Évangile : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime »
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.
Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître.
Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. »
Homélie :
Le chant d’entrée traditionnel de la messe de Saint-Bernard Tolomeï reprends un extrait du Psaume 54 « Elongavi fugiens » : « Loin, très loin, je m’enfuirais pour chercher asile au désert. J’ai hâte d’avoir un abri contre cet ouragan. » Nos livres d’aujourd’hui – et c’est ce que nous venons de chanter – propose un verset adapté du Psaume 51 » et moi, comme un olivier verdoyant, j’ai fructifié dans la maison de Dieu. » Ces deux propositions se justifient, la première se référant au commencement de Mont-Olivet, la seconde à son épanouissement.
D’après le psaume 54, le départ de Giovanni Toloméï, futur Saint Bernard, peut ressembler à une fuite. Il appartenait à une des plus nobles famille de Sienne. Il exerçait une brillante carrière de juriste. La cité de Sienne était célèbre par sa culture sa vie intellectuelle, artistique, économique et politique. Mais elle était aussi le théâtre d’intrigues et de rivalités. Giovanni a voulu quitter cette société, non par un refus égoïste de la vie sociale, mais pour répondre à un appel beaucoup plus profond.
Cet appel, Giovanni l’entendais depuis quelque temps. Il avait commencé à y répondre par les œuvres de charité et, avec quelques autres Siennois, il s’efforçait de servir Dieu au sein d’une confrérie, dévouée aux soins des pauvres et des malades. Mais Dieu lui demandait davantage, il l’appelait à un service exclusif, à un renoncement radical à la vie du monde. Comme Abraham, obéis à l’appel à tout quitter pour aller vivre au désert. En 1313, avec ces trois compagnons, il s’enfonce dans la solitude d’Accona. « Va, pars de ton pays, laisse ta famille et la maison de ton père, va dans le pays que je te montrerai » dit Dieu à Abraham. Pour Giovanni, Francesco, Patrizio et Ambrogio, c’est un renoncement total, c’est quitter une vie aisée pour le dépouillement et la précarité. Et, plusieurs années, leur vie se partagera entre la prière et un dur labeur manuel. Très vite, ils adopterons la règle de Saint-Benoît et seront confirmés dans leur choix de vie par l’Église, en la personne de Guido, l’évêque d’Arrazzo.
Comme Abraham, parvenu à Sichem, consacre ce lieu en élevant un autel et en invoquant le nom du Seigneur, Giovanni, devenu Bernard, et ses compagnons, édifient à Accona la première église dont la première pierre est bénie le jour des Rameaux 1319. C’est le début d’une louange incessante qui, en ce lieu, monte vers Dieu et célèbre le mystère pascal.
Ainsi, partir comme Abraham, c’est tout quitter pour suivre le Christ, c’est s’engager à sa suite sur son chemin Pascal, pour participer à sa mort et à sa résurrection. C’est bien son appel qu’ils ont entendu et qui les a mis en marche. C’est lui qui les a choisis et qui a voulu faire d’eux ses amis. C’est ce qu’ils ont compris en acceptant de faire sa volonté, d’obéir à ses commandements : » Mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »
En entendant cette dernière parole de Jésus, on pense toujours au dernier moment de la vie de Saint-Bernard Tolomeï. En 1348, il est à Sienne, sa ville natale, poussé par la charité, auprès des frères du monastère qu’il y a fondé des 1322. Et c’est au service des malades qu’il meurt lui-même le 20 août 1348.
Mais, bien sûr, sa charité ne se résume pas seulement en cette fin. C’est tout au long de sa vie qu’il a mise en œuvre ce commandement de l’amour. Il a suivi en cela l’exemple de Jésus lui-même qui a révélé en sa personne l’amour de son Père pour tous les hommes, par sa vie, son ministère, sa prédication est enfin l’offrande de sa vie dans le sacrifice du soir.
Rappelons-nous l’exemple de l’apôtre Paul qui, au soir de sa vie, alors qu’il est prisonnier pour avoir proclamé la Parole de Dieu, épanche son cœur aux Philippiens : « Si je dois verser mon sang pour l’ajouter au sacrifice que vous offrez à Dieu pour votre foi, je m’en réjouis et je partage ma joie avec vous tous. Et vous, de même, réjouissez-vous et partagez votre joie avec moi. »
Bernard, devenu abbé, a donc mis en œuvre le commandement du Seigneur par la parole et par l’exemple. Jusqu’au bout, il invite ses frères à la charité dans ses exhortations et ses nombreuses lettres adressées aux différents prieurés. Ce qu’il enseigne, il le vit chaque jour, donnant l’exemple de l’humilité, de la patience, de la bienveillance, étant frère parmi les frères. En lui, la Règle de Saint-Benoît se réalise parfaitement. Il se confie à l’Esprit Saint pour gouverner, indiquant le bon chemin et corrigeant quand il le faut.
En se laissant lui-même conduire par Dieu qui l’a appelé, par le Christ qu’il a suivi, par l’Esprit Saint qui l’inspire et le guide, il est devenu comme la vigne émondée et comme l’olivier verdoyant qui donne beaucoup de fruit. Son exemple a attiré à lui de nombreux disciples, disciples non pour lui, mais pour le Christ qu’ils ont pu reconnaître à l’œuvre dans sa vie et qui leur a parlé au cœur. L’amour dont Bernard était rempli a été fécond car il l’avait reçu du Christ. Depuis l’appel a quitté Sienne pour le désert d’Aconna jusqu’à son retour à Sienne pour le sacrifice du soir, la vie de Bernard a été animée par l’Esprit Saint qui a réalisé en lui l’œuvre de Dieu.
C’est le témoignage qu’il nous laisse aujourd’hui. Nous avons entendu l’appel à tout quitter pour suivre le Christ, un jour de notre vie, mais qu’il nous faut réentendre chaque jour. C’est Lui qui nous choisit pour que nous portions du fruit. Nous le pourrons si, à sa suite, nous renonçons à nous-mêmes pour nous laisser conduire par Lui, si nous mettons en œuvre jour après jour le commandement de l’amour, en unissant la louange du Seigneur et le service fraternel. S’il nous semble parfois que nos vies sont un désert aride, croyons en Sa Parole et offrons-nous à Lui : La vie pourra alors fleurir et fructifier.
Frère Claude
Prieur du Bec