CHAPITRE 28 : DE CEUX QUI NE VOUDRAIENT PAS S’AMENDER, BIEN QUE SOUVENT CORRIGÉS.
Dimanche 5 mars :
Ce chapitre sur les frères coupables peut nous sembler difficile à entendre aujourd’hui, car nous sommes dans la situation inverse de celle traitée au chapitre précédent et qui avait un heureux dénuement.
Ici, tous les moyens ont été employés pour ramener le frère coupable dans le droit chemin, depuis les exhortations, en passant par les châtiments corporels, jusqu’à l’exclusion totale. Même la prière n’a pu obtenir de résultat. L’abbé doit alors prendre la décision de renvoyer le frère et de le remettre au jugement de Dieu puisque l’exclusion est prévue comme un bien pour l’ensemble de la communauté, car c’est toujours le salut des âmes qui est recherché. La liberté du frère lui est rendue puisqu’il ne peut vivre sous le régime de la Règle.
La raison de ce renvoi peut être un scandale causé par ce frère ou un acte de rébellion. Mais on peut aussi y voir aujourd’hui une inaptitude à la vie monastique qui n’aurait pas pu être discernée plus tôt.
Un détail qui peut choquer nos contemporains, et même scandaliser davantage que l’attitude du frère, est le recours aux châtiments corporels ! Mais cette pratique ne peut-elle pas nous interroger aujourd’hui en reportant sur l’ascèse en général les châtiments corporels d’une autre époque ? Car, comment nous situons-nous face à l’ascèse corporelle, comme le jeûne, ou le fait de supporter des contradictions ou toute autre condition difficile ? Refus ? Récriminations ou même murmure ? Ou bien accepter par amour du Christ toutes ces contraintes ? En ce temps de Carême, où nous sommes appelés à nous convertir, à écouter la voix du Christ, notre bon Pasteur qui nous presse de revenir dans son bercail, l’ascèse n’est-t-elle pas un moyen de purifier l’esprit et le cœur comme nous pouvons l’entendre dans certaines oraisons : « Nos esprits affinés par la maitrise de nos sens » ?
En ce temps de Carême il nous faut aussi faire preuve de miséricorde les uns envers les autres car nous avons tous nos propres faiblesses.CHAPITRE 29 : SI LES FRÈRES SORTIS DU MONASTÈRE DOIVENT Y ÊTRE REÇUS A NOUVEAU.
Lundi 6 mars :
Ce bref chapitre sur l’accueil d’un frère qui est sorti du monastère par sa propre faute nous rappelle que nous sommes tous et toujours sur un chemin de conversion. Nous ne sommes jamais complètement arrivés au bout de ce chemin, mais nous y avançons avec parfois des arrêts, ou des échecs et même aussi des retours en arrière, mais sans toutefois perdre de vue le terme, puisque nous nous sommes engagés à la suite du Christ.
Il peut arriver aussi que tel ou tel soit obligé de suspendre sa marche et de sortir du monastère. La possibilité d’y revenir jusqu’à trois fois montre la patience et la miséricorde de saint Benoît qui sont à l’image de celles du Christ. Et c’est faire preuve d’humilité que de recommencer la vie monastique au point de départ ; encore faut-il ensuite persévérer !
Mais il faut aussi se rendre à l’évidence que parfois le frère n’est pas apte à la vie monastique et qu’il doit alors chercher une autre voie pour continuer la route à la suite de Jésus marchant vers sa Pâque. Oui, demandons à l’Esprit-Saint sa lumière en ce temps de Carême pour reconnaître les différentes tentations qui peuvent nous barrer la route en implorant son secours pour ne pas nous laisser vaincre et en puisant dans la Parole de Dieu le courage d’avancer.
CHAPITRE 30 : DES JEUNES ENFANTS ; COMMENT ON LES CORRIGE.
Mardi 7 mars :
Ce chapitre peut nous sembler dépassé aujourd’hui, car on n’accueille plus d’enfants dans les monastères en vue de leur formation ; mais ce qui permet de comprendre ce chapitre, ce sont ses premiers mots : « Chaque âge et chaque degré d’intelligence doit susciter des mesures qui lui soient adaptées ». Ce qui faut donc retenir ici, c’est ‘’l’âge’’ et le degré de jugement de chacun. Autrement dit, saint Benoît est attentif à chacun.
Il y a bien sûr dans le monastère un cadre commun des lieux, des temps et des principes à respecter, mais ce qui importe, c’est la relation de chacun à Dieu et à la communauté. Saint Benoît respecte les personnes car une même personne réagira différemment suivant les périodes de sa vie, de son âge, de sa personnalité, de son éducation… Tel ou telle n’aura pas la même compréhension de certains actes ou attitudes en raison de ces différents facteurs. Aussi, dans sa relation aux frères, l’abbé doit discerner les traits et aptitudes de chacun afin de l’aider dans sa croissance spirituelle.
On est loin de l’idée que l’on peut se faire d’un monastère qui, vu de loin et de l’extérieur, aurait un règlement uniformisant et réducteur ; au contraire, c’est toujours le bien des âmes et l’épanouissement en Dieu de chacun qui est recherché.
CHAPITRE 31 : DU CELLÉRIER DU MONASTÈRE, QUEL IL DOIT ÊTRE.
Mercredi 8 mars :
Avec ce chapitre concernant le cellérier, saint Benoît aborde l’organisation du monastère avec sa vie concrète, dans ses charges et ses travaux. Le cellérier y occupe une place importante qui exige de lui de nombreuses qualités. Ce n’est pas de lui-même qu’il exerce cette charge, mais elle lui a été confiée par l’abbé, sans l’ordre duquel il ne peut rien faire ; c’est un service qu’il exerce pour la communauté dont il doit être comme un père pour tous ses frères. Il doit toujours trouver le juste équilibre dans la gestion des affaires du monastère dont il lui est demandé de veiller, sur les biens comme sur les personnes, mais sans les contrister, même s’il ne peut satisfaire à toutes les demandes.
Ces personnes, ce sont d’abord les frères, mais aussi les autres membres de la communauté, ainsi que tous ceux qui sont en relation avec elle, comme les hôtes et les pauvres, les fournisseurs… Mais avec toujours une attention particulière pour les plus faibles comme pour les malades.
S’agissant des biens du monastère, il doit veiller à bien les administrer en les respectant et en les faisant respecter, en évitant le gaspillage comme l’avarice. Il doit tout faire avec mesure et sous le regard de Dieu.
Jeudi 9 mars, fête de sainte Françoise Romaine :
La suite du chapitre sur le cellérier le montre dans son service de la communauté. Il accomplira ce service avec humilité, bonté et obéissance pour répondre aux besoins des frères, lui demande saint Benoît. Mais les frères doivent, eux aussi, rester humbles dans leurs demandes, et ne pas avoir d’exigences déraisonnables.
Et on est frappé par toutes les qualités qui sont demandées au cellérier, car il s’agit de bien davantage qu’une simple gestion matérielle ou purement technique. On le disait déjà hier : « il doit être comme un père pour la communauté ». Il est dit aussi qu’il doit être conduit par « la crainte de Dieu » puisqu’il est chargé d’administrer la maison de Dieu.
On peut trouver un modèle de cet idéal en sainte Françoise que nous fêtons aujourd’hui, sachant évidemment que la personnalité et le rôle de celle-ci ne se limitent pas à cette fonction. De plus, ce rapprochement peut se justifier car elle a vécu selon la Règle de saint Benoît, et cela bien avant qu’elle ne devienne supérieure de sa communauté de Tor de’Specchi, puisque dès sa fréquentation de l’abbaye de Sainte Marie la Neuve sur le Forum romain.
On peut trouver en elle plusieurs traits qui sont ceux du cellérier vu par saint Benoît : humilité dans la façon de conduire sa maison et d’abord sa famille, puis sa communauté d’oblates moniales, sa crainte de Dieu, sa grande sollicitude et son attention à tous ceux et celles qui lui sont confiés. Enfin et surtout, elle s’est particulièrement occupé à soulager et à soigner les pauvres, les malades, les petits, le tout vécu et unifié dans la prière et la liturgie de l’Église. Elle était comme une mère pour tous.
CHAPITRE 32 : DU MATÉRIEL DU MONASTÈRE.
Vendredi 10 mars :
Ce chapitre sur les biens ou le matériel du monastère – ailleurs, il est question de ses ressources – est bien situé entre celui sur le cellérier et celui sur la non propriété ; il est dit clairement au début : « Ce que possède le monastère… ». Il met en lumière deux dimensions de notre vie, deux valeurs qui sont fondamentales dans notre vie monastique :
La première, c’est la pauvreté que l’on retrouvera au chapitre suivant. Le monastère possède un certain nombre de choses, d’objets divers. Ces biens sont confiés à l’abbé qui, rappelle saint Benoît au chapitre 2, doit d’abord chercher le Royaume de Dieu et Lui faire confiance pour les choses temporelles. Car tout appartient à Dieu et nous n’en sommes pas propriétaires individuellement : ces objets sont mis à notre disposition en fonction de nos besoins ; nous les utilisons quand c’est nécessaire en les respectant autant que possible. Il est dit du cellérier « qu’il regarde tous les objets du monastère comme s’ils étaient vases sacrés de l’autel ».
La seconde valeur, qui est associée à la première, c’est que personne, dans le monastère, ne possède individuellement quoi que ce soit. Tout est commun à chacun et on reçoit ce qui nous est nécessaire et que l’on doit respecter en le rendant intact après usage. Car il y a toujours le risque du manque de soin ou du gaspillage comme de toute autre négligence. Nous partageons l’usage des biens mis à notre disposition et nous devons toujours avoir à l’esprit que les autres aussi, ont des besoins propres. La conscience communautaire doit nous inciter à respecter le bien commun.
CHAPITRE 33 : SI LES MOINES DOIVENT AVOIR QUELQUE CHOSE EN PROPRE.
Samedi 11 mars :
Après avoir traité de la gestion des biens du monastère, saint Benoît continue sa réflexion en abordant le sujet de la pauvreté. Déjà, il rappelait au chapitre précédent que tout ce que possède le monastère est commun à tous. Il le redit dans ce chapitre avec, pour conséquence, que personne ne doit rien posséder en propre.
La désappropriation est traitée dans ce chapitre de façon très claire par saint Benoît. Elle était déjà évoquée dans le Prologue et dans le chapitre sur l’humilité, car elle concerne, non seulement les biens matériels, mais aussi la volonté propre. Notre vie ne fait qu’un où obéissance, humilité, renoncement se rejoignent et nous tournent vers le Christ qui, en s’incarnant, n’a pas gardé le rang qui l’égalait à Dieu.
Renoncer à posséder, c’est mettre sa foi uniquement dans le Christ. Bien sûr, nous avons des objets et nombre de choses à notre disposition, mais savons-nous nous contenter de l’indispensable, si non du nécessaire ? L’appropriation reviendrait à ne plus mettre notre confiance dans la providence divine et dans l’amour de notre Père. On peut dire que l’appropriation est une forme d’idolâtrie à cause de l’attachement aux choses de ce monde ; c’est mettre sa sécurité dans ce qui est passager.
La désappropriation va jusqu’au renoncement de sa volonté propre et de son propre corps nous dit saint Benoît, car toute désappropriation est une libération pour pouvoir suivre le Christ, libre parce que pauvre. Pour nous, elle s’exprime par les trois vœux de conversion des mœurs, de stabilité et d’obéissance ; pauvreté et chasteté étant compris dans le vœu de conversion qui est l’expression du renoncement total.
En ce temps où nous marchons vers Pâques, le Christ nous appelle à le suivre sur ce chemin du renoncement, de la désappropriation, pour mettre en lui seul notre confiance, car c’est le seul chemin pour partager sa vie en plénitude. Bien sûr, nous ne sommes pas encore au but, et nous pouvons avoir des retours en arrière, mais le Christ nous indique des moyens pour avancer plus librement, et la direction de notre marche.
Frère Claude
Prieur du Bec