CHAPITRE 34 : SI TOUS DOIVENT RECEVOIR UNIFORMÉMENT LE NÉCESSAIRE.
Dimanche 12 mars :
Après avoir traité de la gestion des biens du monastère, saint Benoît continue sa réflexion en abordant le sujet de la pauvreté. Ce chapitre découle du précédent et, si la propriété – ou plutôt l’appropriation – est prescrite par lui, il est nécessaire de répondre quand même aux besoins de chacun des frères, et ces besoins ne sont pas forcément les mêmes pour l’un ou pour l’autre. On voit encore une fois comment saint Benoît est attentif aux personnes et tient compte de la faiblesse humaine, car chacun de nous a ses limites.
L’Évangile d’aujourd’hui (celui de la Samaritaine, Jn. 4, 4-42) nous montre que Jésus lui-même a partagé notre humanité avec la fatigue, la faim, la soif. Mais il nous invite à faire de nos faiblesses une ouverture aux biens spirituels dont il veut nous combler, car la satisfaction de biens matériels n’est pas une fin en soi. Au contraire, le manque peut permettre l’ouverture du cœur à la grâce et à la vie véritable que Jésus veut nous apporter.
Ainsi, à l’occasion de ces différences entre les personnes, saint Benoît nous exhorte à ne pas nous comparer avec les autres et, encore moins à nous jalouser, car ce serait la porte ouverte au murmure. Au contraire, accueillons nos propres faiblesses et celles des autres avec humilité et charité : humilité pour les plus faibles qui ont besoin de plus à cause de leur état de fragilité ; humilité pour les plus forts qui n’ont pas à s’enorgueillir en méprisant les faibles. Ainsi toute la communauté vivra dans la paix.CHAPITRE 35 : DES SEMAINIERS DE LA CUISINE.
Lundi 13 mars :
Dans la première partie de ce chapitre, on peut retenir deux points :
D’abord, l’importance du service mutuel et la charité ; saint Benoît le souligne plusieurs fois. On sait que le travail de la cuisine est essentiel et touche un besoin vital de l’homme ; nous ne pouvons pas échapper à cette loi de la nature.
Même si nous n’assurons plus nous-mêmes aujourd’hui le service de la cuisine, il reste que nous sommes encore tous concernés, à des degrés divers, par tout ce qui touche aux repas. Le petit déjeuner est préparé par quelques frères, les remplacements à la cuisine sont assurés par un autre ; il y a donc là, pour l’ensemble des autres frères, qui bénéficient de leur travail, un devoir de reconnaissance et de respect : nous bénissons Dieu pour la nourriture en nous servant mutuellement. Et ce service de la cuisine s’étend d’ailleurs à d’autres tâches de la vie quotidienne pour laquelle nous devons garder une attention les uns pour les autres.
L’autre point important à relever dans ce chapitre, c’est le geste du lavement des pieds. Même si nous ne le pratiquons pas en dehors du Jeudi Saint, car les conditions de vie ont évolué, il est fait ici explicitement référence à la Cène qui est l’origine de notre eucharistie, et où Jésus a indiqué à ses disciples, et à nous, qu’il était venu pour servir et non pour être servi avec cette recommandation : « Vous aussi, faites de même à votre tour ». Le repas prend donc un caractère presque sacramentel ; c’est un temps de partage, de charité et de communion.
Mardi 14 mars :
Dans les chapitres sur l’office divin, saint Benoît insiste sur l’importance des Matines du dimanche, ou des Laudes pour nous aujourd’hui, puisque la semaine commence le dimanche, Jour du Seigneur. Ici, le lien des services avec la liturgie est clairement affirmé, puisque les services hebdomadaires commencent et s’achèvent le dimanche. Ils sont précédés et conclus par la prière de la communauté et la bénédiction de l’abbé. Et cela se fait précisément à la fin des Matines du dimanche, affirmation de la Résurrection du Seigneur.
Ces services ne sont pas un travail profane que l’on commencerait sans motivation le lundi matin car, toutes proportions gardées, ils sont comme un ministère reconnu et confié à des frères par la communauté. Il y a donc une profonde unité entre la liturgie et la vie chrétienne.
Les services ne sont pas non plus de simples corvées répétitives et monotones dont on devrait s’acquitter par contrainte et donc sans joie. Mais comme ce sont justement des services que l’on exerce pour les frères, et pour le Christ, c’est dans la joie qui vient de l’Esprit-Saint qu’on s’en acquitte, car tous nos services contribuent à l’édification de la maison de Dieu grâce aux liens de la charité qu’ils tissent entre nous. Et quand nous ne sommes pas de service, nous devons toujours veiller à faciliter la tâche de ceux qui servent par notre respect et par notre reconnaissance qui va aussi à Dieu pour tous ses bienfaits.
CHAPITRE 36 : DES FRÈRES MALADES.
Mercredi 15 mars :
Ce chapitre sur les frères malades nous concerne tous, que nous soyons nous-mêmes malades ou bien portants. Quand la maladie survient, nous nous sentons démunis. On ne choisit pas d’être malade, mais c’est un fait qui bouleverse la vie de celui qui est touché. Il y a des maladies passagères et d’autres qui durent.
Avec les malades, nous sommes en présence du Christ, et cela de deux manières :
D’abord, il est présent dans le malade lui-même, selon la parole de saint Matthieu : « J’étais malade et vous m’avez visité (Mt. 25, 36) », citée par saint Benoît au début de son chapitre avec cette autre parole du même chapitre : « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait (Mt. 25, 40) ».
Ensuite, nous le trouvons dans sa compassion pour les malades ; Jésus est donc présent en ceux qui soignent comme en ceux qui servent les malades. Il l’a montré pendant tout le cours de son ministère comme le rapportent les Évangélistes. Jésus est venu pour nous guérir : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades », nous dit Jésus et les évangiles rapportent souvent le soin et la compassion de Jésus pour les malades, les infirmes, tant dans leur corps, que dans leur cœur. Il apporte souvent la guérison physique, mais surtout la guérison spirituelle. Il fait ainsi naître et grandir la foi.
Évidemment, il faut aussi faire appel aux médecins pour lutter contre toute la diversité des maladies, mais la compassion et la patience sont à la portée de chacun.
CHAPITRE 37 : DES VIEILLARDS ET DES ENFANTS.
Jeudi 16 mars :
Ce chapitre sur les vieillards et les enfants, qui fait suite à celui qui traite des frères malades, reflète, d’une certaine manière, la société dans laquelle le lien entre les générations devrait se vivre. Pendant longtemps, plusieurs générations d’une même famille vivaient sous un même toit. Il en va un peu de même dans les monastères, même si ce n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui : à la place des enfants, on peut voir de jeunes frères en formation qui ont souvent l’âge des étudiants en faculté.
Une fois de plus, on voit combien saint Benoît est attentif au bien de chacun, en adaptant la Règle à leur possibilité, comme en particulier pour les frères âgés, et surtout pour ceux qui perdent leur autonomie. Mais si celle-ci doit donc être suivie avec souplesse, il ne faudrait pas faire de cette souplesse un prétexte pour éviter certaines exigences qui nous effraient. C’est le Christ qui nous rassemble, depuis les plus jeunes jusqu’aux plus anciens et, à l’image de sa miséricorde, saint Benoît recommande donc l’indulgence pour ces âges extrêmes, les plus jeunes comme les plus âgés.
CHAPITRE 38 : DU LECTEUR DE SEMAINE.
Vendredi 17 mars :
Le chapitre sur la lecture au cours des repas nous rappelle cette parole du Deutéronome, reprise par Jésus dans l’épisode de la Tentation au désert : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». La lecture contribue à donner au repas un caractère presque liturgique, un climat de recueillement qu’on percevrait moins si l’on parlait. Les conversations permettent bien sûr des échanges, mais l’écoute commune d’une même lecture favorise aussi la communion entre nous, car il y a partage, non seulement de la nourriture corporelle, mais aussi d’une nourriture de l’esprit.
La semaine de lecture, comme celle du service de table commence avec la bénédiction du dimanche par le même verset que celui qui ouvre le premier office de la journée : « Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche publiera ta louange », ce qui donne un lien avec l’Opus Dei, l’Œuvre de Dieu.
La lecture au réfectoire n’est pas un absolu ; elle peut être, à l’occasion, remplacée par du silence ou de la musique, mais elle permet, dans une certaine part, d’édifier la communauté, même si nous n’avons pas immédiatement d’échanges sur ce que nous y entendons. Comme pour tous les repas communautaires, elle doit favoriser notre communion fraternelle en nous sortant d’un risque d’individualisme. Saint Benoît donne plusieurs indications concernant le lecteur comme l’ensemble des auditeurs. Le lecteur est un porte-voix pour l’édification de ceux qui écoutent et la lecture doit profiter à tous.
CHAPITRE 39 : DE LA MESURE DE NOURRITURE.
Samedi 18 mars :
En ce qui concerne la nourriture, saint Benoît nous rappelle deux principes que l’on retrouve aussi en d’autres domaines : la mesure et la sobriété. Ces deux notions sont proches l’une de l’autre, et pourtant saint Benoît ne veut pas dire qu’on doive se restreindre ; il recommande surtout d’éviter l’excès. Il y a un juste équilibre à trouver et c’est ce que propose ici saint Benoît : il doit y avoir le nécessaire, mais ni trop ou ni trop peu, car l’excès est souvent de dépasser justement la mesure dans le trop ou même parfois dans un excès de privations inconsidérées !
Nous devons aussi toujours veiller à accueillir ce qui nous est présenté avec action de grâce pour remercier le Seigneur de ses dons, tout en ayant aussi le souci de ceux qui manquent du nécessaire.
Le rappel par saint Benoît qu’il pouvait y avoir à son époque un ou deux repas dans la journée, peut nous aider à mettre en œuvre une meilleure discipline pour les nôtres :
- Être présent à table, le réfectoire étant un des lieux de vie de la communauté.
- Respecter les heures de repas, puisqu’en principe on n’a pas à manger à toute heure de la journée, au point de ne pas prendre à table ce qui est présenté. Il est toujours bon de garder en vue la mesure et la sobriété, avec aussi l’attention aux autres ; le repas est une école de charité car il y a un domaine où l’on peut dépasser la mesure, c’est celui de l’amour. On se rappelle cette pensée attribuée à saint Augustin : « La mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure».
Frère Claude
Prieur du Bec
