Oui, nous sommes en guerre, et il ne faut pas s’en étonner, car elle dure depuis le commencement du monde. Il y a eu des guerres contre d’autres hommes ; il y a eu des guerres froides ; des guerres locales, nationales, internationales… aujourd’hui, notre guerre est contre un ennemi invisible et mortel : un virus, le covid 19.
Dans la Bible, le peuple de Dieu est très souvent en guerre : contre d’autres nations, mais aussi contre lui-même et contre Dieu. Un exemple peut nous aider à interpréter notre combat d’aujourd’hui, c’est celui d’Israël contre Amaleq au chapitre 17 du livre de l’Exode.Amaleq désigne un ensemble de tribus habitant le Néguev au sud de la Palestine. Il s’est toujours opposé à Israël dès son entrée en Terre promise. A Réfidim, Moïse qui le trouve en face de lui doit le combattre. Mais en homme de Dieu, il veut le combattre de deux façons différentes mais conjointes : par les armes de ses guerriers d’une part, mais par sa prière d’autre part comme le récit suivant le décrit bien :
« Moïse dit à Josué : « Choisis-nous des hommes et sors te battre contre Amaleq. Moi, je serai debout au sommet de la colline, le bâton de Dieu à la main. »
Comme Moïse le lui avait dit, Josué engagea le combat contre Amaleq, tandis que Moïse, Aaron et Hour étaient montés au sommet de la colline. Alors, quand Moïse élevait la main, Israël était le plus fort ; mais quand il reposait la main, c’était Amaleq qui était le plus fort. Mais les bras de Moïse se faisant lourdes, Aaron et Hour prirent une pierre, la placèrent sous lui et il s’assit dessus, un de chaque côté en lui soutenant les bras. Ainsi ses mains restèrent fermes jusqu’au coucher du soleil et Josué fit céder Amaleq. (Ex.17, 9-13)»
Aujourd’hui, pour nous, Amaleq est l’image de cette pandémie internationale qui bouleverse le monde entier. Il y a les combattants de premières lignes qui sont tous les soignants des hôpitaux, des maisons de retraite… ainsi que tous ceux qui continuent de travailler et d’aider, malgré les risques de contagion. Chaque jour des soldats meurent pour nous protéger et nous soigner. Et il y a tous les autres, nous, qui sommes confinés et souvent dans des situations difficiles. Alors que faisons-nous ? Quelle est notre place dans cette bataille ? Sommes-nous provisoirement des inutiles ?
La place où Moïse se tient avec ses deux assistants peut nous aider à reconnaître la nôtre dans ce combat : celle de la prière d’intercession à l’image de Moïse qui tient d’une main ferme le bâton de la force de Dieu. Car Dieu ne veut pas nous abandonner dans cette épreuve. Au contraire, il attend seulement que nous nous tournions vers Lui avec confiance comme le raconte un médecin italien dans le témoignage qu’il a écrit. Car on n’a pas le droit de dire : je ne suis ni un moine ni un religieux et je ne sais pas prier… Je suis athée et je ne crois pas en Dieu !
Mais alors, qui peut nous sauver, si non Dieu seul, si nous acceptons de le reconnaître ? Il est le seul Sauveur mais sans supprimer notre responsabilité ; au contraire, il veut la valoriser car Il ne fera rien sans nous, dans une totale liberté réciproque. Sans Lui, toutes nos actions risquent de rester stériles pour gagner cette bataille. Écoutons ce médecin, qui s’est dit athée:
«Jamais dans les cauchemars les plus sombres, n’aurais-je pu imaginer ce que j’ai vu et vécu ici dans notre hôpital au cours des trois dernières semaines.
Le cauchemar continue; la rivière devient de plus en plus grosse. Au début, des gens sont venus, puis des dizaines, puis des centaines et maintenant nous ne sommes plus médecins, mais nous sommes devenus les sélecteurs des patients et nous décidons qui vivra et qui sera renvoyé chez lui pour mourir, même si tous ces les gens ont payé leurs impôts italiens toute leur vie.
Jusqu’à ces deux dernières semaines, mes collègues et moi étions athées: c’était normal car nous sommes médecins et nous avons appris que la science exclut la présence de Dieu. J’ai toujours ri de mes parents qui sont allés à l’église.
Il y a neuf jours, un prêtre de 75 ans est venu nous voir. C’était un homme doux et gentil et il avait de graves problèmes respiratoires, mais il avait une Bible avec lui et il nous a impressionnés quand il l’a lue aux mourants et leur a tenu la main.
Nous étions tous des médecins fatigués, découragés, psychologiquement et physiquement mais nous sommes revenus sur terre, quand nous avons eu le temps de l’écouter.
Maintenant, nous devons admettre que, dans la mesure où nous sommes des êtres humains, nous avons atteint nos limites, nous ne pouvons pas en faire plus mais de plus en plus de patients meurent chaque jour. Et nous sommes épuisés; deux de nos collègues sont morts et d’autres ont été infectés. Nous avons réalisé que nous sommes dans une situation où l’homme est incapable de faire plus; nous avons besoin de Dieu et nous avons commencé à lui demander de nous aider quand nous avons quelques moments libres. Nous parlons entre nous: nous ne pouvons pas croire que nous étions des athées purs et durs et que maintenant chaque jour nous cherchons à trouver la paix, en demandant à Notre Seigneur de nous aider à tenir le coup afin que nous puissions prendre soin des malades.
Hier, le prêtre de 75 ans est décédé. Malgré plus de 120 morts en 3 semaines, à un moment où nous étions complètement épuisés, désemparés, il a réussi, malgré ces conditions et nos difficultés, à nous apporter une PAIX que nous n’espérions jamais retrouver. Le «berger» est allé vers le Père, et bientôt, nous le suivrons tant que cette situation continuera comme ça.
Je ne suis pas rentré chez moi depuis 6 jours, je ne sais pas quand j’ai mangé pour la dernière fois; Je réalise mon inutilité sur cette terre et je veux utiliser mon dernier souffle pour aider les autres.
Je suis heureux d’être revenu à Dieu alors que je suis entouré par la souffrance et la mort de mes semblables ».
Ma conclusion : Il n’y a pas de mort sans Résurrection, car tout homme, au fond de lui, ne peut que ressentir un souffle plus puissant que la mort.
Si nous avons été créé pour la vie, elle l’emportera toujours sur toutes nos petites morts, jusqu’à la Pâques éternelle qui commence dès aujourd’hui et nous conduit, tous ensemble, vers le Christ ressuscité qui nous attend.
Fr. Raphael
Moine du Bec