Dimanche 5 décembre :
Tout en parlant de l’hôtellerie et de l’accueil des hôtes, saint Benoît parle aussi des frères dans la communauté. Indirectement il recommande l’attention mutuelle des frères en précisant dans ce chapitre 53 sur la réception des hôtes : « Dans tous les offices du monastère, on observera cette règle, de donner des aides aux frères quand ils en auront besoin ». Nous ne sommes pas seuls dans notre petit domaine, mais nous appartenons à un corps et nous sommes solidaires les uns des autres.
En ce qui concerne les hôtes, le service d’accueil peut varier en fonction de leur nombre. Il y a des périodes chargées, d’autres moins. Il faut à la fois leur donner de bonnes conditions d’accueil pour favoriser leur temps de retraite et en même temps respecter leur démarche personnelle et leur recherche spirituelle ; donc de ne pas s’imposer à eux et rester discrets, voire ‘’distants’’, mais dans le sens positif.Lundi 6 décembre :
Dans ce chapitre 54 sur les cadeaux ou les eulogies, il s’agit du don d’objets bénis, saint Benoît souligne la nécessité de la désappropriation pour le frère. Le besoin de posséder est naturel chez l’homme ; c’est une façon de s’affirmer, de se faire reconnaître, et nous sommes tous tentés par l’avoir, le pouvoir, le savoir. Mais c’est une tentation qui empêche de suivre le Christ, car lui-même demande le détachement de tous ses biens, comme le renoncement à soi-même, conditions indispensable pour quiconque veut se donner à lui en lui offrant sa vie et tout son être.
Cette désappropriation est un chemin de libération qui ouvre le cœur au lieu qu’il se referme sur lui-même. Elle permet la charité et le partage autant qu’elle est source de joie. Rappelons-nous le passage évangélique du jeune homme riche qui ne peut abandonner tous ses biens pour suivre le Christ et qui s’en va seul, tout triste.
Mardi 7 décembre :
En lisant ce chapitre 55 sur les « vêtements et chaussures des frères », on peut se référer au Sermon sur la Montagne où Jésus recommande l’abandon à la Providence : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? (Mt. 6, 25) ». Ce souci qui est celui de tout homme, est surtout celui des païens. Les disciples n’ont pas à s’en soucier, « car leur Père céleste sait ce dont ils ont besoin. »
Ainsi pour nous, il nous suffit d’avoir le nécessaire sans chercher à se distinguer ou à accumuler ; il suffit d’avoir ce qui convient à chacun. Nous devons chercher à rester libre de tous ces soucis pour pouvoir nous consacrer à l’essentiel, la recherche de la volonté de Dieu. C’est bien à cela que nous sommes invités en ce temps de l’Avent. Cette recherche du Royaume passe par un travail de conversion comme le proclame le prophète Isaïe : « Préparez les chemins du Seigneur… »
Mercredi 8 décembre, solennité de l’Immaculée Conception :
Dans la suite de ce chapitre 55, on peut retenir deux points :
D’abord, c’est que chacun doit avoir ce qui lui est nécessaire en fonction de ses besoins. On voit bien par là le caractère humain de saint Benoît et son attention aux personnes. Le monastère n’est pas une structure écrasante et uniformisante où chacun doit rentrer dans un moule impersonnel. Au contraire, chacun doit y trouver son épanouissement.
Mais en même temps, le moine s’est détaché de tout bien en recevant le nécessaire. Saint Benoît fustige ici, comme en d’autres endroits, le vice de la propriété. D’où l’importance de son attention à chacun des frères. La désappropriation comporte le renoncement aux choses, mais aussi à sa volonté propre afin de devenir libre et disponible pour le service du Seigneur.
Aujourd’hui où nous fêtons l’Immaculée Conception de Marie, nous avons en elle l’idéal de son abandon à la volonté du Seigneur. Dès qu’elle l’a accueillie en elle, elle est toute donnée à sa mission de Mère du Sauveur. Par notre engagement à la suite du Christ, soyons libres nous aussi pour faire sa volonté.
Jeudi 9 décembre :
Ce chapitre 56 sur la table de l’abbé fait référence à une époque où les monastères étaient souvent les seuls lieux où les voyageurs et les pèlerins pouvaient être hébergés. Quand il est dit que l’abbé les accueille à sa table, il faut penser que c’est toute la communauté qui, en fait, les reçoit en leur proposant le vivre et le couvert.
La façon d’accueillir s’adapte suivant les lieux et les époques. Aujourd’hui, nous pouvons voir, au-delà du simple accueil matériel, l’accueil spirituel comprenant la vie de prière et la liturgie, des temps de retraite et de recueillement ; car pour beaucoup de nos contemporains, un séjour en hôtellerie monastique est d’abord un temps de ressourcement. Et toujours, se souvenir qu’accueillir des hôtes, c’est accueillir le Christ dans une démarche de foi.
Vendredi 10 décembre :
Dans ce chapitre 57 sur « ceux qui exercent un métier dans le monastère », on peut retenir deux points :
D’abord, toute activité dans le monastère contribue au bien de l’ensemble de la communauté. Ainsi, ceux des frères qui sont capables d’exercer un métier, un artisanat ou un art, travaillent au service de tous, et non pour une promotion personnelle. Ainsi, Dieu se sert de nos activités pour réaliser son œuvre. Toutes nos activités sont des occasions de participer à la construction de son Royaume. Et saint Benoît met en avant l’humilité qui doit pénétrer toute notre vie.
Le second point à retenir est justement la remarque finale de saint Benoît : « Pour qu’en toutes choses Dieu soit glorifié ». On pourrait croire que c’est l’office divin qui est le lieu privilégié pour rendre gloire à Dieu. C’est vrai, mais il n’est pas le seul, car notre vie forme un tout. Aucun de nos actes n’échappe au regard de notre Père : notre travail, nos tâches les plus humbles comme celles qui nous semblent les plus valorisantes, sont une louange à Dieu puisque nous participons à son œuvre créatrice. Nous portons en nous le travail de tous les hommes, dont beaucoup d’entre eux n’en voient que l’aspect pénible, mais que nous pouvons offrir au Créateur de toutes choses.
C’est ainsi que, par notre travail, nous pouvons faire le lien entre la vie des hommes et la gloire que nous devons à Dieu. C’est bien le sens des prières de l’offertoire de la messe : « Tu es béni, Seigneur, Dieu de l’univers : nous avons reçu de ta bonté le pain que nous te présentons, fruit de la terre et du travail des hommes ; il deviendra pour nous pain de la vie ». Et nous répondons : « Béni soit Dieu, maintenant et pour toujours.»
Samedi 11 décembre :
Sur le rite de la réception des frères, saint Benoît écrit au chapitre 58 : « Quand un nouveau venu demande la vie monastique, on ne lui accordera pas une entrée facile ». En effet, il décrit ensuite les différentes étapes qui mèneront le postulant jusqu’à son engagement définitif.
La condition principale qui lui est demandée est la connaissance et l’acceptation de la Règle ; pour cela, elle est lue à plusieurs reprises au nouveau frère avec qui, s’il persévère à vouloir entrer, on progressera d’étape en étape, jusqu’à son engagement définitif. On voit ici la sagesse de saint Benoît qui met le jeune frère à l’épreuve pour observer sa persévérance, sa résistance aux humiliations, aux injustices… Saint Benoît sait qu’il pourra y avoir des désillusions car la découverte des réalités de la vie monastique ne peut se faire que par sa pratique ; et on doit vérifier par l’expérience cette vie que l’on a toujours tendance à idéaliser de l’extérieur.
La Règle a ses exigences, mais c’est un chemin sur par lequel on va à Dieu. Elle n’a pas d’autre but que de traduire dans un genre de vie précis l’appel du Christ à le suivre et à mettre l’Évangile en pratique. Un temps long est nécessaire pour se laisser guider et former par l’Esprit-Saint. Mais ces étapes respectent toujours la liberté du candidat.
Père Claude
Prieur du Bec