Solennité de Saint Bernard Tolomeï – Jean (15, 9-17)

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Catégorie : Homélies

ÉvangileComme le Père m`a aimé, je vous ai aussi aimés. Demeurez dans mon amour.

Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, de même que j’ai gardé les commandements de mon Père, et que je demeure dans son amour.
Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite.
C’est ici mon commandement: Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés.
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.
Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande.
Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j`ai appris de mon Père.
Ce n`est pas vous qui m’avez choisi; mais moi, je vous ai choisis, et je vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure, afin que ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne.
Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres.

Homélie : Proverbes 2, 1-9, Colossiens 1, 12-20, Matthieu 19, 27-29

Pendant longtemps, et encore aujourd’hui à Mont Olivet, l’introït de la solennité de Saint Bernard Tolomeï reprenait un extrait du Psaume 54 : « Elongavi fugiens ».  « Loin, très loin, je m’enfuirais pour chercher asile au désert. J’ai hâte d’avoir un abri contre ce grand vent de tempête ». Nos graduels d’aujourd’hui – et ce que nous venons de chanter – proposait un verset adapté su psaume 51 : « Et moi, comme un olivier verdoyant, j’ai fructifié dans la maison de Dieu ». Ces deux propositions se justifient, que l’on considère le commencement ou l’accomplissement de la vie monastique du fondateur de Mont-Olivet.

D’après le psaume 54, on pourrait croire que son départ de Sienne ressemble à une fuite.  Giovanni Tolomeï appartenait à une des plus nobles familles de Sienne. Il exerçait une brillante carrière de juriste. La cité de Sienne était célèbre par sa culture, sa vie intellectuelle, artistique, économique et politique. Mais elle était aussi le théâtre d’intrigues et de rivalités. Certes, Giovanni a voulu quitter cette société. Mais c’était pour répondre à un appel beaucoup plus intérieur.

Cet appel, Giovanni l’entendait depuis quelques temps. Il avait commencé à y répondre par les œuvres de charité et avec quelques autres Siennois, il s’efforçait de servir Dieu au sein d’une confrérie. Mais Dieu lui demandait davantage, il lui demandait un service exclusif. Et comme Abraham, il obéit à l’appel de tout quitter pour aller au désert. En 1313, avec ses trois compagnons, il s’enfonce dans la solitude d’Acona.  » Va, pars de ton pays, laisse ta famille et la maison de ton père, va dans le pays que je te montrerai ».  Pour Giovanni, Francesco, Patrizio et Ambrogio, c’est un renoncement total, c’est quitter une vie aisée pour le dépouillement, la précarité. Et pendant plusieurs années, leur vie se partagera entre la prière et un dur labeur manuel. Très vite, ils adopteront la règle de Saint-Benoît et seront confirmés dans leur choix de vie par l’Église, en la personne de l’évêque d’Arezzo.

Ainsi, partir comme Abraham, c’est tout quitter pour suivre le Christ. C’est son appel qu’ils ont entendu. C’est bien lui qui les a choisis. Il a voulu faire d’eux ses amis. C’est ce qu’ils ont compris en acceptant de faire sa volonté, d’obéir à ses commandements : « Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

En entendant cette dernière parole de Jésus, on pense toujours au dernier moment de la vie de Saint-Bernard Tolomeï. En 1348, il est à Sienne, sa ville natale, poussé par la charité, auprès des frères du monastère qu’il y a fondé des 1322. Et c’est au service des malades qu’il meurt lui-même le 20 août 1348. Longtemps, l’oraison de ça fête insistait sur ce fait. Mais il ne faut pas oublier que c’est tout au long de sa vie qu’il a mise en œuvre ce commandement de l’amour. Il a suivi en cela l’exemple de Jésus lui-même qui a révélé en sa personne l’amour de son Père pour tous les hommes : Par sa vie, son ministère, sa prédication et enfin l’offrande de sa vie dans le sacrifice du soir.

Rappelons-nous aussi l’exemple de l’apôtre Paul qui, au soir de sa vie, alors qu’il est prisonnier à cause de la Parole de Dieu, épanche son cœur auprès des Philippiens :  » Si je dois verser mon sang pour l’ajouter aux sacrifices que vous offrez à Dieu pour votre foi, je m’en réjouis et je partage ma joie avec vous tous. Et vous, de même, réjouissez-vous et partagez votre joie avec moi. »

Bernard, devenu abbé, a donc mise en œuvre le commandement du Seigneur par la parole et par l’exemple. Jusqu’au bout, il invite ses frères à la charité dans ses exhortations et ses nombreuses lettres adressées aux différents prieurés. Ce qu’il enseigne, il le vit chaque jour, donnant l’exemple de l’humilité, de la patience, de la bienveillance, étant frère parmi les frères. En lui, la règle de Saint-Benoît trouve une parfaite réalisation. Il se confie à l’Esprit Saint pour gouverner, indiquant le bon chemin et corrigeant quand il le faut.

En se laissant lui-même conduire par Dieu qui l’a appelé, par le Christ qu’il a suivi, par l’Esprit Saint qui l’inspire, il est devenu comme la vigne émondée et comme l’olivier verdoyant qui donnent beaucoup de fruits. Bien sûr, son exemple a attiré à lui de nombreux disciples, disciples non pour lui, mais pour le Christ qu’ils ont pu reconnaître à travers sa vie et sa parole. L’amour dont il a été rempli a été fécond car il était fondé sur celui qu’il a reçu du Christ et qu’il lui a donné en retour.

Depuis l’appel à partir pour le désert d’Acona, jusqu’à son retour à Sienne, pour le sacrifice du soir, la vie de Bernard a été animée par l’esprit. Son œuvre n’est pas la sienne mais celle de Dieu dans les cœurs.

C’est le témoignage qu’il nous laisse aujourd’hui. Nous avons entendu l’appel à tout quitter pour suivre le Christ. C’est lui qui nous choisit pour que nous portions du fruit. Nous le pourrons si, à sa suite, nous renonçons à nous-même pour nous laisser conduire par lui, si nous mettons en œuvre jour après jour le commandement de l’amour. S’il nous semble que nos vies sont un désert aride, croyons en sa Parole et offrons-nous : La vie pourra alors fleurir et fructifier.

 

Père Claude
Prieur du Bec

saint Bernard Tolomeï