CHAPITRE 1 : DES GENRES DE MOINES
Dimanche 9 mai :
Après avoir donné, dans son Prologue, les grandes orientations de la vie monastique, saint Benoît commence maintenant à entrer dans le détail : il évoque ici le cénobitisme, c’est-à-dire la vie en communauté, puis l’érémitisme, la vie solitaire, qui ne peut être vécue qu’après les épreuves d’une longue probation en vie commune.
Comme tout disciple, nous avons été appelés par le Christ pour le suivre ! C’est bien lui qui nous a appelés, c’est lui qui nous choisit pour que nous portions du fruit comme saint Jean nous le dit dans l’Evangile d’aujourd’hui : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure » (Jn. 15, 9-17 ; 6e dimanche de Pâques, année B).
En menant la vie commune, nous sommes invités à mettre en pratique, chaque jour, l’amour que Dieu nous communique, car nous sommes confrontés aux réalités de la vie présente. Et notre guide, c’est le visage de Jésus que nous retrouvons dans celui des frères cheminant avec nous.Lundi 10 mai :
Saint Benoît fait mention dans ce chapitre des sarabaïtes et des gyrovagues. Avant que la vie monastique ne prenne une forme structurée, avec notamment le monachisme égyptien et palestinien, il y a eu, dès le début, des ascètes dans la communauté chrétienne, vivant dans leurs familles ou à deux ou trois, ou en petits groupes. De même, il y a eu des moines pèlerins authentiques qui étaient reconnus et honorés. Mais ces institutions sont devenues décadentes avec le temps, notamment avec la structuration de la vie monastique en communauté. Les sarabaïtes et les gyrovagues se sont donc éloignés de l’idéal primitif, d’où la sévérité de saint Benoît et des autres réformateurs de son époque.
On a souvent dit que, même si les sarabaïtes et les gyrovagues n’existent plus en tant que tels, il peut en subsister quelque chose aujourd’hui chez des cénobites. Il peut toujours y avoir la tentation de fuir la Règle commune avec ses exigences.
Faire passer ses désirs avant les exigences de la vie communautaire, se dispenser de tel ou tel acte pour des motifs pas toujours justes, et sans en référer à un ancien où au supérieur, peut être une tentation de vivre en sarabaïte. Tous les besoins d’évasion auxquels nous cédons, les fuites de notre devoir, peuvent être la marque d’un vagabondage ! Sans exclure les besoins de repos ou de détente, nous pouvons reconnaitre que nous nous échappons de diverses manières.
C’est pourquoi l’organisation de saint Benoît avec sa Règle est un soutien et une force pour la vie monastique.
CHAPITRE 2 : DE L’ABBÉ.
Mardi 11 mai :
L’organisation de la vie en communauté par saint Benoît, commence par la mise en place de l’abbé. L’abbé est un élément du cénobitisme. Saint Benoît dit au chapitre premier : « Le premier genre de moines est celui des cénobites qui habitent dans un monastère et militent sous une Règle et un abbé ».
L’abbé tient la place du Christ ; il est ici assimilé au Christ-pasteur. Il a reçu la charge d’une communauté, d’un troupeau, et il se doit d’enseigner ses brebis, de leur transmettre plus exactement les enseignements du Seigneur, la Parole divine, et non la sienne propre qui ne serait qu’une parole humaine. On pense ici à la compassion de Jésus pour les foules « qui étaient comme des brebis sans berger et qu’il se mit à enseigner longuement.»(Mc. 6,34).
L’abbé doit donc enseigner régulièrement et constamment la Parole divine. Si les brebis se montrent désobéissantes, le pasteur sera disculpé s’il a accompli sa mission. Il lui faut user de zèle et de patience.
Mercredi 12 mai :
Ce que dit ici saint Benoît sur l’enseignement donné par l’abbé nous semble une évidence : il doit prêcher autant par sa parole que par ses actes. Il ne doit pas faire le contraire de ce qu’il dit selon l’enseignement donné au chapitre 4 de la Règle sur les instruments des bonnes œuvres : « Obéir en tout aux ordres de l’abbé, lors même qu’il agirait autrement (Dieu l’en garde !) et se souvenir du précepte du Seigneur : Ce qu’ils disent, faites-le, mais ce qu’ils font, ne le faites pas. » Ses actes doivent vérifier ses paroles, si non, il se contredirait.
Ce témoignage d’unité entre l’acte et la parole est plus convaincant pour les durs de cœur et les esprits frustes. Ce qui est dit ici de l’abbé est naturellement valable pour tous dans le monastère, mais aussi pour tous ceux qui exercent des responsabilités ou des services dans l’Eglise. Faire le contraire de ce qu’on enseigne, serait un contre-témoignage, même, à la limite, un scandale.
Jeudi 13 mai :
En cette fête de l’Ascension, nous pouvons faire nôtre l’exhortation de l’apôtre Paul dans l’épitre aux Ephésiens de la messe : « Ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix » (Eph. 4,1-2).
En cessant de se rendre visible à ses apôtres, Jésus les invite à demeurer unis dans l’Esprit Saint, le Défenseur, qu’il leur à promis. Grâce à lui, ils pourront annoncer le Royaume de Dieu, semer la Parole de Jésus ressuscité et construire l’Eglise. Et c’est cette Eglise que Paul voit se réaliser grâce à son labeur apostolique et à celui des autres apôtres. Cette construction se réalise en tous ceux qui accueillent la Parole du Seigneur et se laissent guider par son Esprit.
Elle se réalise en nous, très modestement, avec nos pauvres moyens, notre faiblesse, si nous nous accueillons les uns les autres, et si nous laissons transparaitre l’amour de Dieu et l’amour fraternel aux yeux de tous ceux qui viennent vers nous. Accueillons la grâce de cette fête en nous ouvrant au don de l’Esprit Saint qui nous guide et renforce notre unité.
Vendredi 14 mai :
Le ministère de l’abbé dans son monastère doit s’adapter à une grande diversité de caractères et de tempéraments. L’abbé doit donc adapter son enseignement à chacun, car il y a autant de tempéraments que de moines dans la communauté. C’est un travail de tout instant. Cela ne veut pas dire qu’il y a des cas difficiles en permanence ! Mais comme le maître de la vigne, l’abbé doit tailler, émonder pour empêcher la communauté de devenir une terre pleine d’herbes folles, de ronces et de plantes parasites qui étouffent et empêchent la bonne terre de produire un fruit de qualité.
Que l’Esprit Saint, en ces jours préparatoires à la Pentecôte, nous aide tous à laisser Dieu agir en chacun de nous.
Samedi 15 mai :
Ce passage de la RB. prolonge le précédent en décrivant le rôle de l’abbé. Celui-ci doit avoir une attention personnalisée à chacun. Il n’est pas un fonctionnaire qui donne des ordres de son bureau. Il est au service de l’ensemble, certes, mais en tenant compte de la personnalité de chacun.
Son modèle, c’est le Christ bon pasteur, qui connaît ses brebis et voit comment traiter chacune d’elles. Il prodigue à chacune ce qui lui convient (encouragements, conseils ou reproches). Il s’adapte à chacune. C’est ainsi qu’il fait progresser le troupeau.
Père Claude
Prieur du Bec