèmes. Quand chacun fait bien son travail, cela sert à tout le monde. Même la tâche la plus humble, celle qui, en apparence, est la moins spirituelle, contribue en fait, si elle est bien faite, au climat spirituel de la communauté. Dans un monastère, tout est au service de Dieu ! »

  • ‘’Ta lumière sur ma route’’ Commentaire de la Règle de saint Benoît par Dom Guillaume Jedrzejczak, abbé émérite de la trappe du Mont-des-Cats. Editions Salvator, Paris 2021

 

CHAPITRE 22 : COMMENT DORMENT LES MOINES.

Mardi 29 juin :

Dans ce chapitre sur le sommeil apparaissent en arrière-fond les paraboles sur la vigilance, et encore, au-delà de ces paraboles, on devine la nuit de la Pâque au livre de l’Exode.

Plusieurs expressions utilisées par saint Benoît s’y réfèrent : la lumière qui brûle dans le dortoir, le vêtement, la ceinture aux reins, le lever dès le signal. On pense à l’arrivée de l’époux au milieu de la nuit et aux jeunes filles munies de leurs lampes, qui s’éveillent et sont prêtes pour accueillir l’époux. Il y a surtout la parabole des serviteurs qui attendent leur maitre au milieu de la nuit : « Que vos reins soient ceints, tenez vos lampes allumées, et vous, soyez comme des hommes qui attendent leur maître à son retour des noces pour lui ouvrir dès qu’il frappera. » (Luc 12, 35 s.)

La célébration de l’office divin a toujours un caractère eschatologique ; c’est l’anticipation de la vie future, de la rencontre finale qui est le but de la vie de l’homme. Rappelons-nous ce que disait saint Irénée hier : « La vie de l’homme, c’est la vision de Dieu ».

 

CHAPITRE 23 : DE L’EXCOMMUNICATION POUR LES COULPES.

Mercredi 30 juin :

Une note(1) au sujet des châtiments corporels évoqués à la fin de ce chapitre par saint Benoît précise que les coups appliqués avec une baguette de saule sont le châtiment des esclaves. Autrement dit, s’il faut en arriver là, c’est que le désobéissant, et même le rebelle qui s’avère incorrigible, perd en quelque sorte, par sa désobéissance à la Règle, sa qualité de fils. Il est abaissé au rang des esclaves.

Tant que le frère désobéissant accepte la correction, il demeure dans la communion fraternelle, ou, au plus, il y est rétabli, alors que l’endurcissement du cœur entraîne une rupture. On voit bien ici, que le souci de l’abbé, ou des anciens, est de tendre la main à celui qui s’égare pour le ramener dans l’unité de la communauté. Il peut toujours y avoir des manquements, des écarts par rapport à la Règle commune, considérée comme la mise en œuvre de l’évangile. Mais ils ne sont pas graves s’ils sont suivis d’un retour à la communion fraternelle.

Il y a toujours chez saint Benoît le souci de la miséricorde envers le coupable. C’est pourquoi il y a plusieurs tentatives pour le ramener. L’excommunication, qui est la dernière extrémité, n’est pas tant une sentence prononcée par le supérieur, que le constat d’une situation où la fautif s’est enfermé.

  • Note b du chapitre 23 de la Règle dans ‘’La vie et la Règle de saint Benoît’’ traduction de Mère Elisabeth de Solms. Ed. DDB. 1963

 

CHAPITRE 24 : QUELLE DOIT ETRE LA MESURE DE L’EXCOMMUNICATION.

Jeudi 1er juillet :

L’excommunication dans la discipline de l’Eglise suppose des fautes très graves ou un acte de rébellion vis-à-vis de l’autorité de l’Eglise. Dans les siècles passés, cette peine était appliquée davantage qu’aujourd’hui.

Dans le cas du monastère, il est surtout question de désobéissance à la discipline interne, et là encore, cette peine de l’excommunication est aujourd’hui rarement en usage. Cela n’empêche pas qu’on puisse commettre des écarts vis-à-vis de la Règle, avoir une attitude d’indépendance ou de distance par rapport à la communauté. Nous devons donc nous interroger sur notre sens communautaire, sur notre souci des frères, notre respect de ce qui est demandé par la loi commune, notre régularité. Si nous respectons tout cela, nous préservons et favorisons l’esprit communautaire et le maintien de la charité.

Mais si nous nous en écartons, nous risquons, en quelque sorte, de nous « excommunier » nous même, sans encourir de sentence, mais par le simple fait que nous nous isolons. La communion dans la liturgie nous unit au Christ qui se donne en nourriture. Mais elle est vraie que si nous demeurons dans l’unité entre nous, si nous pratiquons la charité fraternelle. Nous devons toujours faire le lien entre la célébration liturgique et la vie concrète en communauté.

 

CHAPITRE 25 : DES FAUTES PLUS GRAVES.

Vendredi 2 juillet :

Ce chapitre peut avoir quelque chose d’effrayant. Il concerne les fautes graves. Par conséquent, une telle sentence d’excommunication est plus rare. Mais en aucun cas, il ne s’agit ici d’une exclusion. Si une pénitence est imposée, il est bien indiqué que c’est toujours en vue d’une conversion, d’’un retour du coupable dans la communauté. Cette séparation n’est que temporaire et la pénitence a toujours eu vue la guérison. Elle permet au coupable de mesurer sa faute et de l’en corriger.

Faisons le lien avec l’évangile d’aujourd’hui : le repas de Jésus avec les pécheurs. Il répond aux pharisiens qui récriminent contre lui : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades  Jje ne suis pas venu appeler les justes, mais les pêcheurs » (Matt. 9, 9-13).

Quand nous lisons ces chapitres de la Règle, nous devons garder à l’esprit la miséricorde de Jésus pour les pécheurs. Le but de sa mission est de les sauver et non de les juger.

 

CHAPITRE 26 : DE CEUX QUI, SANS ORDRES, SE JOIGNENT AUX EXCOMMUNIES.

Samedi 3 juillet, fête de saint Thomas :

     Dans son commentaire de la Règle de saint Benoît, Dom Guillaume note : « La peine de l’exclusion, cette expérience de solitude, a pour but de ramener le frère à la source profonde de son être, de le faire rentrer en lui-même, pour qu’il redécouvre, du dedans, le bon chemin. Celui qui interfère dans ce processus thérapeutique risque fort d’empêcher ce retour au cœur, à la source de la communion. En effet, le fautif, se voyant compris et soutenu, risque alors de s’entêter, de s’enfermer dans sa volonté propre, et de ne plus en sortir. Saint Benoît n’exclut pas la compassion, bien au contraire […] Toutefois, Jésus nous affirme dans l’évangile que si un aveugle veut guider un autre aveugle, ils risquent tous deux de tomber dans le même trou. (Luc 6,39)».

La fête de l’apôtre saint Thomas nous ramène au mystère pascal. Le récit de l’apparition de Jésus ressuscité au Cénacle devant les dix, puis les onze huit jours après, a été abondamment commenté par les Pères de l’Eglise, et par bien d’autres. L’incrédulité de Thomas a éclipsé celle des autres apôtres dont la foi a aussi été mise à l’épreuve après la mort de Jésus.

Le passage de l’incrédulité à la foi chez Thomas, c’est souvent la démarche actuelle de beaucoup de chrétiens. Pour obtenir la foi, il est nécessaire d’avoir une adhésion personnelle ; on ne peut plus se contenter d’une religion sociale que beaucoup rejettent d’ailleurs aujourd’hui. Celui qui croit doit s’engager personnellement. Le Christ n’est pas une idéologie, mais une personne. C’est cette rencontre personnelle que saint Thomas a faite.

Cette rencontre n’est pas forcément la même pour tous, mais elle engage celui qui la fait au plus intime de lui-même. Elle l’engage tout entier pour une vie renouvelée : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn. 20,29). Autrement dit, cette rencontre avec le Ressuscité est possible à tout moment et pour tous et elle est réalisable pour celui qui cherche le Christ de tout son cœur.

 

Père Claude
Prieur du Bec