Évangile : « Je ne suis pas venu mettre la paix sur terre, mais bien plutôt la division »
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division.
Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »
Homélie :
« Ne rien préférer à l’amour du Christ », saint Benoit. « Dieu premier servi », Jeanne d’Arc. « Dieu seul » Thérèse d’Avila. « Mon Dieu, je vous aime » Thérèse de l’Enfant Jésus, morte à 24 ans ayant offert sa vie par amour du Christ et pour le salut de tous les pécheurs.
Les saints connus ou inconnus sont ceux qui, un jour, ont offert leurs vies, corps et âme, dans le feu purificateur de l’Esprit, par amour du Christ. C’est à ceux là que Jésus donne sa paix : « Car le Christ est notre paix ». Une paix sans mélange, totalement pure, la paix de Dieu.
Ecoutons ces paroles apparemment déconcertantes de Jésus : « Pensez vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division ».
Heureuse division. Division de grâce, parce que Jésus vient nous libérer de cette violence que représentent la volonté propre, la désobéissance, l’accumulation, la possession des biens et des personnes, le manque d’amour. Il nous libère de toute idole, en ce sens il divise, il sépare et cela fait mal.
Jésus doit être plongé dans un baptême de sang, dont l’accomplissement passe par l’angoisse la plus terrible : « Père, délivre-moi de cette heure ». Il se dégagera de cette mort un feu purificateur, incomparable avec tous les autres. Ce feu est d’un tout ordre, spirituel, mystique. Il doit aussi passer dans nos vies, il y passe d’ailleurs, il est l’élément de séparation indispensable pour connaitre la paix de Pâques, de notre Pâque à chacun.
Le frère Aloïs, de Taizé, écrivait un jour : « les ronces qui entravant notre marche alimentent un feu qui éclaire le chemin ». Magnifique commentaire de l’Evangile de ce jour. Ce feu, si nous l’acceptons, jaillit de nos contradictions, de nos tensions secrètes, acceptées, offertes.
Les ronces, les épines, le bois mort, ce sont des images bien sûr, elles nous parlent de ce péché qui nous colle à la peau. Cette part de nous-mêmes, intime, dont nous ne sommes pas fiers, cette réalité encombrante dont je n’arrive pas ou ne veux pas me séparer : « Je suis venu apporter la division ». Car il faut, un jour ou l’autre, abandonner ce moi secret qui pèse, que je cache, et le remettre à Dieu.
« Tout ce que le Père’ n’aura pas planté sera arraché et mis au feu ». Parole d’amour de Jésus qui nous veut libre de toute attache trop humaine. Oui, il nous faut accepter cette séparation douloureuse, accepter d’abandonner tout ce qui ne vient pas de Dieu ou qui n’est pas à son service et à celui de nos frères et sœurs.
Jésus nous invite à nous dépouiller, à porter la croix, la nôtre, et celle du monde entier. Voila les propos qu’il tient à ses amis. Et à ses ennemis, il parle un langage rude. Les hypocrites n’ignorent pas qu’Il les prend pour des sépulcres blanchis, les marchands qui trafiquent dans le Temple des choses saintes, c’est toujours actuel dans notre Eglise. « Le cœur de l’homme est plein d’ordures » Pascal.
« Je suis venu apporter un feu sur la Terre et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ». Ce sont toutes ces idoles que Jésus, dans son amour pour nous, veut que nous brulions. Jésus déconcerte toujours ses interrogateurs, parce que, le plus souvent, au lieu de répondre là leurs questions insidieuses, il répond à leurs pensées secrètes qu’ils n’osent pas ou ne veulent pas dire.
Nous sommes toujours insatisfaits au point de souhaiter sans cesse du nouveau, de l’exceptionnel, pour nous guérir et nous restons toujours à la surface de nous-mêmes. Nous demandons, dans notre prière, de recevoir quelque chose, mais il faudrait plutôt demander de devenir quelqu’un. Nous sommes appelés à vivre notre solitude, non plus comme un blessure mais comme un don de Dieu pour arriver à découvrir en elle la profondeur de l’amour de Dieu pour chacun de nous.
Ce matin, nous allons communier au corps du Christ, ne pensons à rien d’autre qu’à recevoir « ce pain vivant venu du ciel, si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ».
Frère Michel
Moine du Bec