Évangile : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang »
Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » Il envoie deux de ses disciples en leur disant : « Allez à la ville ; un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre. Suivez-le, et là où il entrera, dites au propriétaire : “Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?” Il vous indiquera, à l’étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. » Les disciples partirent, allèrent à la ville ; ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la Pâque.
Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : « Prenez, ceci est mon corps. » Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. »
Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.Homélie :
Vers la fin de la séquence « Lauda Sion » que nous venons de chanter, il est dit : « Voici le pain des anges… D’avance, il fut annoncé : Par Isaac en sacrifice, par l’agneau pascal immolé, par la manne donné à nos pères ». Ce sont là trois annonces bibliques du mystère célébrée aujourd’hui. Jésus, le pain du ciel, est annoncé sous les signes du sacrifice du Fils unique, de l’agneau pascal immolé en mémoire de la sortie d’Égypte et de la manne qui nourrit le peuple au désert. L’Eucharistie comporte ces trois aspects de sacrifice, de Pâque et de festin messianique.
Lorsque Dieu met Abraham à l’épreuve, la réponse de celui-ci et d’offrir son fils unique, l’héritier de la promesse et si Dieu le lui rend, son obéissance n’en est pas moins totale. Sa foi préfigure l’amour du père qui » n’a pas épargné son propre fils » et « l’obéissance de ce fils qui s’est offert lui-même a Dieu comme une victime sans tache », selon les termes de l’épître aux Hébreux.
Le culte d’Israël comportait des holocaustes. Moïse, nous le voyons dans l’exode, offre de jeune taureau en sacrifice de paix. Le sang des animaux est partagé : Une moitié est répandu sur l’hôtel qui symbolise la présence de Dieu, l’autre moitié sert à asperger le peuple pour sa purification. Le sang ainsi répandu est le signe de l’Alliance que le Seigneur conclut avec son peuple, sur la base de sa parole.
Or, le sacrifice de Jésus accomplit une libération définitive. Ce sacrifice parfait et son obéissance d’amour à son père. L’oblation de sa vie jusqu’au sang fais de lui le médiateur d’une alliance nouvelle entre Dieu et son peuple. Celle-ci et commémorer à chaque Eucharistie par l’offrande du pain qui devient son Corps et de la coupe qui contient son sang, » le sang de la nouvelle alliance, répandu pour la multitude ».
Ce geste que l’Église accomplit chaque jour est fondé sur la parole même de Jésus, lors de la Cène qu’il partagea avec ses disciples avant de souffrir sa Passion. Nous célébrons à la fois son sacrifice et le mystère de sa Pâque.
L’Évangile nous précise que ce dernier repas de Jésus a lieu le jour où l’on immolait l’agneau pascal et c’est bien le repas de cette fête que les disciples sont chargés de préparer. Or Jésus sait qu’il va donner sa vie. Il s’identifie à l’agneau pascal et son sacrifice permettra notre libération de l’esclavage du péché et de la mort.
Quand nous célébrons la Cène, indissolublement lié au mystère Pascal du Christ, sa mort et sa résurrection sont actualisées. Il est lui-même réellement présent, exerçant sa puissance salvatrice en chacun de nous et dans la communauté de ses fidèles. Mémorial de sa résurrection, l’Eucharistie nous en rends participants par avance.
En se donnant en nourriture, Jésus nous fait goûter aux prémices du festin messianique, transformant notre être de péché en celui de l’homme nouveau.
La manne donnée avec largesse à nos pères manifestait l’amour surabondant de Dieu pour ses enfants. Venant directement du ciel, elle évoque d’autant mieux le don que Dieu fait de lui-même en son Fils par l’Eucharistie, aliment sacré qui nous communique sa vie divine et son amour, et nous unit intimement à Lui. Elle est donc à la fois repas d’alliance par la participation au Corps du Seigneur et à la coupe du Sang versé, repas pascal, car l’agneau est consommé, et festin messianique, car la résurrection de Jésus nous confère déjà les germes d’immortalité.
Jésus accomplit ainsi pleinement les annonces de ce mystère d’amour. Dans sa Pâque, il assume la Pâque ancienne : Rappel des merveilles que Dieu a réalisé dans l’histoire d’Israël, reconnaissance de son amour toujours à l’œuvre aujourd’hui comme hier. Mais par sa mort et sa résurrection, il fait de sa Pâque l’acte définitif du Salut.
À notre tour, en célébrant l’Eucharistie, nous faisons mémoire de la Pâque de Jésus. Il s’est offert par amour, nous révélant ainsi la plénitude de son obéissance, son amour pour son Père et l’amour de celui-ci pour lui et pour nous. Nous confessons cet amour toujours agissant. De son sang versé pour l’Alliance nouvelle nait l’Église, peuple de Dieu, communauté des baptisés rassemblés dans la foi et la célébration de ce mystère. Jour après jour, dans l’Eucharistie, l’Église se construit, grandit et se fortifie, nourrie par la Parole et le Pain de son Seigneur.
Si Jésus manifeste tant de miséricorde envers nous, c’est pour sauver le peuple de pêcheurs que nous sommes. Nous retombons si souvent dans notre péché, nos divisions, notre égoïsme ! L’Eucharistie, dit encore la séquence Lauda Sion est » le pain des voyageurs » : Qu’elle nous fortifie sur notre chemin de conversion, dans notre marche vers Dieu. Elle est le sacrement de l’unité : Nourris du même pain, ayons un seul cœur et un seul esprit ! Elle est l’offrande parfaite, l’amour répandu à profusion : Offrons-nous totalement à Dieu et à nos frères ! Que nos vies soient entièrement prises dans l’offrande du corps et du sang du Seigneur pour que nous ne fassions qu’un avec Lui. Qu’elles soient pénétrées de son amour qui peut réaliser l’unité de son Église.
Ainsi le Ressuscité accomplit son œuvre en nous dans l’Eucharistie car déjà s’accomplit sa promesse de nous faire partager sa gloire.
Prions-le avec le poète inspiré : » Ô bon Pasteur, notre vrai Pain, Ô Jésus, aie pitié de nous… Conduis-nous au banquet du ciel et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints. Amen »
Père Claude
Prieur du Bec