Homélie :
Aujourd’hui, l’évangile nous parle de 72 personnes, des disciples de Jésus, dont ne savons aucun nom et que Jésus charge de répandre son message. Ce sont des témoins de Jésus. Ils ont un nom bien sûr, mais on ne l’a pas retenu comme celui des douze apôtres, par exemple : Pierre, Jean, Jacques, Mathieu etc.
On pourrait dire qu’ils étaient des gens de la base, des gens ordinaires. À qui cela vous-fait-il penser?…à nous, tous et toutes n’est-ce pas? On n’est pas des saint Pierre ou des saint Jean, ni un pape François ou un cardinal Lacroix. Mais c’est nous les 72 disciples d’aujourd’hui auxquels Jésus s’adresse en envoyant les premiers 72 disciples qui seront les précurseurs de milliers et de milliers d’autres dont nous sommes.
I – La mission c’est pour tous
Un premier constat ressort de cette observation. Cela veut dire que dans l’Église ce ne sont pas seulement des témoins et des personnages extraordinaires qui sont nécessaires, ce sont tous les chrétiens et chrétiennes qui ont la mission de répandre le message de Jésus.
En d’autres mots, on ne peut pas dire : annoncer, répandre le message de Jésus c’est l’affaire du pape, des évêques, des prêtres, de ceux et celles qui travaillent dans la pastorale, non on doit se dire, c’est mon affaire, moi aussi. Voyez-vous Jésus veut répandre son message par la base comme on dit. Il veut que ce soit un beau-frère, une belle-sœur, des parents, des grands-parents, des amis, des compagnons ou compagnes de travail qui parlent de lui, de diverses façons : par le sérieux de leur foi qu’ils ne cachent pas, par des conseils, par des gestes d’entraide, par leur présence, par leur compassion et leur accueil etc.
Dans l’annonce de l’évangile, tous et toutes doivent mettre la main à la pâte. C’est une responsabilité liée à notre baptême et à notre confirmation. C’est tout le peuple de Dieu, comme le dit le Concile Vatican II, qui a la mission de répandre la Bonne Nouvelle du Salut.
Voilà ce qui est préfiguré par l’envoi des 72 disciples par Jésus.
II – Conseils de Jésus pour la mission
Vous me direz : « Oui, c’est bien beau…mais comment faire? » C’est une très bonne question à laquelle Jésus répond clairement dans les conseils qu’il donne aux 72. Regardons-les de plus près maintenant.
Jésus commence par demander de prier pour que Dieu envoie des ouvriers à sa moisson. Pourquoi? Parce que ce ne sont pas les personnes envoyées qui ont l’initiative. C’est Dieu. C’est lui qui convertit, qui rejoint les cœurs. Les 72 sont des instruments de la grâce de Dieu. Saint Paul le constatait à tout moment et cela lui faisait écrire aux Corinthiens « Celui qui plante n’est pas important, ni celui qui arrose ; seul importe celui qui donne la croissance : Dieu ». (I Corinthiens 3, 7) Prier pour que Dieu envoie des ouvriers et ouvrières à sa moisson, ce dont nous avons tant besoin chez nous, au Québec, alors que les communautés religieuses et les grands séminaires se vident.
En deuxième lieu, Jésus prévient que la tâche de l’annonce de la Bonne Nouvelle ne sera pas toujours facile : « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups » dit-il. C’est quelque chose qu’on ressent fortement de nos jours au Québec où la religion et l’Évangile sont devenus dans les médias des sujets de moqueries et de rejets percutants parfois. Je vous fais grâce des propos malhonnêtes qu’on lit à certains moments et qui nous font mal. Un chromiqueur averti constate : » Le Québec contemporain est un désert spirituel, hostile à la religion de ses pères, mais prêt à s’ouvrir à toutes les religions exotiques » (Mathieu Bock-Côté dans Le Journal de Québec samedi 2 juillet 2016).
En troisième lieu, Jésus nous dit de ne pas nous embarrasser de trop de choses, d’y aller simplement avec notre être, avec ce que nous sommes, avec ce que nous avons reçu dans notre rencontre personnelle avec Dieu. Il l’exprime de façon imagée lorsqu’il dit : « N’emportez ni argent, ni sac, ni sandales ». Saint François d’Assise a pris ces paroles à la lettre. Notre pape François leur accorde une grande importance en souhaitant faire de l’Église une « Église des pauvres ».
En quatrième lieu, Jésus nous invite à semer la paix autour de nous – « Dites paix à cette maison » – et à prendre le temps pour le faire. Paris, dit-on, ne s’est pas construite en un jour. Prenez le temps, dit Jésus « Ne passez pas de maison en maison ». Faites-vous proches des gens. « Mangez avec eux, guérissez les malades ».
Et, en cinquième et dernier lieu, Jésus donne la clé de toutes ces initiatives sur le chemin de l’annonce de la Bonne Nouvelle : « Dites aux habitants ‘ le règne de Dieu est tout proche de vous’ ». Voilà toute la beauté de la Bonne Nouvelle. Jésus vient pour nous montrer que Dieu n’est pas étranger à notre vie, perdu dans un firmament étoilé. Au contraire, il se fait proche. Il est présent à tout ce que nous faisons et désirons. Il se penche vers nous comme un Père plein d’attention et de tendresse.
III – Application
Pour répondre à l’invitation de Jésus aux 72 disciples qui s’adresse à nous tous et toutes, prenons la peine, dans nos moments de répit au cours des vacances, de regarder sérieusement comment nous pouvons être de meilleurs disciples de Jésus.
C’est à chacun et à chacune de se rendre disponible. Les moyens sont extrêmement variés. Je connais des gens qui le font avec beaucoup d’imagination comme cette grand-maman qui explique à ses petits enfants la célébration de la messe avant de les amener avec elle ou ce professeur qui surprend ses élèves en leur disant qu’il est un chrétien pratiquant ou ce sportif qui entre sur la glace en faisant le signe de croix.
Je pourrais continuer encore. Ce ne sont que des exemples qui nous invitent à nous laisser aller à la créativité. Les anciennes façons de faire disparaissent, mais la Bonne nouvelle ne disparaît pas pour autant, elle ne vieillit pas. Elle a besoin de témoins pour manifester que l’amour de Dieu n’est pas mort. C’est notre mission première aujourd’hui de faire comme les 72 disciples et de le proclamer selon nos dons et charismes.
Conclusion
Nous sommes des semeurs. Nous proposons, sans forcer, sans imposer, comme dans l’évangile. Nous pouvons être sûrs que les fruits viendront. Nous ne les verrons peut-être pas, mais nous pouvons semer dans la confiance et dans la paix parce que l’action de Dieu n’a pas de limites ni de murs qu’elle ne peut franchir.
Que cette Eucharistie nous permette de nous renouveler dans notre foi et notre espérance parce que nous avons toujours avec nous le Pain de la vie : Jésus qui accompagne et soutient nos efforts. Ce n’est pas sur nous-mêmes, mais c’est sur sa puissance et sur sa grâce que nous comptons.
Amen!
Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec
28 juin 2022