Lazare est revenu à la vie, à sa vie d’avant ; il mourra une deuxième fois, et … pour de bon.
Ce n’est pas comme le mystère de la résurrection de Jésus dont nous faisons mémoire aujourd’hui. Jésus est mort une fois pour toutes ; ressuscité, il est désormais corps glorieux.
Ce mystère relève de la foi, et il est inutile de chercher des preuves. Devant le tombeau vide, Pierre ne semble pas tirer de conclusion : il reste sidéré ; Jean, lui, dont le regard, d’emblée, discerne l’intérieur des choses et des êtres, voyant la même chose que Pierre, croit aussitôt que Jésus est ressuscité.Peut-être, à ce moment-là, s’est-il, lui Jean, souvenu de la vision de Jésus transfiguré ? Et lui sont-elles revenues les paroles de Jésus devant le tombeau de Lazare : Je suis la Résurrection et la Vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. (Jn 11, 25)
Quelque temps auparavant, s’en étant pris aux marchands et aux changeurs du Temple, Jésus avait mis tout le monde dehors et renversé tables et monnaie. Les Juifs lui avaient alors demandé un signe pour justifier son attitude. Détruisez ce temple, leur avait-il répondu, et en trois jours, je le relèverai. Il parlait du temple de son corps, ajoute saint Jean. (Jn 2, 13-22)
Il faudra du temps aux Onze, ainsi qu’à ceux et celles qui les entouraient, pour entrer dans ce mystère. Jésus est le même extérieurement, mais totalement autre : il apparaît et disparaît, les portes verrouillées ; il est partout et nulle part, en même temps ; quand il les quittera, rapporte saint Matthieu, il leur déclarera qu’il est avec eux jusqu’à la fin des temps ; entre temps, il leur confie une mission : Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.
Les Apôtres vont saisir progressivement le sens de ce qu’ils ont vécu depuis trois ans avec Jésus, de ce qu’ils vivent avec lui depuis Pâques : il est vraiment ressuscité, le même… et autre…, Fils de l’homme et Fils de Dieu, vivant désormais au cœur de tout homme qui le reconnaît comme le Messie, l’Envoyé de Dieu. La communauté de ses disciples est donc le signe majeur de sa présence, signe, donc, des temps nouveaux inaugurés, par sa venue dans le monde et réalisés dans sa Pâque.
Quand il leur a enjoint « Faites ceci en mémoire de moi », le soir du jeudi, il leur a donc demandé de poursuivre sa mission, pas de l’achever, mais d’en signifier l’accomplissement au long des siècles.
Car, – ils le comprendront très vite – , se rappelant les paraboles de leur Maître et Seigneur, le Royaume des cieux est comme une graine semée dans le champ du monde : sa germination et sa croissance ont besoin de temps, même si la plénitude de ce mystère est toute contenue dans la graine de la grâce pascale.
Mais à quoi bon confesser Pâques, si cette confession ne change rien pour nous, si nous restons rancuniers, violents, refusant de pardonner et nous fermant, de ce fait, à l’œuvre de l’Esprit ?
Frères, vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Tendez vers les réalités d’en haut, et non pas vers celles de la terre. En effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. (Col 3, 1-4)
Mais quoi ? Nous avons été baptisés, et nous restons toujours pécheurs, instables, inquiets, doutant de notre propre foi ? C’est que la vie nouvelle reçue de Dieu à notre baptême est une semence de vie ; une vie en germe, qui a besoin du temps, comme une graine, pour lever et croître.
Le mal et la mort ne sont pas des preuves que l’Évangile est un leurre ; la tiédeur et l’hypocrisie des Chrétiens, non plus, ne sont pas des signes que l’Église est une supercherie, une association purement humaine, une entreprise de détournement des consciences. Tout ce mal reste scandaleux, désastreux, mais n’invalide en rien la parole du Christ. Avant de regarder la paille dans l’œil des autres, regardons la poutre dans le nôtre !
Acceptons nos propres limites, reconnaissons nos faiblesses, confessons notre foi d’être des créatures nouvelles dans le Christ ressuscité, et cherchons à devenir de plus en plus ce que le baptême a fait de nous : des membres du Christ, appelés à témoigner de la réalité de notre renaissance en lui, de la réalité de notre vie dans l’Esprit.
En ce sens, nous sommes tous envoyés porter l’Évangile, par notre vie, avant toute parole, surtout par la charité dont le Christ a donné l’exemple, en lavant les pieds de ses disciples et en leur demandant de le faire en mémoire de lui.
Car les plus pauvres, les plus déshérités sont le Christ présent parmi nous, il nous le redit sans cesse : ce que vous avez fait au plus petit des miens, c’est à moi que vous l’avez fait.
Fr. Paul Emmanuel
Abbé du Bec