Dimanche 8 octobre :
En lisant ce dixième degré d’humilité, on pourrait croire que saint Benoît recommande aux moines de ne jamais rire et de garder en permanence un air grave, sérieux, raide ! Si, dans les instruments des bonnes œuvres, il demande d’éviter le rire excessif et ‘’éclatant’’, il demande ici la même chose en citant le livre du Siracide qui dit que ce rire reflète un manque d’intelligence. Le rire visé ici par saint Benoît est ce rire superficiel, explosif et déclenché sans motif raisonnable. Il peut aussi tomber dans la dérision, la raillerie ou le sarcasme, et dans ce cas, il devient blessant.
Ce qui est compatible avec notre vie de moine et de chrétien, c’est la joie, la vraie joie, celle qui vient du don de soi à Celui qui vient nous sauver, le Christ Jésus. Nous connaissons le psaume 125 : « Quand le Seigneur ramena les captifs de Sion, nous étions comme en rêve, notre bouche étaient pleines de rires et nos lèvres de chansons ». Ce rire, cette joie, c’est celle que nous donne le salut ; c’est la joie qui vient de l’action salvatrice de Dieu et qui s’exprime dans la louange : joie de la sortie d’Egypte, joie du retour d’exil… Et finalement joie de Pâques dont nous faisons mémoire chaque jour. L’humilité est tout à fait compatible avec cette joie, car le cœur humble reconnaît qu’il est sauvé par le Seigneur, rétabli dans son amour.
Comme saint Benoît nous dit, à propos du Carême, d’attendre la Sainte Pâque avec la joie du désir spirituel, cette joie vient de notre vie vécue dans la Présence de Dieu, dans la foi en Jésus ressuscité ; elle vient de la victoire de la Vie sur la mort, Vie éternelle vers laquelle nous tendons tous.Lundi 9 octobre :
Après le rire, il est question ici de la parole, et les 9e, 10e et 11 degrés d’humilité développent la même idée, à savoir la retenue dans la parole comme dans le rire. En effet, si le rire excessif, bruyant ou même ironique peut traduire un manque d’intériorité et d’attention à Dieu, la parole excessive nuit aussi au recueillement. Elle empêche l’attention à Dieu, l’écoute de Sa Parole, c’est-à-dire l’écoute du Seigneur Jésus qui est le Verbe fait chair et qui se révèle à nous dans les Écritures et dans tout ce qui les entoure. Et pour le rencontrer, le silence est nécessaire. C’est pourquoi saint Benoît recommande d’éviter toute les paroles oiseuses, bruyantes, excessives où l’on cherche surtout à se mettre en valeur.
Bien entendu, nous avons quand même besoin d’échanger, de dialoguer, mais que ce soit toujours dans un esprit d’écoute, d’attention, de respect à celui qui parle. Que nos paroles soient au service de la Parole vivante, au service de la charité mutuelle et non l’occasion de faire du tort à notre prochain. Et nous pouvons redire avec le psalmiste : « Seigneur, mets une garde à ma bouche et veille sur la porte de mes lèvres ».
Mardi 10 octobre :
Avec ce douzième degré, nous arrivons en haut de l’échelle de l’humilité. Tous ces différents degrés qui, une fois encore, ne sont pas à prendre en ordre chronologique mais se pratiquent simultanément, nous façonnent peu à peu. Il y a aussi, inévitablement, des retours en arrière et cette ascension est le travail de toute la vie, un travail de continuelle conversion qui est de renoncer à soi-même pour suivre le Christ, humble et doux. Et plus on s’approche de Lui, plus on est habité par son amour.
On n’est jamais tout à fait parvenu au sommet de cette échelle, mais on avance toujours, pas à pas, l’essentiel étant de ne jamais s’arrêter, ni de désespérer en restant dans l’humilité. Et l’humilité n’est pas une ascèse volontariste, si non ce deviendrait alors de l’orgueil. Au contraire, la vraie humilité est un abandon entre les bras de Celui qui nous a aimé le premier.
Retenons aussi les deux expressions de saint Benoît à la fin du chapitre : « Le moine parviendra bientôt à cette charité divine qui, parfaite, pousse dehors la crainte – et – non plus par frayeur de la géhenne, mais par amour du Christ ».
VIII. DES OFFICES DIVINS LA NUIT.
Mercredi 11 octobre :
Dans ce bref chapitre qui ouvre la série sur l’office divin, il est d’abord question de l’office de nuit, les vigiles. Et l’hiver, comme il reste du temps libre après cet office, saint Benoît recommande l’étude du psautier ou des leçons pour les frères qui en auraient besoin. On peut entendre par là toute lecture qui peut nourrir l’esprit et le cœur, donc la prière. C’est ce qui est appelée la lectio Divina ; elle peut se faire aussi à un autre moment de la journée.
Saint Benoît montre bien ainsi le lien qui existe entre l’office et la lectio ; ces deux activités monastiques étant complémentaires. L’office ne doit pas être la récitation machinale d’une succession de psaumes et de lectures. Le travail de lectio, par la compréhension de la parole de Dieu, permet de mieux les prier.
Nous pouvons aussi retenir cette mention sur l’heure du chant des Matines, pour nous les Laudes : « qu’il faut dire au point du jour ». Cette mention est chargée de sens, car même si nous ne pratiquons pas les offices de nuit, nous voyons bien la symbolique du point du jour qui est le matin de Pâques. Et c’est donc toujours la mémoire de la Résurrection du Seigneur que nous célébrons.
- COMBIEN DE PSAUMES FAUT-IL DIRE LA NUIT ?
Jeudi 12 octobre :
L’office des vigiles, ou office de nuit, ouvre la louange de la journée, et saint Benoît commence à décrire en détail les offices de nuit comme de jour. Dans ce chapitre, il commence avec l’office de nuit en hiver. Les nuits étant longues, l’office est aussi plus long, avec deux parties comprenant chacune une série de psaumes suivie de lectures. Il y a toujours une alternance entre le chant des psaumes qui est la louange offerte à Dieu et l’écoute de la Parole de Dieu dans les Écritures et leurs commentaires approuvés par L’Église.
Par son invitation à louer et à veiller que donne le psaume 94, si largement cité dans le Prologue, il nous prépare à faire mémoire de la Résurrection du Seigneur annoncée de façon voilée dans le psaume 3. Ce qui est important n’est pas tant le nombre de psaumes et de lectures que cette alternance entre le chant des psaumes, c’est-à-dire la louange (c’est le sens premier du mot psaume) et l’écoute avec la méditation de la Parole. Il faut noter aussi le souffle qui traverse tout cet office, depuis l’invitation (l’invitatoire) à chanter la louange de Dieu jusqu’à l’Alléluia final.
Les psaumes, lectures et répons tendent vers la lecture de l’Apôtre. Et si le nombre des psaumes et des lectures a été adapté en fonction des époques, leur organisation est commandée pour la même finalité : sanctifier le temps et vivre du mystère pascal.
- COMMENT SE CÉLÈBRE EN ÉTÉ LA LOUANGE NOCTURNE.
Vendredi 13 octobre :
Saint Benoît distingue dans l’année un cycle d’hiver et un cycle d’été ; et c’est Pâques, sommet de l’année liturgique, qui ouvre le régime d’été. On voit là le rappel de la Résurrection du Seigneur, puisque le mystère pascal est central. Nous célébrons toujours la victoire de la Vie sur la mort, non seulement au cours de l’office, par la louange des psaumes, mais aussi bien par le concret de toute notre vie quotidienne.
Quant aux psaumes, leur nombre ne peut être diminué ; ils sont la louange adressée à Dieu et ils contiennent tous les mystères du salut. Si la louange ne doit pas être diminuée, on peut diminuer les lectures, mais pas la louange due à Dieu.
- COMMENT SE CÉLÈBRENT LES VIGILES DU DIMANCHE.
Samedi 14 octobre :
Saint Benoît apporte un soin minutieux à la composition des Vigiles du dimanche et c’est un office plus long que les Vigiles de semaine. Il est très marqué par la louange avec davantage de lectures et leurs répons. Il est aussi traversé par un mouvement ascendant qui tend vers le retour du Christ ; c’est son caractère pascal. Chaque dimanche c’est la nuit pascale qui est ainsi rappelée ; c’est la Résurrection du Seigneur qui est célébrée et il est rendu présent par la proclamation de l’évangile.
Ainsi tous nos dimanches doivent être traversés par ce mystère de Pâques qui non seulement est célébré dans l’office, mais qui doit être aussi vécu intérieurement comme extérieurement.
Frère Claude
Prieur du Bec