Dans tout monastère qui suit la Règle bénédictine, on trouve une salle appelée « salle du Chapitre ». C’est une des salles les plus importantes des monastères. Elle sert d’abord à la réunion quotidienne de toute la communauté pour entendre un passage, ou un chapitre, de la Règle, d’où son nom de « salle du Chapitre ».
Elle est aussi utilisée pour toute autre réunion importante prévue par la Règle : votes en Chapitre, réunions du conseil des frères et pour partager toutes les autres informations touchant la vie communautaire. Des comptes-rendus en sont rédigés dans un cahier appelé « cahier du Chapitre » qui est une partie de la mémoire de la communauté, jour après jour, et qui sert aussi à rédiger chaque mois la chronique pour notre site internetChaque matin, après l’office de Laudes, les frères (ou les sœurs) se réunissent, selon leur rang, dans cette salle pour écouter un passage de la Règle, celui qui est prévu par la distribution du texte. En effet, la Règle est lue quotidiennement, trois fois par an, à des dates indiquées dans certaines des éditions. Après cette lecture, le supérieur en fait un commentaire, souvent actualisé dans le vécu de la communauté et illustré par les textes bibliques du jour ou par d’autres lectures ou évènements du moment. C’est un commentaire pour la vie de toute la communauté. Aussi, pensant qu’il pourrait être également profitable à tous nos oblats et amis de l’abbaye, nous proposons de le mettre en ligne chaque semaine, comme on le fait déjà pour les homélies et la chronique mensuelle.
La date du 2 mai étant l’une des trois dates où on recommence la lecture de la Règle par celle du Prologue, nous commençons donc cette semaine, pour tous nos lecteurs, la première série des commentaires suivants :PROLOGUE DE LA REGLE.
Dimanche 2 mai :
On peut relire le début du Prologue de la Règle à la lumière de l’Evangile d’aujourd’hui (Jn. 15, 1-8. Evangile du 5e dimanche de Pâques, année B.)
Saint Benoît invite le candidat à la vie monastique à écouter l’invitation du maitre, à recueillir avec amour l’avertissement du père qui l’aime, à renoncer à ses propres volontés, à se laisser guider, former, travailler par l’obéissance.
Jésus est la vigne, son Père, le vigneron, et nous les sarments. Si nous voulons vivre, nous devons rester unis au cep qu’est Jésus, nous laisser tailler, purifier pour pouvoir porter du fruit. C’est l’obéissance à sa Parole qui nous purifie, qui nous renouvelle. La désobéissance nous coupe de la vigne et fait de nous des sarments secs, bons seulement pour le feu.
Saint Benoît ne recommande pas autre chose : pour être vraiment des fils du Père, nous ne devons pas nous séparer de son amour par nos refus d’obéir, mais lui demeurer unis pour faire fructifier les talents qu’il a placés entre nos mains. Sinon, nous méritons d’être déshérités et livrés à la peine éternelle pour n’avoir pas voulu le suivre à la gloire.
Et Jésus conclut : « Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez du fruit et que vous soyez pour moi des disciples ». Le disciple, c’est celui qui écoute, qui se laisse instruire, qui entre dans une relation de confiance et d’amour. C’est ce que va nous proposer saint Benoît, à la suite de Jésus, tout au long de sa Règle.
Lundi 3 mai :
Ce nouveau passage du Prologue est un condensé de citations bibliques : Psaumes 94,8 et 33,12, saint Paul (Rm. 13, 11-12) et Apocalypse 2,7. Toutes sont des appels du Seigneur à l’écouter, à nous convertir afin de le voir et d’obtenir la vie en plénitude. Il nous faut fuir les ténèbres de la mort.
Nous rejoignons ainsi le désir des disciples : « Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit ». Nous connaissons la réponse de Jésus : « Qui m’a vu a vu le Père ». Pour voir Jésus aujourd’hui, il nous faut justement le connaître. Et pour cela, nous avons les Ecritures, sa Parole, qui nous sont données chaque jour. Jésus se découvre aussi dans l’Eucharistie, les sacrements avec le sacrement du frère, celui que l’on côtoie chaque jour sans, trop souvent, bien le connaitre.
Demandons à l’Esprit-Saint de guider notre recherche et de nous donner la lumière d’en haut.
Mardi 4 mai :
On peut voir dans le Prologue de la Règle comme un écho du discours de Jésus après la Cène. Saint Benoît invite celui qui est appelé à quitter le monde pour obtenir la vie véritable, à se détourner du mal pour rechercher la paix ; à se laisser attirer par la voix du Seigneur pour qu’Il nous montre le chemin de la vie.
Jésus promet la paix à ses disciples ; il les invite à la confiance, à entrer dans sa joie que procure l’amour. Il affermit leur courage pour le temps où il ne sera plus avec eux de manière visible, car le prince de ce monde ne peut rien contre lui. Il nous faut donc mettre notre confiance en Jésus qui écoute nos prières et nous devance si nous nous engageons à sa suite, sans craindre les difficultés et les épreuves de la vie.
Jeudi 6 mai :
Saint Benoît invite celui qui veut suivre le Christ à mettre sa parole en pratique, à ne pas se contenter de dire : « Seigneur, Seigneur… », mais à répondre par des actes. C’est la parabole de la maison construite sur la pierre. Il y a un appel à la conversion pour revenir au Seigneur, qu’on retrouve tout au long du Prologue.
Dans l’Evangile de ce jour (Jn. 15, 10-11) Jésus invite les disciples à garder ses commandements. C’est le moyen de demeurer dans son amour et de parvenir à la joie.
Vendredi 7 mai :
Pour habiter sous la tente du Seigneur, et nous retrouvons ici le Ps. 14, il faut en remplir les obligations ; celles qui sont énumérées quelques paragraphes plus haut et qui sont détaillées dans le psaume lui-même : « Dieu te dit : Si tu veux la vie vraie et éternelle, retiens ta langue du mal et que tes lèvres ne disent pas de tromperies. Détourne-toi du mal, fais le bien ; cherche la paix, poursuis-la Ceignons-nous donc de la foi, ainsi que de l’observance des bonnes œuvres ; et marchons sur le chemin où l’Evangile nous guide, pour arriver à voir, dans son règne, celui qui nous a appelés […] Pour entrer sous sa tente, il dit encore : C’est celui qui est sans tache, qui fait la justice, qui dit la vérité dans son cœur ; qui n’a pas trompé par la langue, qui n’a pas fait de mal à son prochain » (Prologue v.16-18 ; 21 ; 26-28).
Nous retrouvons là l’appel du Seigneur dans l’Evangile de Jean : « Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour» (Jn. 15, 10-11). Habiter la maison du Seigneur et demeurer dans son amour, c’est la même chose. Il nous choisit pour faire de nous ses amis. A nous de répondre à son appel par notre fidélité dans notre engagement.
Samedi 8 mai :
Dans son Prologue, saint Benoît vient de donner le sens de la vie monastique. Il en montre l’enracinement et le but.
Son enracinement, c’est la Parole de Dieu, c’est l’Evangile, l’enseignement de Jésus. Son but, c’est la vie avec le Christ, la vie en Dieu.
La vie monastique n’est pas une sagesse humaine, une philosophie, un simple art de vivre. Même si c’est un peu tout cela dans les apparences, l’essentiel n’est pas là. Elle est avant tout une marche à la suite de Jésus venu nous révéler l’amour du Père et nous appeler à aimer comme lui. Son but est, non pas tant d’atteindre une perfection morale, de donner une image de soi irréprochable, que d’entrer dans la communion des personnes divines et d’aimer : aimer le Seigneur en le servant et aimer son prochain.
Pour cela, saint Benoît annonce qu’il institue « une école de service du Seigneur ». Car pour tendre au but qu’il propose, on a besoin de toute une vie avec ses élans, ses enthousiasmes, mais aussi ses manques, ses échecs et ses relèvements grâce à la miséricorde du Seigneur.
La Règle va développer ce programme d’une façon concrète et détaillée. Et saint Benoît avertit que ce chemin aura ses exigences qui ne devront pas rebuter ni décourager celui qui va l’emprunter. Ce chemin est celui sur lequel le Christ nous précède et qui, passant par la croix, conduit à la vie bienheureuse.
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Dimanche 9 mai :
Après avoir donné, dans son Prologue, les grandes orientations de la vie monastique, saint Benoît commence maintenant à entrer dans le détail : il évoque ici le cénobitisme, c’est-à-dire la vie en communauté, puis l’érémitisme, la vie solitaire, qui ne peut être vécue qu’après les épreuves d’une longue probation en vie commune.
Comme tout disciple, nous avons été appelés par le Christ pour le suivre ! C’est bien lui qui nous a appelés, c’est lui qui nous choisit pour que nous portions du fruit comme saint Jean nous le dit dans l’Evangile d’aujourd’hui : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure » (Jn. 15, 9-17 ; 6e dimanche de Pâques, année B).
En menant la vie commune, nous sommes invités à mettre en pratique, chaque jour, l’amour que Dieu nous communique, car nous sommes confrontés aux réalités de la vie présente. Et notre guide, c’est le visage de Jésus que nous retrouvons dans celui des frères cheminant avec nous.
Père Claude
Prieur du Bec