Robert Atwell – Spiritualité de la perplexité

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J’ai toujours été fasciné par l’histoire de Jonas. Elle a captivé mon imagination quand j’étais enfant, tout comme elle a manifestement captivé celle des premiers chrétiens.

Jonas expulsé de la baleine

Lorsque j’étais étudiant, j’ai été émerveillé de découvrir des fresques représentant Jonas datant du début du IVème siècle sur les murs des catacombes de Rome. Pour les premiers chrétiens, Jonas était une figure d’espoir face à la persécution et à la mort.

Nous avons tendance à rejeter l’histoire de Jonas comme un conte de fées. Nous nous accrochons aux éléments étranges de l’histoire, comme le fait qu’il ait été avalé par une baleine, et nous négligeons le fait qu’il s’agit en réalité d’un texte profond. C’est un livre de protestation radical qui prend un individu apparemment pieux et bouleverse tout. L’histoire comporte de nombreux éléments du folklore hébraïque, mais cela ne signifie pas qu’il faille la considérer avec suspicion. Les anthropologues religieux nous disent que le folklore est un moyen puissant de communiquer des croyances sur Dieu, la nature du monde dans lequel nous vivons et les valeurs d’une société.

Jésus n’a pas hésité à faire référence à Jonas et à jouer avec divers aspects de son histoire, louant la prédication de Jonas au peuple de Ninive et utilisant son séjour dans le ventre de la baleine comme une image de sa propre mort et de son enterrement imminent.

Nous considérons les prophètes comme des figures fortes et confiantes, mais Jonas n’est ni l’un ni l’autre. C’est un individu imparfait, parfois presque comique. Il est capricieux, vulnérable, maussade et désobéissant, mais il est aussi honnête et courageux, des qualités souvent négligées. À notre époque troublée, où la santé mentale de tant de personnes est fragile et où les gens se sentent perdus et incertains, ce héros improbable offre une sagesse surprenante et ô combien nécessaire.

Jésus n’a pas hésité à faire référence à Jonas et à jouer avec divers aspects de son histoire, louant la prédication de Jonas au peuple de Ninive et utilisant son séjour dans le ventre de la baleine comme une image de sa propre mort et de son enterrement imminent. Il est le seul prophète à décrire Jonas comme un « signe », mais ajoute de manière intrigante : « Et je vous le dis, il y a ici quelque chose de plus grand que Jonas. »  Qu’est-ce donc que ce « signe de Jonas » et quelle pertinence a-t-il pour notre génération ?  Telles sont les questions que j’explore dans mon livre et auxquelles je continue de réfléchir.

Je m’exprime en tant qu’évêque anglican récemment retraité et en tant qu’oblat du Bec, où je me rends depuis près de cinquante ans. Je ne suis pas un spécialiste de la Bible, mais un lecteur chrétien d’un livre juif. Toutefois, j’espère que mes observations sur Jonas et sur les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui permettront à une nouvelle génération de renouer avec ce texte ancien et d’y découvrir une sagesse pour son cheminement.

Je crois que Jonas offre une théologie étonnamment pertinente pour notre époque, une théologie qui aborde l’isolement, la protestation, la colère, la peur et la dépression, le tout sous l’ombre de la présence divine au milieu des troubles personnels. Pour ceux qui se sentent à la dérive dans la vie, l’histoire de Jonas est une ancre d’espoir et une source de consolation surprenante. Elle trace les contours de la grâce, une grâce qui semble particulièrement absente de notre monde actuel.

Nous vivons une époque troublée. Notre époque est marquée par la confusion, la peur et l’incertitude. Les plaques tectoniques culturelles sont en mouvement. Nous assistons à la fin de l’ère postcoloniale et à la fin de la façon dominante nord-américaine et européenne de comprendre et d’ordonner le monde. Pour beaucoup de gens, et pour diverses raisons, l’avenir n’est plus ce qu’il était. Le populisme est en hausse.  Les gens se sentent désorientés et effrayés, pour eux-mêmes ou pour leurs enfants. Comment naviguer dans cette « ère d’anxiété » ? Et comment, en tant que chrétiens, inviter les gens à se lancer dans l’aventure du discipulat ?

L’une des raisons pour lesquelles j’ai souhaité revisiter l’histoire de Jonas est la peur et la confusion évidentes qu’il a manifestées face aux événements auxquels il a été confronté. Un commentateur biblique a décrit ce livre comme une « exploration de la spiritualité de la perplexité », une expression qui m’a inspiré le titre de mon propre ouvrage.

Mais ce choix s’explique aussi par une raison personnelle.

Si vous êtes oblat d’une communauté bénédictine, voire évêque, les gens supposent que vous avez toutes les réponses aux problèmes de la vie. Ce n’est pas le cas. Je n’ai jamais non plus vécu d’expériences spirituelles intenses, comme certains chrétiens en font le récit ; je m’identifie donc à Jonas dans sa perplexité. Comme lui, je tâtonne et je trébuche souvent en chemin. Toutefois, je trouve du réconfort dans un verset des Psaumes : « Même si tu trébuches, tu ne tomberas pas, car le Seigneur te tient fermement par la main » (Ps. 37, v. 24).

J’ai écrit ce livre pour mes compagnons de pèlerinage, alors que nous marchons ensemble sur le chemin du Christ, convaincu que Jonas a des choses inattendues à nous apprendre. J’espère qu’il vous parlera.

 

Robert Atwell est oblat de la communauté et ancien évêque anglican d’Exeter.