Évangile : « Vous qui m’avez suivi, vous recevrez le centuple »
En ce temps-là, Pierre prit la parole et dit à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre : quelle sera donc notre part ? » Jésus leur déclara : « Amen, je vous le dis : lors du renouvellement du monde, lorsque le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous qui m’avez suivi, vous siégerez vous aussi sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël. Et celui qui aura quitté, à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, ou une terre, recevra le centuple, et il aura en héritage la vie éternelle. »
Homélie :
Saint Benoît dans nous célébrons aujourd’hui la solennité, nous propose un chemin de vie qui mène au bonheur. Son témoignage a traversé les siècles et demeure actuel. Son invitation à suivre le Seigneur et à ne rien préférer à son amour s’inspire de la Parole de Dieu elle-même. La Règle qu’il nous a laissé est le reflet de sa vie. Elle se réfère constamment à l’Écriture. Elle fait écho à l’appel de Dieu adressé à qui veut vivre pleinement, en lui proposant les moyens d’y répondre.
Dès le prologue, saint Benoît invite son disciple à écouter la Parole du Maître. Ce disciple, quel est-il ? C’est celui qui veut apprendre la sagesse qui vient de Dieu pour en vivre. C’est ce que nous propose le Livre des Proverbes dont nous venons d’entendre un extrait. Cette sagesse s’obtient grâce à l’écoute de la Parole de Dieu. L’auteur commence ainsi : » Mon fils, accueilles mes paroles, conserve précieusement mes préceptes, l’oreille attentive à la sagesse, le cœur incliné vers la raison … Car c’est le Seigneur qui donne la sagesse. » Saint Benoît ne parle pas autrement : » Écoute, ô mon fils, l’invitation du maître, et incline l’oreille de ton cœur ; recueilles avec amour l’avertissement du père qui t’aime, et par tes actes, mets- le en pratique. »
Cette invitation à l’écoute et reprise tout au long de la Règle. C’est une attention à celui qui parle. L’être se tient en éveil et le cœur est attentif à la voix de Dieu, faisant taire les bruits de l’extérieur et des pensées. Le disciple écoutant peut accueillir le don de Dieu qu’est l’intelligence : Grâce à elle, il comprendra la crainte du Seigneur et obtiendra la connaissance de Dieu.
Mais pour parvenir à ce but, la persévérance est nécessaire. Ce travail d’écoute s’inscrit dans une démarche de conversion. Toujours dans le Prologue, saint Benoît insiste en citant le psaume 94 : » Aujourd’hui, mais écoutez donc sa voix ! N’allez pas endurcir vos cœurs ! » Cette fermeture du cœur est la conséquence du péché, de la désobéissance qui nous a éloigné de notre Créateur. Il nous faut revenir à lui, nous retourner, par le labeur de l’obéissance. Cette démarche que nous entreprenons au début de notre vie monastique durera jusqu’au dernier jour.
Ce travail de conversion s’appuie sur les nombreux moyens qui nous sont proposés. Le silence est la première condition de l’écoute car tous les bruits étouffent la voix de Celui qui nous parle. Nous l’entendons dans la fréquentation régulière de sa Parole et de tous ceux qui aident à sa compréhension. Nous le retrouvons régulièrement dans la célébration de l’office divin qui nous unit à toute l’Église, celle du ciel et celle de la Terre. Nous le rencontrons aussi dans le quotidien de nos vies, par le travail et le service fraternel. Ce sont là autant de lieux où Dieu nous parle. Demandons-nous si nous sommes toujours attentifs à sa voix, à sa Parole, à sa présence.
La quête de cette sagesse n’est pas seulement, nous le voyons bien, une discipline de vie pour elle-même. Elle est une marche à la suite de celui qui nous appelle, un attachement à sa personne car c’est lui, Jésus, qui nous montre le chemin. Il a les paroles de la vie éternelle. Marcher à sa suite implique des renoncements. C’est une attitude profondément évangélique, recommandée fréquemment par saint Benoît. Elle va jusqu’à renoncer à sa volonté propre pour vivre dans l’obéissance.
C’est ce qu’ont vécu les apôtres et que Pierre exprime par la question posée à Jésus : »Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre : Quelle sera donc notre part ? »
Pourtant nous comprenons bien que ce renoncement ne se réalise pas une fois pour toutes dès le premier jour. Bien sûr, nous quittons une famille, des biens, une indépendance. Mais nous pouvons toujours nous laisser entraver par de nouvelles attaches. Nous devons chaque jour nous défaire de ces liens, nous dépouiller de nos désirs et de notre volonté pour vivre dans l’obéissance et l’humilité et nous abandonner tout entiers au Christ. Nous le reconnaissons dans les diverses médiations qui nous sont proposées pour concrétiser ce renoncement à nous-mêmes.
Père Claude
Prieur du Bec