Homélie :
Il ne faut pas se tromper sur soi-même pour ne pas tromper les autres. Tenter d’être vrai intérieurement et extérieurement sans pitié pour soi ; le péché que Jésus dénonce le plus dans l’Évangile, c’est l’hypocrisie, Marc emploie une fois le mot hypocrite et Mathieu douze fois. Pour certains chrétiens, c’est toujours l’autre qui agresse, qui est impur, mauvais, raciste ou moralement dépravé. Dans cet Évangile Jésus dénonce l’hypocrisie de ses adversaires. Ce qui souille l’homme, ce sont les pensées qui sortent de son cœur. Dans la Bible, le cœur est le siège des pensées comme des affections, c’est là que naissent les perversions morales.
Il faut remarquer que dans l’Évangile comme dans toute la Bible d’ailleurs et même de nos jours dans l’Église, Dieu agit toujours par des gens humbles, Bernadette Soubirous, des gens qui sont rejetés, la Samaritaine, des gens marqués par le vice, Marie-Madeleine, et il se sert d’eux pour annoncer son royaume et la bonne nouvelle au monde.
« Ce peuple qui m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Il est inutile le culte qu’ils me rendent ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains ». Jésus cite ce passage bien connu d’Isaïe. Et il nous concerne, reconnaissons-le humblement.
Pour être vrai dans nos paroles et nos actes il faut être très vigilant. Sainte-Thérèse de Lisieux écrivait : » j’ai toujours cherché la vérité » ou « j’ai horreur de la feintise », c’est une expression normande pour désigner ce qui est faux en nous. Mais qu’est-ce que tu veux
« Je suis le chemin, vérité et la vie » dit Jésus. Il se révolte contre l’arrogance avec laquelle les pharisiens et les scribes traitent les pauvres, les paysans en dénonçant publiquement leur ignorance des traditions des pères et des commentaires rabbiniques. Mais ce sont ceux-là qui sont dans le vrai, et ne jouent pas de personnages.
Ce n’est que peu à peu que le peuple s’est laissé imposer par les pharisiens ce filet serré de subtilités religieuses, qui les ont conduits à la superstition et au fanatisme. Dans notre Eglise d’aujourd’hui, ce fanatisme n’est pas mort, il est même bien vivant, nous devons en prendre conscience.
Or, Jésus et ses disciples ont vécu en profanes. Il est certain qu’il n’a pas défendu aux siens d’accomplir des ablutions, mais il ne s’est pas prononcé sur ces choses. « Plus nous nous lavons et plus nous devenons impurs » disait un ancien.
À quoi peuvent servir les prescriptions de la pureté, si personne ne peut être souillé par des choses qui viennent de l’extérieur, si le péché n’est jamais dans les choses mais toujours dans la duplicité de l’homme.
Par l’incarnation du Christ, la distinction de nature entre profane et sacrée est aboli. Jésus a désacralisé toute chose dites sacrées, et il a sacralisé l’homme, tout l’homme. « Vos corps sont le temple de l’Esprit Saint » dit saint Paul.
Toute la loi de Dieu est fondée sur ses paroles : « Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte et de la maison de servitude ». C’est la fidélité intérieure qui fait la grandeur de l’homme. Mais quand nous nous sommes éloignés de l’amour de Dieu et des hommes, nous devenons vulnérables à la séduction – c’est alors la pente qui conduit à l’idolâtrie et au jugement.
Jésus nous parle d’un Dieu qui nous rejoint directement sans qu’il soit besoin d’accomplir des rites. « Ô Dieu, crée pour moi un cœur pur, restaures-en ma poitrine un esprit ferme. » Voilà la prière que nous devons faire en vérité.
Pensons à toutes celles et ceux qui sont morts dans les camps, qui ne pouvaient accomplir aucun rite, mais les paroles qu’ils nous ont laissées, sont des paroles de vie pour nous, exprimant le don de leur vie à Dieu et aux hommes. Ceux-là sont purifiés à jamais. Dans son journal, Etty Hillesum écrit : » mon Dieu ce n’est pas toi qui peux nous aider, tu nous as tout donné, c’est nous qui pouvons t’aider ». Et c’est ce qu’elle a fait, elle a été la lumière de Dieu dans les camps de Westerbork et d’Auschwitz, le seul rite qu’elle a accompli, ce fut de s’offrir, d’accepter de mourir pour son peuple et pour le monde, y compris pour les nazis, elle le dit très clairement. Demandons à Dieu cette pureté du cœur qui nous rend pauvre et vrai devant lui et devant les hommes.
« Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu »
Frère Michel
Moine du Bec