Ce passage de l’Évangile de saint Matthieu fait partie des consignes que Jésus adresse aux Douze pour leur première mission. Ici, plus précisément, Jésus les invite à proclamer l’avènement du Royaume de Dieu avec assurance et confiance, sans craindre les contradicteurs éventuels ou les conditions défavorables à leur message. A deux reprises, Jésus insiste : Soyez sans crainte !
Et, si on rapproche la situation des Apôtres, envoyés démunis pour une mission qui les dépasse, de celle des Israélites et de leur roi Josaphat, devant des ennemis nombreux qui viennent les attaquer, au livre des Chroniques que nous venons de lire (2 Chr 20, 1-19), la réponse de Dieu à son Peuple convient tout à fait ici : Ne craignez pas et ne vous effrayez pas devant cette multitude nombreuse, car cette guerre n’est pas la vôtre, mais celle de Dieu.Oui, l’annonce de Pâques, que Dieu nous demande à tous de porter au monde, est une mission impossible, pour nous : elle l’œuvre de Dieu, mais signifiée par la charité des disciples du Christ ressuscité que l’Esprit anime et unit. Il y a là, pour tous, un appel à la foi, au témoignage, quelle que soit notre vocation.
A notre époque, tout ce que l’on voudrait cacher est immanquablement dévoilé, un jour ou l’autre, par les médias. Mais ce n’est pas de cela dont parle Jésus. Il parle de la Bonne Nouvelle du Salut qui a transformé nos vies et nous a conduits au monastère : comment la retenir pour nous seuls, sans la dévoyer et la rendre stérile ? Elle agira en nous les premiers, si nous la partageons, ne serait-ce que par le témoignage de notre unité, de notre charité, de notre espérance, puisque nous ne sommes pas appelés à enseigner ou à animer des communautés croyantes.
Entendons cet appel à la foi, car notre vie à l’écart est mission impossible : elle se heurte au doute qui nous assaille tôt ou tard, au découragement devant nos faiblesses inévitables, au manque viscéral qu’attise l’absence d’affections familiales, au questionnement récurrent du sens de notre inutilité…
Tout cela, Jésus le sait, mais il faut que nous le lui disions, le lui abandonnions, pour ne plus être le jouet de peurs, d’inquiétudes, d’inhibitions qui empêchent sa grâce d’agir en nous et par nous. Sa confiance envers nous est plus grande que tout ce qui nous paralysent ; et il a besoin de nous pour révéler au monde combien Dieu l’aime et désire lui donner la vie en plénitude.
Voici que moi, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups… (Mt 10, 16) Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme… (Mt 10, 28) Soyez sans crainte : vous valez mieux que tous les moineaux, dont aucun ne tombe à terre sans que le Père (ne soit là pour le recueillir) … (cf. Mat 10 29-30)
Fr. Paul-Emmanuel
Abbé du bec
