Homélie :
Pour les chrétiens que nous sommes, la liturgie de l’Église nous propose chaque jour des lectures de l’Ancien et du Nouveau Testament. En filigrane dans ses lectures, et en schématisant, nous est présentée la création parfaite de la terre et de l’homme par Dieu, puis l’entrée du péché dans le monde par la désobéissance de l’homme à son créateur. Désobéissance dont les ravages meurtriers sont étalés dans les nouvelles quotidiennes. Aujourd’hui cette désobéissance, disons cet orgueil, à construit une barrière entre Dieu et l’homme.
La foi chrétienne, notre foi, c’est reconnaître deux points : Le péché de l’homme, mon péché, et la sortie de cet état par la foi en l’amour de Dieu révélé en Jésus-Christ.
Avant d’accepter le Christ comme Sauveur et Seigneur, reconnaissons-nous notre état de pêcheur ? Sans péché, pas de remords, pas de jugement. Nous n’avons pas besoin d’avocat, pas besoin de sauveur, donc pas besoin de Jésus-Christ ! Oh, Dieu déclare par la voix de Saint-Paul au romains (3,10) « Il n’y a pas de juste, non pas un seul, il n’est pas un de sensé, pas un qui cherche Dieu. Tous ils sont dévoyés, ensemble pervertis. »
Pour masquer cette réalité, l’homme à tout essayé selon ses vues personnelles : Religions, coutumes, rites etc… Mais aucune de ces tentatives n’a pu résoudre le problème du péché. Seul l’amour et la grâce de Dieu nous en libèrent. Le sacrifice de Jésus, fils de Dieu mise en croix, a fait disparaître la séparation entre Dieu et l’homme mais cette séparation a disparu seulement pour ceux et celles qui acceptent Jésus comme Sauveur et Seigneur, ce qui n’est pas le cas des scribes dont Jésus pointe du doigt, une fois encore, l’hypocrisie : » Méfiez-vous des scribes en robes solennelles qui aime les salutations, les premières places, les sièges d’honneur et qui dévorent les biens des veuves ! Terribles sont ces paroles et ces jugements de Jésus que le pape François a repris à son compte au début de son pontificat et dont il fait des piqûres de rappel dans ces enseignements.
Aux antipodes de ces comportements, il nous est donné d’admirer ce matin le don lumineux de la veuve de Sarepta obéissant immédiatement aux paroles du prophète Élie. Obéissance d’amour dont le fruit est résurrection. La veuve de Sarepta ou le miracle des mains vides. Les mains vides, cette unique richesse que nous devons rechercher sans cesse. Être capable de désapprendre, de ne plus nous réfugier dans notre savoir limité. La vie de Jésus nous offre le ce trésor de descendre de plus en plus profond en soi, seule façon de reconnaître ce qu’Il est.
Regardons-le dans le Temple, assis en face de la salle du trésor, c’est son dernier passage en ce lieu, il n’y reviendra jamais plus. Il marche vers sa passion et sa mort. Une pauvre veuve s’avance et dépose 2 pièces de monnaie dans le tronc. Apparemment, très très peu de choses et pourtant toute une vie. Toute la vie de cette femme est offerte, Jésus le sait, il mesure l’importance de ce geste, il le sait non seulement parce qu’il connaît les cœurs mais parce qu’à ce moment où il va entrer dans les ténèbres de sa passion, il voit comme l’homme ne sait jamais voir, sinon du plus profond de la perte et du détachement total. Il donne sa vie et cette femme donne la sienne, mystérieuse parenté entre ces deux êtres.
En méditant sur ce texte, je pensais à ses autres paroles de Jésus : « Ma mère, mes frères, mes sœurs sont ceux qui font la volonté de mon Père qui est aux cieux ». Il me semble qu’à cet instant précis, Jésus regarde cette femme comme un fils regarde sa mère l’encourager dans l’offrande de sa vie en offrant elle-même la sienne. Il est évident que le geste de cette femme évoque la mort. Dans ce va-et-vient du Temple, elle meurt dans la solitude et le silence, inconnu de tous, saut de Jésus seul.
Marchand vers sa mort, il pensera à cette femme, à la femme, il en rencontrera d’autres sur son chemin de croix. Il en fut ainsi tout au long de sa vie : » les femmes le suivaient et le servaient » est-il écrit.
Par cette scène et tant d’autres choses dans l’Évangile, nous sommes introduits d’emblée dans le secret des rencontres de la créature avec son créateur, n’est-ce pas cela prier ?
Si cette femme ignore tout de la présence de Jésus, pour lui, elle est au cœur de son cœur. Il l’accueille, lui parle, en parle à ses disciples. Comme on est loin des scribes, du clinquant de leurs vêtements, des premières places, des sièges d’honneur, de l’appât du gain. Tout cela c’est encore le péché : »Qui veut briller n’éclaire pas » dit le Tao, ce mot qui signifie justement » le chemin »!
Refuser le risque, le risque de sa vie, ne pas brûler, se protéger coûte que coûte, ne serait-ce pas aussi le péché ?
Trop souvent nous réduisons notre vie à ce qu’il est possible d’en savoir, à en limiter les contours. L’amour coûte cher mais son fruit n’a pas de prix. La résurrection du Christ est un évènement caché en nous. La veuve de Sarepta, la pauvre femme du Temple, Jésus nous l’enseigne. Avec eux, entrons un peu plus avant dans ce lieu secret du cœur, ou germe à notre insu la plupart du temps la graine de la Résurrection, et pour que cette graine lève, il faut mourir, accepter de perdre, de tout perdre.
Frère Michel
Moine du Bec