33ème dimanche du T.O – Luc (18, 1-8)

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Catégorie : Homélies

Évangile : « Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? »

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager : « Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : “Rends-moi justice contre mon adversaire.” Longtemps il refusa ; puis il se dit : “Même si je ne crains pas Dieu et ne respecte personne, comme cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer.” »

Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice ! Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ? Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »Homélie :

Dimanche prochain, nous clôturerons l’année liturgique en célébrant le Christ Roi de l’univers. Puis, nous commencerons une nouvelle année en entrant dans le temps de l’Avent. Le cycle de l’année liturgique est « orienté ». Il a un commencement avec le temps de l’Avent qui prépare à la naissance de Jésus et il a une fin marquée par la solennité du Christ Roi de l’univers qui nous projette à la fin des temps. Notre vie chrétienne, notre foi et notre espérance sont orientées par cette attente de la venue de Jésus à la fin des temps. Le temps liturgique se déploie chaque année pour nous rappeler que notre monde et notre vie sont marqués par le temps qui passe. Nous avançons, jour après jour, année après année. Chacun a sa propre histoire : nous avons tous une origine et nous allons tous vers une fin. Chacun de nous est né et devra mourir. Ce temps qui passe n’est pas cyclique. Il a commencé avec la création du monde et il prendra fin avec la venue en gloire de Jésus. « Il viendra dans la Gloire pour juger les vivants et les morts ; et  J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir » dirons-nous tout à l’heure dans le Credo

Reprendre conscience de cela est très important et les passages de la Parole de Dieu nous y invitent aujourd’hui. Notre vie personnelle, comme l’histoire du monde, a un but. Elle est orientée vers Dieu, vers sa venue, vers l’accueil de sa Gloire. Dieu nous a révélé son projet d’amour sur le monde. Il le réalisera. Le Dieu « Emmanuel » vient et viendra pour que nous soyons avec lui et qu’il soit avec nous. À peine arrivé à Jérusalem, Jésus passe ses journées dans le Temple dont il a chassé les vendeurs. Les responsables religieux défilent pour lui tendre des pièges. On veut l’arrêter et le faire disparaître. Mais on ne trouve pas de motif.

Alors qu’il enseigne, ses disciples sont en admiration devant la beauté du Temple qui est en construction depuis une cinquantaine d’années. Ce Temple est la merveille de toute la ville. Encore aujourd’hui, ce qu’il en reste est impressionnant. Le roi Hérode le Grand avait la folie des grandeurs. Les disciples admirent l’édifice… Et voilà que Jésus dit : « Ce que vous contemplez, il n’en restera pas pierre sur pierre ! Tout sera détruit. » Les constructions humaines, mêmes les plus prestigieuses, fussent-elles destinées au Dieu Très-Haut, passeront. Tout disparaîtra. Le monde et l’histoire auront une fin. Les constructions des hommes ne sont pas éternelles. C’est alors, pendant que les disciples contemplent les belles pierres taillées du Temple en construction, que Jésus regarde une pauvre veuve mettre quelques piécettes dans le tronc du Temple. Cette scène précède l’évangile d’aujourd’hui. Jésus admire l’attitude de cette femme qui « a donné tout ce qu’elle avait pour vivre ».

Jésus contemple ce qui ne passe pas, l’extraordinaire foi d’une humble femme dont personne ne connaît le non, sinon probablement Jésus. Elle donne tout à Dieu. Cette attitude de foi et de confiance dans le Seigneur ne passera pas. Comme l’écrit Paul aux Corinthiens : « l’amour ne passera jamais ! » (1Co 13,8) ; ou comme le dit Jésus lui-même : « celui qui perd sa vie à cause de moi la sauvera. » L’histoire du monde a un sens ; elle a un but. Chaque geste véritable d’amour et de foi conduit notre vie et notre monde vers son accomplissement, vers sa fin. Chacun d’entre nous fait basculer notre monde vers le Royaume de Dieu quand il remet sa vie entre les mains de Dieu dans la confiance et dans l’espérance.

L’oracle du prophète Malachie, très ancien (5e siècle av. J.-C., après l’exil), annonce la venue du « Jour du Seigneur ». Dieu conduit l’histoire du monde et viendra la couronner lui-même. Les passages de la Bible, de l’Ancien et du Nouveau Testament, nous parlent de cette venue de Dieu dans un langage apocalyptique qui peut faire peur.  Les sectes utilisent abondamment ces textes pour acquérir des adeptes. Méfiez-vous, dit Jésus, prenez garde à tous ces gens, ne les suivez pas ! Il nous invite à ne surtout pas nous effrayer, même devant des soulèvements et des guerres, même devant des tremblements de terre et des faits terrifiants. Il est dans notre barque, comme il l’était dans celle des disciples alors que la tempête faisait rage sur le lac (Lc 8,22-25).

À la question des disciples, qui lui demandent « quand ce sera la fin du monde ? », Jésus ne répond pas. Ce n’est pas la bonne question ! Le plus important est de vivre dans l’espérance de la venue du Seigneur. Jésus nous le rappelle très clairement dans l’évangile : « C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie. » Il ne nous promet pas une vie sans épreuves. Il annonce même à ses disciples des persécutions nombreuses. Ce que Jésus demande à ses amis, c’est de tenir bon et de durer dans l’espérance, de garder confiance en lui, de s’appuyer sur lui seul. Ne dit-il pas un peu plus loin dans l’évangile : « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (Lc 21,33) ? Cette attitude de confiance renouvelée chaque jour qui passe est celle du vrai croyant, dont la pauvre veuve est le plus bel exemple.

Comme cette femme, ayons donc confiance dans le Seigneur Jésus. Quelle que soit notre situation, et peut-être les détresses ou les angoisses qui sont les nôtres, gardons confiance et restons dans cette attente du Seigneur vers lequel sont orientées nos vies. Comme la pauvre veuve du temple, offrons au Seigneur tout ce que nous sommes afin que chacune de nos vies trouve son accomplissement en lui et que, grâce à notre fragile espérance, le monde aussi, à travers ses nombreuses secousses, tende vers cette venue promise du Seigneur à la fin des temps, au terme de l’histoire.

 

Frère Dieudonné
Moine du Bec

Maquette du 2nd temple de Jerusalem