20ème dimanche du T.O – Jean (6, 51-58)

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Catégorie : Homélies

Évangile : « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson »

En ce temps-là, Jésus disait à la foule : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »

Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Pour ceux qui t'aiment, Seigneur, tu as préparé des biens que l'œil ne peut voir". C'est par ces mots que commence la prière de l'Église en ce dimanche

Homélie :

« Pour ceux qui t’aiment, Seigneur, tu as préparé des biens que l’œil ne peut voir ». C’est par ces mots que commence la prière de l’Église en ce dimanche. Ces biens sont l’objet même de la proclamation de l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe : Ce que nous proclamons, comme dit l’Écriture, « ce que personne n’avait vu de ses yeux, ni entendu de ses oreilles, ce que le cœur de l’homme n’avait pas imaginé, ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu (1 CO 2,9) ». Ces biens invisibles, quels sont-ils ? Comment les acquérir ? La réponse à ces questions nous est donnée dans les textes de l’Écriture que nous venons d’entendre.

C’est d’abord la Sagesse qui nous exhorte. L’idée que nous nous faisons de la Sagesse est bien souvent celle des hommes, celle du monde. Elle englobe de nombreux aspects : Le savoir, la philosophie, l’art de vivre en société, les relations humaines et bien d’autres. Elle se transmet de génération en génération. Elle présente des valeurs communes à de nombreux peuples mais aussi des particularités propres à chacun.

Dans la tradition d’Israël, elle n’est pas seulement humaine, elle apparaît aussi comme un don divin et les auteurs sacrés iront jusqu’à considérer ce qui est fou aux yeux des hommes comme sage aux yeux de Dieu. C’est ce que fera particulièrement l’apôtre Paul dans ce passage bien connu de la première épître aux Corinthiens : « Dieu a choisi ce qui est fou pour confondre ce qui est sage et ce qui est faible pour confondre ce qui est fort ».

Dans le livre des Proverbes, la Sagesse est personnifiée, préfigurant à la fois l’Esprit de Dieu comme dans la lettre aux Éphésiens que nous venons d’entendre, et Jésus lui-même, comme nous le voyons dans l’Evangile d’aujourd’hui.

Elle invite les hommes à venir dans sa maison pour participer à un festin. Elle veut nourrir ses enfants d’un pain substantiel et les abreuver d’un vin excellent. Cette nourriture et cette boisson qu’elle propose, c’est l’intelligence, la compréhension des voies divines. C’est elle-même qui se donne pour que nous puissions vivre en amitié avec Dieu. Il faut quitter la folie et l’aveuglement qui mène à la perdition pour la suivre sur le chemin de la vie et du bonheur.

Les servantes qu’elle envoie proclamer son invitation, ce sont tous les messagers de Dieu chargés de révéler aux hommes son amour et de les ramener sur le droit chemin. Comme elle, le maître du festin de l’Évangile enverra ses serviteurs appeler tous les hommes à sa table, en particulier les pauvres et les faibles. Ainsi sommes-nous appelés à nous reconnaître pauvres, errants, aveugles et sans intelligence pour nous laisser guider selon ses volontés.

Ces biens invisibles que nous demandions au Seigneur au début de cette liturgie sont certes le don de sa Sagesse, autrement dit de son Esprit, mais aussi le don de Jésus lui-même en son Eucharistie, comme déjà le laisse entendre le livre des Proverbes.

Jésus déclare qu’Il se donne lui-même en nourriture, au point de scandaliser ses auditeurs. Il est lui-même la Sagesse incarnée et lance un véritable défi à la sagesse humaine et même à celle d’Israël. Il est ce pain vivant descendu du ciel qui se donne en nourriture pour que le monde ait la vie. Ce pain, c’est sa propre chair, livrée pour la vie du monde. Et il poursuit :  » si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la Vie en vous. » La déclaration de Jésus devient intolérable pour ses auditeurs. Et cela se comprend car le sang a un caractère sacré. C’est le principe de la vie. Dieu seul en est le maître. Pour ces hommes religieux, ces propos sont scandaleux. Cette folie de Dieu va à l’encontre de leurs raisonnements. Mais, à travers cette déclaration, Jésus annonce de façon voilée qu’il sera offert en sacrifice comme l’agneau pascal.

Par la chair et le sang, c’est l’être tout entier de l’homme qui est désigné. Jésus se donne totalement comme nourriture et breuvage. Ainsi chaque eucharistie renouvelle sa dernière Cène et son sacrifice. Elle est le mémorial de sa Pâque : Passion, et résurrection, Jésus interpelle ici notre foi car c’est bien aux seuls yeux de la foi que se manifestent ces biens que Dieu nous offre.

En se donnant à nous, il nous communique la vie éternelle, nous faisons prendre part à sa mort et à sa résurrection. Dès maintenant, Jésus demeure en « celui qui mange son Corps » et celui-ci demeure en lui. Il renouvelle ainsi son alliance avec l’homme, selon les paroles de la dernière Cène. Il nous entraîne avec lui dans sa consécration à son Père avec qui il ne fait qu’un. Tel est le don qu’il accorde à celui qui croit.

Comme les auditeurs de Jésus, nous pouvons être abasourdis par ces propos qui, si nous en restons à des considérations humaines, nous semblent folie et nous laissent incrédules. Peut-être risquons-nous de ne pas nous en étonner à force d’habitude. Il nous est bon aujourd’hui de reprendre conscience de l’inouï de ce mystère annoncé par Jésus et de nous demander comment nous vivons l’Eucharistie, ce sacrement de la rencontre entre Dieu et chacun de nous, entre Dieu et son peuple. Avons-nous conscience du don qui nous est fait ? C’est l’amour infini de Dieu, manifesté sur la Croix, qui nous est ainsi offert et révélé, à nous, pauvres et pêcheurs.

On nous unissant à Lui par son mystère pascal, Jésus construit son Corps qui est l’Eglise. Sagesse de Dieu incarnée, il nous invite à quitter notre confiance en nos certitudes pour nous laisser guider par Lui vers la nouveauté de son message. C’est ce que nous rappelle l’apôtre Paul dans l’épître aux Éphésiens. Soyons remplis de l’Esprit Saint, lui aussi préfiguré par la sagesse de Dieu. En nous laissant inspirer par lui, nous ne vivrons plus comme des fous mais comme des sages selon Dieu. Nous ne serons plus esclaves du péché et des convoitises de ce monde, nous rechercherons les réalités d’en haut, pratiquant la charité et la bonté et rendons grâce à Dieu de tout notre cœur. Nous serons transformés par l’amour de Dieu, manifesté en Jésus et répandu en nos cœurs par l’Esprit Saint. C’est ce qu’il réalise en nous quand nous célébrons l’Eucharistie : Il nous donne sa Parole de Sagesse et le sacrement de son Corps et de son Sang.

Aussi pouvons-nous en ce jour, avec toute l’Église, invoquer le Seigneur : « Répands en nos cœurs la ferveur de ta charité, afin que t’aimant en toute chose et par-dessus tout, nous obtenions de toi l’héritage promis qui surpasse tout désir. »

 

Frère Claude
Moine du Bec