Triduum pascal (II) : vigile et dimanche de Pâques – Luc (24, 1-12)

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Catégorie : Homélies

Homélie de la Vigile pascale – année C

Chers frères et sœurs,

En cette nuit très sainte, nous célébrons la fête de Pâques, la fête du passage de la mort à la vie : c’est la Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ ! « Mère de toutes les veillées saintes. » Nous avons vécu, jeudi, la dernière cène, avec le commandement de l’amour fraternel par ce geste étonnant du lavement des pieds, ainsi que l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce ; nous avons, ensuite, vendredi, suivi Jésus dans sa Passion jusqu’au tombeau et maintenant nous sommes avec ces femmes de l’évangile, « à la pointe de l’aurore » à contempler le tombeau vide ! Leur désarroi devant cette image donnera lieu à l’Espérance renouvelée par la Résurrection de Jésus. La pierre roulée à côté du tombeau est le symbole de la victoire définitive de la vie. Et nous sommes ici pour célébrer justement cet événement historique qui a changé le cours de l’histoire.

Nous avons entendu l’annonce de la Pâque avec le chant de l’exultet ! L’église était encore dans le noir ! La flamme du cierge pascal et celle de notre cierge qui nous introduisait dans l’église, nous éclairait pour nous rappeler que la vie a pris le dessus. Mais aussi pour nous signifier que dans les ténèbres que nous pouvons traverser, le Christ est là, pour nous éclairer.

Toutes ces lectures bibliques qui nous sont proposées pour cette veillée pascale nous montrent que Dieu n’a jamais cessé d’être présent à son peuple. Et l’annonce de la Pâque par le cri de l’alléluia est, en réalité, une invitation : « Qu’éclate dans le ciel la joie des anges, qu’éclate de partout la joie du monde, qu’éclate dans l’Église, qu’éclate ici, la joie des fils de Dieu. » Devant la vie nous ne pouvons que nous réjouir. Devant cette vie qui nous est donné par ce Dieu qui nous aime, nous ne pouvons que nous réjouir !

Mais si nous regardons attentivement autour de nous, et en nous, comment entrer dans cette joie ? Car nous sommes tentés de ne voir que ce qui va mal. Ce qui va mal dans le monde, dans l’Église, dans nos vies ! Nous savons bien que tout n’est pas parfait ! Chacun sait et connait les obscurités que nous pouvons traverser. Et voilà ce que le Christ vient nous rappeler cette nuit : même si nous traversons les ténèbres, si nous sommes avec Lui, nous pouvons avancer, libres et vainqueurs car il a détruit le dernier adversaire, la mort ! Voilà notre Espérance. Voilà la certitude de notre foi ! Nous sommes constamment invités à entrer dans la lumière de cette résurrection. Et à partir de là, voir le monde d’une autre manière. Voir notre vie d’une autre manière. Voir soi-même de manière renouvelée.

L’attitude de ces femmes, après le passage de leur perplexité en voyant le tombeau vide, à la foi dans le ressuscité, c’était d’aller annoncer la bonne nouvelle. Celle de la victoire de la vie ! Car tout prend un sens nouveau lorsque nous laissons le Christ prendre part dans notre vie, dans notre histoire. Tout prend sens lorsque nous osons vivre cette relation avec le Seigneur. Lorsque nous nous laissons toucher par son regard, par sa vie, par son amour.

Nous avons entendu ce soir que « si nous sommes passés par la mort avec le Christ nous croyons que nous vivrons aussi avec Lui. » Est-ce que nous le croyons vraiment ? Et cette question nous amène une autre : qui est-il, Jésus, pour nous ? Pour moi ?

Nous allons renouveler notre propre baptême tout à l’heure. Nous allons redire « Je crois » pour soutenir aussi la foi des uns et des autres. Non seulement nous ne regrettons pas d’avoir été baptisés, mais nous en sommes heureux et nous sommes dans la joie de pouvoir renouveler les engagements de notre baptême, comme nous avons été heureux de recevoir le pardon de Dieu dans le sacrement de la Réconciliation. Prenons quelques instants en silence pour laisser jaillir en nous une réponse. Car cette nuit est la nuit d’une nouvelle naissance. Ce sera une nouvelle naissance pour ceux qui vont être baptisés, mais cela peut être aussi une nouvelle naissance pour chacun de nous.

Joyeuses fêtes pascales à toutes et à tous ! Daigne le Ressuscité bénir notre assemblée de cette nuit sainte, et nous engager résolument sur des chemins de vie et de résurrection, lui le Vivant pour les siècles des siècles. Amen.

Père Dieudonné
Prieur du Bec

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (24, 1-12) : « Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? »

Le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, les femmes se rendirent au tombeau, portant les aromates qu’elles avaient préparés. Elles trouvèrent la pierre roulée sur le côté du tombeau. Elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus.

Alors qu’elles étaient désemparées, voici que deux hommes se tinrent devant elles en habit éblouissant. Saisies de crainte, elles gardaient leur visage incliné vers le sol. Ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu’il vous a dit quand il était encore en Galilée : “Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite.” »

Alors elles se rappelèrent les paroles qu’il avait dites. Revenues du tombeau, elles rapportèrent tout cela aux Onze et à tous les autres. C’étaient Marie Madeleine, Jeanne, et Marie mère de Jacques ; les autres femmes qui les accompagnaient disaient la même chose aux Apôtres. Mais ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas. Alors Pierre se leva et courut au tombeau ; mais en se penchant, il vit les linges, et eux seuls. Il s’en retourna chez lui, tout étonné de ce qui était arrivé.

La résurrection du Christ - Raphael - Vers 1499
Il faut le redire : au principe et au cœur de notre foi, de génération en génération, c’est cette annonce-là qui est portée et proposée à l’assentiment de tout un chacun. Et ceux et celles qui donnent l’“Amen” de leur foi à cette proposition savent bien qu’il s’agit pour eux de vivre désormais leur vie sous le signe d’une découverte sans cesse approfondie de ce que signifie « ressusciter avec le Christ », « vivre en ressuscité »

Homélie du Dimanche de Pâques

En ce dimanche de Pâques, nous célébrons avec tous les chrétiens la résurrection du Christ. Il s’agit de sa victoire sur la mort et le péché. Cet événement s’est produit sans que personne ne puisse le voir ni le décrire.

Après la mort de Jésus, deux hommes s’étaient occupés de son corps. Ils l’avaient descendu de la croix puis déposé respectueusement dans un tombeau. Pendant ce temps, les apôtres s’étaient cachés. Ils avaient peur d’être poursuivis et mis à mort comme leur Maître. Nous n’avons pas à les juger. Nous chrétiens, nous savons bien que dans un monde hostile ou indifférent, nous avons du mal à affirmer notre foi. Devant le Seigneur, nous sommes invités à reconnaître nos erreurs et nos lâchetés.

L’Évangile nous montre que Marie-Madeleine a fait preuve d’un plus grand courage. Elle n’a pas eu peur des menaces qui pesaient sur les disciples de Jésus. De bon matin, elle se rend au tombeau.

Si l’on revient au réel concret et à l’expérience de ceux et celles qui l’ont vécu, le matin de Pâque c’est d’abord un réveil lourd. Réveil des disciples au lendemain de la mort du Seigneur. Réveil de Marie-Madeleine, le cœur embrumé de toutes les tristesses d’un lien perdu corps et biens, dans les méandres de l’absurdité de la vie, les impasses de la fausseté des hommes et le cul-de-sac sans retour de la mort- pour-toujours.

Le réveil du matin de Pâque est bien un réveil lourd. Ceux et celles qui le vivent ne sont en rien prédisposés à une quelconque « bonne nouvelle » … Qu’est ce qui pourrait les consoler de ce qu’ils viennent de vivre ? Qu’est ce qui pourrait les consoler de la perte du Seigneur ? On ne voit vraiment pas.  Et on ne voit vraiment pas parce qu’aucune bonne nouvelle ne tient lorsque le malheur a mordu ou lorsque la mort a frappé. Passée la frontière de la mort, de retour il n’y en a point.

C’est dire « l’improbable », au-delà de tout mot, qui va faire irruption « ce matin-là ». Tout d’abord ce sera un message balbutiant, qu’on répète comme lorsqu’on répète quelque chose dont on n’est pas sûr ou que l’on n’est pas sûr d’avoir compris. Ainsi Marie-Madeleine aujourd’hui, dans cette page d’Évangile : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau et nous ne savons pas où on l’a déposé ». N’est-il pas frappant qu’il ne soit ici de certitude que ce qui concerne la mort (le tombeau) … Après, dès que le corps disparaît, on entre dans le monde incertain de l’étonnement hébété et des conjectures… Ainsi des premiers témoins du « tombeau vide », Pierre et Jean. De Jean seul on nous dit « qu’il vit et il cru ». Les quelques versets d’évangile que l’on a lus permettent de se représenter un peu ce qu’il a vu. Quant à ce qu’il a cru… voilà qui ne peut que nous laisser songeurs… Au fait, qu’a-t-il cru exactement ?

Au matin de Pâque commence une aventure de foi. La résurrection n’entre pas dans la vie du monde et pas davantage dans la vie de chacun, chacune, de nous par la grande porte de l’évidence qui chasserait toute brume de doute et nous laisserait sans question. Non. Ce n’est pas tant « la résurrection » du reste qui se présente au premier chef. C’est plutôt le Ressuscité, Celui qui va offrir à Marie-Madeleine avant tous les autres la première rencontre qui sera une invitation à la foi, une invitation à ajouter foi à l’incroyable. Cet incroyable qui tient en une phrase, simple : celui qui était mort est vivant.

Il faut le redire : au principe et au cœur de notre foi, de génération en génération, c’est cette annonce-là qui est portée et proposée à l’assentiment de tout un chacun. Et ceux et celles qui donnent l’“Amen” de leur foi à cette proposition savent bien qu’il s’agit pour eux de vivre désormais leur vie sous le signe d’une découverte sans cesse approfondie de ce que signifie « ressusciter avec le Christ », « vivre en ressuscité » … On pourrait ici énumérer toutes les expressions qui émaillent l’enseignement de Paul, lequel nous indique que la résurrection affecte notre vie ici et maintenant. L’espace de la résurrection ce n’est pas celui de la fiction. Le temps de la résurrection ce n’est pas le futur ultime et lointain – qui demeure pourtant l’horizon – mais c’est bien le présent. Le passage de Paul aux Colossiens que nous lisons en seconde lecture ce jour de fête le proclame nettement : « Frères, vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en-Haut… ». « Vous êtes ressuscités ! », dit bien saint Paul.

Chaque année la Pâque revient comme une fête et une fête qui compte. Elle nous fait passer par les moments sombres de la passion et de la mort et cela parce que la Pâque du Seigneur est un geste de combat et de victoire. La séquence de Pâques (le Victimae paschali) le chante : « Mors et vita duelo conflixere mirando » : « la vie et la mort se sont battues dans un combat sans merci ». Point d’idées ici. Point de théories. Point de grands discours. Seulement l’engagement du Seigneur qui « donne sa vie pour la vie du monde ». Seulement le Seigneur qui pose un geste d’amour absolu et de portée infinie pour que chacun, chacune et le monde entier et la Création tout entière puisse y puiser force et espérance dans tous les combats qui sont toujours à mener.

Le Seigneur est là qui invite chacun à la rencontre, comme pour Marie-Madeleine, dans le jardin du premier matin de la Création nouvelle. Il invite chacun, chacune à la rencontre et à l’aventure de la foi pour mener les combats de la vie et de ce monde sous le signe de l’espérance que lui, le Seigneur donne et que seul il peut donner.

Joyeuse fête de Pâques à chacun et à tous ! Christ est Ressuscité ! Il est vraiment Ressuscité ! Alléluia.

Père Dieudonné
Prieur du Bec