A Siloe, nous sommes tous aveugles (Jn 9, 1-41)

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4ème dimanche de Carême – A- 2020

 

Jésus au désert, tenté par le diable! Jésus dans sa gloire, sur la montagne, avec Pierre, Jacques et Jean ! jésus fatigué, au bord du puits de Jacob, demandant à boire à une femme de Samarie ! Jésus à Jérusalem, près de la piscine de Siloë, dessillant les yeux d’un aveugle de naissance ! Dimanche prochain, il sera à Béthanie devant le sépulcre de Lazare. C’est un parcours baptismal que la liturgie nous fait suivre, cette année.

 

Aujourd’hui, avec l’aveugle-né, nous sommes invités à passer des ténèbres de l’ignorance à la lumière qu’est le Christ, le Fils de l’homme. Sans doute y a-t-il longtemps que nous avons été baptisés, mais peut-être avons-nous oublié que ce passage est de tous les jours : avec le lever du soleil, nous nous éveillons, chaque matin, au jour nouveau de Dieu ; à son coucher, nous remettons nos facultés, notre conscience à Sa garde, à Sa bénédiction. Et puis, de par notre condition, nous resterons jusqu’à la fin sous l’emprise du malin, et aurons quotidiennement besoin du pardon de Dieu, de Son Esprit recréateur.

En faisant de la boue avec sa salive et un peu de terre, Jésus reprend le geste de Dieu modelant l’homme avec la poussière du sol . (Gn 2, 7) Il s’agit bien d’une création, d’une naissance, nouvelle en ce sens qu’elle achève la première, la parfait. On peut aussi rapprocher ce geste, de l’onction que Samuel confère à David, le plus jeune fils de Jessé, pour le sacrer Roi d’Israël. Ainsi, par le baptême, l’homme est-il fait roi de la création nouvelle, inaugurée en Jésus mort et ressuscité. La symbolique de ce récit est très riche, foisonnante, et nous interroge sur la profondeur de notre foi, sur les fruits de notre baptême ; car s’il était sans effet, sans prise sur notre quotidien, il resterait un rite social sans contenu.

Avant même que l’aveugle ait reconnu en Jésus le Fils de l’homme, il a confessé qu’il était prophète, qu’il venait de Dieu. Après sa guérison, il se prosterne devant lui, confessant ainsi qu’il est l’Envoyé de Dieu, venu recréer l’homme, pour l’introduire dans l’intimité du Père. C’est le premier fruit de la conversion : la confession du Nom de Dieu, la reconnaissance de la Vie qu’Il nous donne dans le Christ ! Après vient le témoignage de notre existence de fils de la lumière, discernant ce qui plaît au Seigneur et produisant des fruits de bonté, de justice, de vérité.

A l’approche de Pâques, coulons-nous dans l’expérience de l’aveugle : nous sommes, nous aussi, des aveugles, regardant les personnes, les événements, les situations, sous les seuls angles de la psychologie, de la politique, de la finance ; nous devons le reconnaître, pas le nier. Nous avons besoin de la grâce, pour tout voir à la lumière de Dieu, avec le regard-même du Christ, regard d’amour, de miséricorde, de compassion. Nous avons besoin du Christ, des sacrements, pour recevoir l’onction du Salut. Nous plonger dans la piscine de Siloë, aujourd’hui, c’est mourir à notre volonté propre, par l’humilité et l’obéissance, pour renaître et revêtir l’aube blanche de la justice et de la charité.

Fr. Paul Emmanuel
Abbé du Bec