Homélie du 20eme dimanche : « je suis venu apporter la division »

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 »Je suis venu apporter la division » : Parole d’amour du Christ qui nous veut totalement libres.

« Ne rien préférer à l’amour du Christ » dit St Benoît. Et Jeanne d’Arc d’ajouter : « Dieu, premier servi ». Thérèse d’Avila : « Dieu seul ! »
Les saints connus ou inconnus sont ceux qui, un jour, ont offert leur vie corps et âme dans le feu purificateur de l’Esprit, afin de s’identifier au Christ. Et c’est à ceux-là que Jésus donne sa paix, car « le Christ est notre joie » mais une joie sans mélange.

Écoutons ses paroles ce matin : « Pensez vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division ».Heureuse division, division de grâce. Parce que Jésus vient nous libérer de cette violence que génère l’accumulation des biens et des personnes : il nous libère de tout égoïsme ; en ce sens, il divise et cela fait mal.

« Jésus doit être plongé dans un baptême de sang, dont l’accomplissement passe par l’angoisse la plus terrible : « Père, délivres moi de cette heure »‘. Il se dégagera de cette mort un feu purificateur incomparable à toutes les autres flammes du monde. Ce feu doit aussi passer dans nos vies. C’est l’élément de séparation indispensable pour connaître la paix de Pâques..

Le frère Aloïs de Taizé écrivait un jour : « les ronces, qui entravent notre marche, alimentent un feu qui éclaire le chemin ». Magnifique commentaire de l’Évangile de ce jour. Ce feu jaillit de nos contradictions et tensions internes : c’est ainsi que le lieu de la plus profonde misère morale ou physique peut devenir celui du plus grand amour.

Les ronces, les épines, le bois mort, que sont ils ? sinon les traces du mal, de ce péché qui me colle à la peau, cette part de moi-même si encombrante, si tenace et humiliante. Cette part que je déteste et dont je n’arrive pas ou ne veux pas me séparer. « Je suis venu apporter la division ». Car il faut un jour ou l’autre se séparer définitivement de cet autre en moi qui m’encombre. « Tout ce que le Père n’aura pas planté sera arraché et mis au feu » : Parole d’amour du Christ qui nous veut totalement libre.

Nos cœurs sont le lieu d’un affreux mélange de linge sale et de belles nappes bien blanches. Il faut séparer, diviser, mourir à tout ce qui ne vient pas de Dieu ou qui n’est pas à son service. Mourir à ce personnage que nous jouons pour briller devant les autres : « Qui veut briller n’éclaire pas ! » dit un proverbe.

Jésus a choisi comme disciples des hommes sans pouvoirs mondains ni culture, des hommes ordinaires et simples. Mais des hommes au cœur pur qui ont accepté de mourir à eux-mêmes pour suivre leur maître et Seigneur. « Mourir -dit Baudelaire – pour atteindre enfin à du nouveau »

On comprend l’impatience de Jésus à propos du feu : « Comme je voudrais qu’il soit déjà allumé » Comme je voudrais vous voir enfin libres de ces attaches, ces amours superficiels auxquels vous sacrifiez le meilleur de vous.

Je pense à cette chanson d’Édith Piaf, qu’elle a chanté à l’Olympia peu de temps avant sa mort : « Avec mes souvenirs, j’ai allumé le feu, mes chagrins, mes passions, je n’ai plus besoin d’eux ». Paroles extraordinaires qui ont touché et touchent encore des millions de personnes parce qu’elles rejoignent en elles ce même désir de liberté. Dans les chagrins et les plaisirs, il y a tout un mélange dont il faut purifier nos mémoires. Et pourtant, nous y revenons toujours…à ces attaches; nous y revenons entre le chien et loup de l’âme ou rodent les ombres de la tentation. Nous connaissons bien ce combat. Et Piaf d’ajouter : « Balayes les amours avec des trémolos, balayes pour toujours » Trémolos veut dire : battements d’émotion – qui peuvent devenir des idoles – (un frère de Tibhirine avait demandé que l’on chante cette chanson à ses obsèques).

« Je suis venu apporter un feu sur la terre et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé! »

C’est tout cela, toutes nos idoles, dont Jésus, dans son grand amour, veut que nous libérions. Quand Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus dit « Tout est grâce », cela veut dire que tout peut servir à alimenter ce feu. Toute souffrance, tout échec, toute solitude, tous péchés… Il me semble que chacun de nous vit et meurt avec un secret qu’il n’aura jamais pu exprimer par des mots. Ne serait ce pas cette souffrance d’être, d’exister; qui nous fait voir ou comprendre qu’en nous, au plus profond, il y a quelque chose d’inachevé que seul Dieu peut accueillir. comprendre, pacifier.

« Un trésor est caché dans ton champ » dit Jésus. Cette parole s’adresse à chacun de nous personnellement : en moi, un trésor est caché pour toi, pour toi seul. Alors oui, nous pouvons dire « balayes les amours, les souvenirs, les chagrins, tous ces amours à bon marché mis au feu une fois pour toutes afin que l’Amour seul, avec un grand A, nous unisse à Jésus, à sa croix, sa mort et sa résurrection.
Amen

Fr. Michel
Moine du Bec